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Communauté chrétienne
Saint-Albert-Le-Grand de Montréal |
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Deuxième dimanche du Carême (C)
La Transfiguration
28 février 2010
Clotilde Pouliot
Luc 9, 28b-36
La transfiguration est un mot qui évoquait pour moi, une expérience
suprême, exclusive à Jésus, de l’ordre des
phénomènes mystiques comme l’extase, donc hors
du commun, inaccessible.
Et pourtant cet évangile n’est-il pas écrit pour
nous ? En quoi nous rejoint-il ?
Je redoutais d’aborder ce texte quand j’ai vécu
un moment qui avait une certaine parenté avec un moment de grâces.
Dans la grisaille de janvier, nous a été donné un
samedi plein de soleil, avec un ciel sans nuage et sans vent. Une combinaison
météo parfaite !
Étant à la campagne, je chaussai mes raquettes pour recevoir
ce cadeau grandiose que m’offrait ce jour.
L’éblouissement de cette lumière totale, réfléchie
de surcroît par la neige vierge et le silence de mes haltes volontaires
me remplirent de ravissement. C’était si beau et si splendide,
une action de grâces monta en moi. Par la nature, Dieu se révèle à moi.
Cela me donna un élan neuf et une joie profonde ! J’aurai
bien voulu arrêter le temps…
L’évangile de Luc nous fait entrer dans une expérience
charnière pour Jésus et pour Pierre, Jean et Jacques.
Permettez-moi de revisiter les événements pour mieux
comprendre ce qui s’est passé !
Les apôtres étaient trois juifs pratiquant le judaïsme
traditionnel quand Jésus les invite à le suivre. Dès
lors, ils parcourent les routes de la Palestine à l’écoute
de cet homme à la parole décapante et parfois énigmatique
mais combien libératrice et juste. Ils avaient un appel de salut,
un désir de Messie au fond du cœur ; ils sont témoins
de guérisons, de conversions mais aussi de rejets et de critiques.
Ils sont partagés entre l’admiration pour Jésus
et les remises en question qui sèment le doute. Ils sont perplexes… et
Jésus les invite à grimper sur la montagne avec lui, à quitter
la routine, à prendre une distance pour venir se déposer
en Dieu dans le silence.
Par la prière de Jésus qui révèle l’intimité de
la présence d’un Dieu-Père envers son Fils, Pierre,
Jean et Jacques posent un regard neuf sur leur maître. Sans tout
comprendre, leurs yeux s’ouvrent à cette relation filiale
possible et accessible. L’inquiétude s’estompe… et
la paix revient en eux. Ce moment est un véritable cadeau. « Plantons
des tentes et demeurons ici ! » s’exclame Pierre.
Toujours en cheminement dans sa quête spirituelle, Jésus
saisit bien les tiraillements de ses disciples car il ressent aussi
l’essoufflement, le besoin de faire le point. Il porte cette
intuition profonde d’un Dieu-Amour depuis l’expérience
du désert. Cette Bonne Nouvelle qu’il annonce soulève
la grogne des chefs religieux ; il représente une menace
pour leur autorité établie.
Les collines, refuges de silence et de recueillement sont des lieux
de réconfort pour Jésus. Il monte donc sur le Tabor pour
apaiser sa propre inquiétude.
Dans l’abandon à la prière, la mémoire remonte.
Il revisite l’histoire de son peuple à la recherche du
visage de Dieu.
Moïse avait entendu l’appel de Dieu dans le désert
devant le buisson ardent et cela l’avait incité, malgré ses
limites personnelles et les embûches, à se mettre en marche
pour conduire le peuple hébreu vers une terre de liberté.
Le prophète Élie avait eu cette saisie de la tendresse
de Dieu en observant la douceur de la brise légère.
Jésus n’est pas en rupture avec son peuple mais fidèle à la
mouvance de l’Esprit qui le guide.
Moment de synthèse de son parcours. Il se remémore les
mots entendus lors son baptême : « Celui-ci est
mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ! » Ses
mots le re-confirment dans sa mission. Jésus pressent le dénouement
qui l’attend à Jérusalem, le complot qui s’y
prépare, la solitude et l’abandon. Mais Dieu a une confiance
inconditionnelle en lui : rayonnant de cette joie d’être
aimé, il laisse descendre cette Parole au fond de son être.
Expérience d’apaisement, moment de grâces où il
se passe quelque chose à l’intérieur, où le
cœur s’éveille et accueille la présence qui
l’habite, où la confiance est rétablie par l’amour.
Ce pèlerinage que nous avons entrepris n’est-il pas une
recherche de renforcement de notre filiation à Dieu ? Un
temps pour retrouver notre baptême à l’Esprit de
Dieu. Nous avons choisi d’être disciples de Jésus,
de vivre l’évangile à travers ce que nous sommes.
Donner le meilleur de ce que l’on est, selon nos talents c’est
la joie de Dieu.
Que dire de la transformation qui s’opère en nous dans
l’accompagnement d’un malade ou d’un mourant, dans
la présence à une naissance, dans l’émerveillement
devant la beauté de la nature, dans une participation au sauvetage
de vies humaines ou des souvenirs d’instants marquants, où dans
le découragement ou l’accablement un regard d’amour,
un câlin, un moment de fou rire, un repas partagé, une
présence empathique et écoutante, une parole sage et éclairante
nous ont remplis de paix et de confiance ?
Ces expériences apportent une plénitude intense qui ancre
dans la dynamique de la vie celui qui donne et celui qui reçoit.
Devenir des êtres plus vivants, plus humains malgré les
clair-obscur de la quotidienneté n’est-ce pas le rêve
de Dieu pour nous ?
Dans la traduction de Chouraki, Dieu se présente ainsi à Moïse : « Je
deviens qui je suis en étant avec toi » .
En ce dimanche d’ouverture à la présence de Dieu,
accueillons cette autre parole de l’évangile en Jean 15,
4 qui renforce cette expérience d’aujourd’hui : « Demeurez-en
moi comme je demeure en vous ». Nous ne sommes pas seuls.
Aller à la rencontre de cette lumière qui ouvre à l’amour
du Père pour chacun et chacune, qui ouvre à l’accueil
des autres, n’est-ce pas le chemin de notre carême ?
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