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28e Dimanche du Temps Ordinaire(B)

11 octobre 2015

Sg 7, 7-11

Mc 10, 17-22

« Il avait de grands biens »

  

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Posant sur lui son regard, Jésus se mit à l’aimer. C’est sur cet homme qui accourait vers lui et se mettait à genoux devant lui, que Jésus pose son regard. Cet homme est surement un Juif pieux, très probablement un pharisien honnête, au cœur droit et juste, comme le montre la suite du texte. Il se met à genoux devant Jésus qu’il appelle bon maître, comme on le fait devant un rabbi dont   on veut devenir le disciple. Et Jésus répond à sa requête en lui rappelant les préceptes de la Loi Ancienne qui font la joie et le salut du juste de l’Ancienne Alliance. C’est sur ce juste droit et pieux que Jésus pose son regard. Et il l’aime parce qu’il n’y a en lui que droiture et bonne volonté Ce regard de Jésus en est vraiment un de tendresse et d’amour : c’est un regard d’élection. Cet homme peut devenir disciple fidèle de Jésus s’il accepte de s’ouvrir à la Loi nouvelle, loi d’un salut nouveau fait de miséricorde, d’attention, d’amour justement. Il peut, cet homme, marcher à la suite de Jésus. On retrouve ici la situation d’appel de Jésus à ses premiers disciples, notamment l’appel à Nathanaël : Voici venir un véritable Israélite, un homme sans artifice.(Jean 1, 47)


Mais ici l’appel demeure sans réponse. L’homme ne peut suivre parce qu’il refuse de renoncer aux biens qu’il possède, de grands biens, pour adopter la mission itinérante de Jésus, son dépouillement et son identification aux plus démunis, aux pauvres de ce monde, et ceux qui n’attendent que les biens spirituels, ceux qui n’attendent que l’apaisement de leurs faims et de leurs soifs.       

Nous voici en présence d’un récit de vocation tout autant que devant un enseignement sur les richesses. En présence d’un récit qui est bien plus qu’une histoire édifiante, qu’une leçon de morale pratique.  C’est pour nous une ouverture à une réflexion fondée sur l’Évangile. Tout part de ce regard de Jésus posé sur nous comme sur des disciples croyants et fidèles, un regard d’invitation et d’amour et non de jugement. À nous aussi Jésus propose de dépasser le seul horizon quotidien, trop terre à terre de nos vies, à regarder plus avant et plus haut, là où il nous est possible de viser et d’atteindre un horizon qui est conforme à cette dignité dont Dieu nous a comblé. La réponse à cet appel suppose aussi un dépouillement de notre part. Et c’est alors l’enseignement sur les richesses.  


Entendons-nous bien ici. Jésus ne condamne en rien la richesse, la possession de biens, même de grands biens. Ce qu’il nous enseigne c’est de n’être pas esclaves des biens et richesses, de n’être pas à jamais encombrés et arrêtés dans la marche de nos vies, d’abord par le seul désir de posséder et d’acquérir, et puis, avec plus d’insistance le seul désir de garder. Tout l’enseignement de Jésus porte sur le partage entre disciples et avec tout être humain qui est démuni, dans le besoin, dans l’attente.


Et l’on peut prolonger l’enseignement. Ces biens qui ralentissent la marche et peuvent même l’empêcher, ne sont pas que matériels. Nous avons des biens, souvent des grands biens en partie donnés et en partie acquis par nos labeurs et nos efforts. Des biens de richesse intellectuelle, de richesse spirituelle aussi. Pour les conserver pour soi seul, pour s’en faire prestige et gloire, ou pour ici aussi partager, communiquer ? Pour s’en faire un trésor égoïstement conservé ou pour les utiliser pour voir plus grand, plus haut, plus avant.           


On pourrait même ajouter en ces jours de fête d’action de grâce, ces abondantes récoltes qui sont pour nous à juste titre occasion de réjouissance : c’est le résultat en majeure partie de notre  travail humain. Pouvons-nous nous réjouir sans penser à tous ceux-là de par le monde qui sont dans la disette, les pénuries de toutes sortes. Notre action de grâce devrait aussi nous ouvrir au partage, au désir d’action pour que d’autres puissent aussi un jour se réjouir des fruits de la terre.   


Revenons maintenant à ce juif pieux qui venait interroger Jésus. Après la condition que Jésus faut valoir pour effectivement marcher à sa suite, on nous dit qu’à cause de ses grands biens il devint sombre et s’en alla tout triste. Est-ce vraiment là la fin de l’histoire ? Ne peut-on pas imaginer que Jésus en son amour et sa miséricorde a semé en lui un désir qui ne demanderait qu’à grandir et à s’accomplir. Songeons à cet autre juif pieux que nous présente l’Évangile de Jean : Nicodème venu dans la nuit interrogé Jésus. Il semble bien qu’à la suite de cet entretien avec celui qu’il appelle aussi Maître, Nicodème retourne à sa nuit (Jean 3, 10-17). Mais rien n’est vraiment perdu. On retrouvera Nicodème à la mort de Jésus, accomplissant avec soin les rites de l’ensevelissement (Jean 19,39). Oui vraiment, avec Jésus rien n’est jamais perdu, clos définitivement. Tout est grâce possible.    


Cela vaut pour nous également. Souvent nous sommes comme en arrêt dans nos élans à la suite de l’appel de l’Évangile. Parfois il y a des regards en arrière. Et il nous arrive de porter lourdement le poids de nos richesses quelles qu’elles soient, mais rien n’est perdu. Et nous retenons ce matin ces quelques mots formulés quant en équipe nous réfléchissions sur le texte du récit de Marc. Posséder des richesses, oui, mais se laisser posséder par elles, jamais.          

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal