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33e Dimanche du Temps Ordinaire(B)

15 novembre 2015

Daniel 12, 1-3

Marc, 13, 24-32

Les temps et les moments…

  

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Une terrible détresse… le soleil s’éteindra de même que la lune; les étoiles tomberont du ciel. Le Livre de Daniel veut-il nourrir la peur avec des images de fin du monde? Nourrir ou attiser nos peurs. Cependant, reconnaissons-le, ces jeux de peur et d’inquiétudes autour des perspectives de fin du monde, nous y sommes habitués et nous n’entrons pas dans ces jeux sans réserves.

Un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent; dit encore Daniel. Et là nous sommes carrément sceptiques. Des désastres naturels ou écologiques, nous en avons connus,. Et les guerres, et les génocides, et les peuples qu’on déplace, que l’on accule à la misère. Et puis tant de désastres et de malheurs tout proche de nous — comme les attentats à Paris ces derniers jours —. Tout proche de nous, et en nous, en nos vies. Des échecs dans nos relations, des idéaux et des rêves brisés, des accidents de santé… On pourrait longuement s’ingénier à allonger la liste, on n’en verrait pas la fin. Pourtant tout n’est pas que détresse : Les sages brilleront comme la splendeur du firmament… les maitres de justice resplendiront comme les étoiles. Dit finalement Daniel.

Et maintenant c’est l’Évangile — qui est pourtant Bonne Nouvelle — qui se fait annonciateur de peines, de détresses, de malheurs. L’Évangile pour faire peur, est-ce possible? Alors on se décide à écouter le texte tout entier, à prêter attention au cœur d’un texte comme celui de ce jour. Et qu’est-ce qu’on y trouve?

Des instants de détresses, mais pour préparer et réaliser un grand rassemblement pour la venue du Fils de l’homme. De celui qui nous dit que ciel et terre peuvent bien passer, mais que sa parole ne passera jamais. Et qu’elle est-elle sa parole? Comment a-t-elle retenti à nos oreilles? Une parole qui pouvait parfois parler de jugement inévitable, mais qui disait surtout que le nom de Dieu était : Père! Notre Père! Une parole qui disait : Bienheureux les hommes et les femmes assoiffés de justice et de paix! Bienheureux les hommes et les femmes aux cœurs droits, affamés de vérité et d’honnêteté! Bienheureux même ces hommes et ces femmes qui pleurent : pour eux, pour elles, il y a consolation. Et elle disait encore cette parole : le plus grand est celui qui sait le service, qui se fait serviteur de tous. Une parole qui disait que, lui, il était notre serviteur.

Un rassemblement pour son retour, pour l’accueillir, lui, cela est bien plus une annonce de bonheur et d’accomplissement qu’une vision de détresse et de malheur. Mais placés comme nous le sommes en un monde où le mal semble si puissamment régner et gagner sans cesse du terrain, quand nous vivons, en notre personne ou tout près de nous, des états de peines et de détresses, la question d’elle-même monte en nous : Quand? Quand ce rassemblement? Quand cette venue? Quand ce monde nouveau? Quand enfin le bonheur? La réponse serait-elle, comme pour le malheur possible, une assez glaçante fin de non-recevoir : seul le Père connaît le jour, l’heure, le moment. Comme pour nous dire : cela ne dépend pas de vous, ne vous regarde pas; continuez à peiner; attendez. Mais non. Il y a mieux et plus dans le texte évangélique : Que la comparaison du figuier vous instruise.

Il a l’air tout desséché, le figuier, le plus tardif des arbres du pays de Jésus à produire ses fruits. Pourtant sous sa triste apparence, il prépare ses bourgeons et quand apparaissent ses premières feuilles, c’est déjà l’éclatement d’un plein été. Pour nous, il y a des comparaisons plus familières. Voici la terre et ses arbres et ses plantes qui se dépouillent, qui perdent toute couleur, qui, aux yeux de plusieurs, semblent parler de mort. Et pourtant ce n’est qu’un retrait, un recul pour préparer et faire éclore un nouveau printemps, si bien que même l’hiver avec sa lumière plus rare, ses glaces et ses neiges, prend visage de vie qui renaît. Et dès le début du printemps, comme on se penche avec attention sur les premiers brins d’herbe qui sortent d’un sol encore gris.

Si on mettait la même attention pour interroger nos malheurs et détresses, est-ce que l’on n’y découvrirait pas souvent des promesses de retour, des promesses de vie peut-être? L’avenir, il ne nous appartient pas d’en connaître le jour ou l’heure, mais le présent, notre présent, il relève tellement de nous, du soin que nous y déployons. La terre produira des arbres, des fleurs et des fruits, mais à condition que nous la soignions cette terre, que nous la protégions. Il n’en va pas autrement dans l’ensemble de la vie. Et c’est ce que nous redit une fois de plus l’Évangile. La terrible détresse peut conduire à un heureux rassemblement, à un retour de joie, de paix, qui fera tout oublier du mal et du malheur, mais il y a une condition. Garder, au cœur de cette détresse, l’espérance qui relance la vie en relançant nos énergies. L’Évangile qui nous fait dire : « Ce que je tente de mettre de lumière et de consolation en toute détresse et tout malheur est, comme le figuier, amorce de plein été. Le désir de voir l’herbe et la fleur se frayer un espace aux crevasses des ruines de ma vie, n’est pas sans efficacité. Et même quand rien de bon ne semble possible, quand mes efforts sont sans succès connus ou apparents, quand je semble coupé de tous, inutile en ma solitude, si je garde foi en celui qui dans sa propre chair, dans sa propre vie, nous a dit que jamais rien n’est perdu, déjà la consolation et la paix naissent au cœur ».

Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît. Cela est apaisement dans les annonces de malheur. Mais quand il s’agit de savoir l’heure et le jour de sa présence, déjà avec nous et pour nous, la réponse est à nous si nous nous appuyons sur sa demande de veiller, de construire, de partager. Si nous nous appuyons sur sa parole qui a déclaré bienheureux les hommes, les femmes qui se donnent des mains pour faire justice et paix, qui ont la droiture au cœur et déjà savent le courage de consoler ceux et celles qui pleurent. Si nous nous appuyons les uns les autres en solidarité et communion. Peu importe le jour, l’heure, le moment, Nous sommes renvoyés à notre présent et à notre propre réponse. Mais pas seuls, comme en un désert de solitude. En toute notre marche, il est avec nous et pour nous. Il est là.
        

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal