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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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4e Dimanche du Carême (A)

 

26 mars 2017

 

1Samuel 16, 1b.6-7. 10-13a

 

Jean 9, 1.6-9.13-17.34-38

 

Éphésiens 5, 8-10

 

La fête du regard

Guy Lapointe

 

Nous avons déjà parcouru la moitié du chemin jusqu’à Pâques. Le carême, n’est-ce pas un temps pour renouveler notre regard! Dans la première lecture que nous venons d’entendre, le Seigneur dit à Samuel : « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur ». Oui, dans la vie, tout est affaire de regard et de coeur. Il y a des regards qui glacent, qui paralysent et tuent. Il y a des regards qui questionnent, qui accusent et culpabilisent. Mais il y a aussi et surtout, je l’espère, des regards qui font jaillir l’espoir dans le cœur des personnes, leur redonnent le goût de vivre. Des regards pleins de pardon, de tendresse, de joie et de communion.        

Guy LapointeIl y a des regards éteints comme celui de cet aveugle de naissance sur qui Jésus pose un geste en sortant du Temple. « Avec de la boue, il lui touche les yeux ». Pour les pharisiens, on ne peut pas faire ce geste le jour du Sabbat. « Cet homme est mauvais ». Oui, Jésus allume les yeux de l’aveugle. Il met de la lumière dans son regard, alors que les pharisiens incrédules gardent la noirceur dans leurs yeux. Comme le dit si bellement un auteur : « la lumière invente les yeux ». (Joseph Delteil, Alphabet, p. 27)  

Parce que Dieu est lumière, il a inventé les yeux de Jésus pour regarder notre monde, comme personne avant lui avait pu le regarder, juste qu’au plus profond de notre être. Et parce que Jésus est la lumière du monde, il a inventé des yeux pour que ce mendiant aveugle voit. Et je pense pouvoir dire que lors de notre baptême — et je pense aux jeunes qui seront confirmés, qui confirmeront bientôt leur baptême — il nous a inventé des yeux pour commencer à regarder le monde, à nous regarder les uns les autres, à regarder Dieu à travers les autres.

Et nous? Qu’en est-il de notre regard? Reflète-t-il la tendresse ou la dureté? Le pardon ou le mépris? Met-il de la lumière dans celui des autres ou au contraire les assombrit-Il? Vivons comme des enfants de lumière… Soyons des rayons de soleil pour les autres. Tel est le message de ce passage d’Évangile de l’aveugle-né si beau à entendre et qui nous met en route, qui nous invite à ouvrir nos yeux. Des yeux pour voir. Ce passage d’Évangile nous invite à chercher chacune et chacun son sillon de lumière où le regard n’est pas aveuglé. Pour voir, il faut changer de regard, ouvrir les yeux intérieurs. Parole qui est devenue invisible : « Nul n’a jamais vu Dieu ».        

Pour les pharisiens, il est mal de faire du bien le jour du Sabbat. Jésus fait de la boue; il travaille la terre. C’est un péché. Pourtant, Jésus s’est laissé toucher par l’aveugle de naissance. L’aveugle s’est laissé toucher par Dieu. Cet aveugle de naissance cherchait son sillon de lumière où le regard n’est pas aveuglé. Le chemin se fait en marchant, et à chaque tournant, chaque écart, de nouveaux horizons se découvrent. Le bonheur est dans l’incessante marche vers la lumière.   

Nous marchons vers Pâques; nous rallumerons la flamme et nous tiendrons dans nos mains nos lampes allumées. Nous ouvrirons nos yeux en pleine nuit. Nous traverserons la nuit pour nous insérer dans le sillon de lumière où la parole est pure et peut chanter la foi au Christ ressuscité. Le chemin passe par la société où nous vivons où nous avons un rôle à jouer. Le chemin passe par ces rencontres où l’on peut retrouver le face à face de Jésus et de l’aveugle, s’adresser à l’exclu sans le juger, mais en le restaurant dans sa dignité, en lui redonnant sa place dans la communauté des humains, en le délivrant des images dont il est affublé. Le chemin passe par ces rencontres. Après avoir réentendu cette page d’évangile, je m’interroge. Dieu, dit-on, est caché. Ne peut-on pas dire que ce sont nos fantasmes qui le dérobent aux regards et que pour reconnaître ses traits, il nous faut nous libérer de nos fausses images. Comme pour l’aveugle-né, la Parole est devenue visible. Je vous laisse sur cette interrogation, sur cette question : comment nous libérer de nos fausses images du Dieu de Jésus et des personnes avec qui nous vivons ou que nous rencontrons?