Relevons la tête…

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26 novembre 2006
1er dimanche de l'Avent (Année C)

Guy Lapointe
Guy Lapointe
Jérémie 33, 14-16
Luc 21, 25-28.34-36

Voir aussi le texte d'introduction du premier dimanche de l'Avent par Joseph-Arthur Bergeron

Même ennuagé, le ciel de ce dimanche est quand même moins menaçant que celui que décrit l’Évangile. C’est le deuxième dimanche d’affilée où est évoquée avec bruits et peurs la planète en attente. N’est-ce pas trop?Nuages

Il y a cette promesse de bonheur que nous avons entendue du prophète Jérémie. Mais cette promesse de bonheur se faufile dans une attitude d’attente en des jours qui ne sont pas toujours des plus faciles à vivre, comme nous le décrit le passage d’Évangile selon Luc. Des passages d’Évangile qui ont — vous me l’accorderez — des accents modernes. Ils décrivent, dans des images très fortes, ce que nous vivons : une société, une planète, notre terre, qui connaît des transformations rapides et profondes; un univers fragilisé. Quelles attitudes adopter? Fuir, nous réfugier dans notre petit monde!

 À travers tous ces signes qui pourraient nous faire peur, un appel : « Redressez-vous et relevez la tête, votre salut est proche ». Malgré tout ce qui peut nous arriver dans la vie, paraître debout devant le Fils de l’homme. Alors dans ce temps d’Avent et cette fête de Noël qui vient, — ce n’est pas un avant Noël, mais l’Avent de Noël : la venue de Noël, la venue de Dieu en Jésus. La fête est déjà là.  Dans ce temps d’Avent-Noël, que pouvons-nous attendre de Dieu? Que pouvons-nous attendre de nous-mêmes?

Si le passage d’Évangile de Luc est sombre, il se laisse pourtant traverser par un appel à rester debout, à vivre dans l’attente active. Il y a ces grands signes cosmiques et ces réactions de peur que nous connaissons tous. Il n’y a pas seulement ces grands cataclysmes annoncés. Il y a ces petits cataclysmes qu’il nous arrive de vivre personnellement. Il m’est tombé sous les yeux un texte d’un poète anglo-saxon que je ne peux m’empêcher de vous lire. Pour dépeindre une tristesse, la tristesse la plus grande sans doute, à savoir la séparation, le deuil de la personne aimée, ce poète a écrit ceci : « Je croyais que cet amour durerait toujours, je me suis trompé. Désormais, les astres sont de trop : éteins-les tous; enveloppe la lune et défais le soleil; épuise l’océan et balaie les forêts; car rien désormais ne pourra jamais advenir de favorable ». À sa manière, il décrit une sorte d’apocalypse qui peut nous faire comprendre par le cœur ce que le passage d’Évangile évoque. Car il nous arrive que tout s’effondre dans nos vies et qu’il nous reste que les cris ou les silences dans des moments de grandes pertes, quand la maladie nous atteint, quand l’être aimé, un conjoint, une conjointe, un parent, un ou une amie nous fuit, disparaît… Tout à coup, c’est l’apocalypse. La vie n’a soudainement plus de sens. Notre vie peut basculer. Je lis à travers certains visages, combien j’en rejoins plusieurs… C’est alors qu’on peut vivre — façon de parler — l’expérience des étoiles qui tombent et qu’on sent la fin du monde, non, la fin d’un monde.

Mais si l’Évangile est une bonne nouvelle — et je crois qu’il l’est — il nous redit que tout est possible, que la vie est plus forte que tous ces effondrements. Relevons la tête, réapprenons à vivre, à naître et à renaître. Désencombrons nos vies de tout ce qui nous enferme. Croyons à l’avenir et à la naissance toujours à venir. L’Avent-Noël, c’est le temps d’accueillir Dieu en Jésus et aussi de nous accueillir nous-mêmes. La vie peut nous rendre vigilant, celle qui s’enracine dans une grande confiance. « Restez éveillés et priez en tout temps » : quelle prière? S.Augustin écrit qu’il y a prière dès qu’il y a désir, même sans parole; à la limite sans rien de senti…

Alors, on peut dire que le temps de l’Avent « travaille » notre humanité et notre foi; il met notre humanité et notre foi en travail comme le ferait la naissance d’un enfant. Il élargit notre cœur. Croire au temps de l’Avent demande une ouverture de tout l’être. Réapprendre à partager, à regarder, à accueillir… Redresser la tête pour ne pas se laisser écraser; redresser la tête pour voir plus loin. Redécouvrir que notre Dieu est un Dieu qui veille et non un Dieu qui surveille; on surveille au nom de la Loi, on veille au nom de l’Amour. Alors, si nous réapprenons à veiller, si nous nous relevons même avec beaucoup de difficultés et que nous nous retrouvons debout, les astres pourront s’allumer de nouveau, le soleil de justice, dont parle Jérémie, se lèvera dans notre monde et dans nos vies. On redécouvrira que « Pour croire en Dieu, il faut avoir le goût de vivre », comme le rappelle Boris Cyrulnik.

Cette année, nous souhaitons que le temps d’Avent nous amène à nous désencombrer, à rester debout, vigilant. L’Avent est un appel à sortir de nos encombrements d’arbres de Noël surchargés à n’en plus voir la beauté du sapin. Retrouver le sens de la naissance de Jésus et ne pas oublier que c’est de cela dont il s’agit. On m’a raconté qu’une intervenante en pastorale rencontrait un groupe de jeunes ados, pour leur redire le sens de Noël. À un certain moment, — on m’a juré que ce n’était pas une histoire inventée — un jeune lève la main et demande à l’intervenante : mais pourquoi donc mêlez-vous la religion avec la fête de Noël?

Le sens de la fête de Noël ne semble plus aller de soi. Voilà pourquoi nous avons, nous aussi, moi le premier, à désencombrer la fête, oui, pour fêter bien sûr, mais retrouver la mémoire de la naissance de Jésus. Et ce n’est plus évident.  Nous sommes sollicités dans notre foi. La naissance est toujours à venir… Attendre le Seigneur, c’est s’interroger sur Lui : mais qui es-tu Seigneur? Attendre le Seigneur, c’est nous interroger sur nous-même : avons-nous envie que le Seigneur vienne au milieu de nos vies?

Alors nous  pourrons cette année célébrer Noël autrement, plus légers, plus accueillants. Nous nous donnerons la chance que les cadeaux et les fêtes soient davantage des attentions aux personnes, et qu’à travers tous ces gestes, nous puissions découvrir un peu mieux le sens de la célébration de la naissance de Jésus et de nos naissances. 

Le passage de Luc nous invite à développer une spiritualité de l’espérance et de la résistance. L’espérance chrétienne vécue discerne la lueur, détient l’étrange pouvoir de faire se lever la lumière. La Bonne Nouvelle nous invite à penser autrement, à sentir autrement, à vivre et à agir autrement, à réaffirmer la grandeur de notre condition et de nos solidarités humaines. N’oublions pas que pour croire en Dieu, il faut avoir le goût de la vie. Alors, relevons la tête et ouvrons grands les yeux pour regarder encore plus loin.


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