Le jeu de Dieu est multiple et déconcertant Voyez les textes bibliques de ce dimanche. Il y est manifeste que Dieu veut se faire connaître de nous, qu'il veut nous révéler qui il est. Et pourtant…
Voyez-le agir avec Moïse. Le Seigneur le convoque, lui ordonne de gravir la montagne pour le rencontrer. Il vient auprès de Moïse. Il proclame un nom. Mais Moïse ne peut le voir : il se dérobe. Un nom, bien sûr, mais il reste caché.
Et dans l’évangile de Jean, Quelques phrases brèves. Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour que nous puissions croire en lui. Des phrases qui venaient conclure l’entretien que Jésus avait eu avec Nicodème. Nicodème, cet homme de la nuit venu secrètement interroger Jésus. Des phrases obscures en réponse à ses questions avant qu’il ne retourne dans sa nuit. Mais auparavant Jésus avait évoqué l’Esprit qui nous donne de reconnaître Dieu. Cet Esprit qui est comme le vent dont on ne sait ni d’où il vient ni où il va. Cependant il agit. Des phrases obscures, difficiles. Et Nicodème retourne à la nuit.
Dieu veut se faire connaître et reconnaître, mais il s’adresse à nous en des termes si voilés, en des situations si difficiles à saisir que l’on dirait qu’il veut et ne veut pas être connu de nous. Ce qui est faux.
Dieu ne nous parle pas, du moins pas directement de luimême; il nous parle de qui il est pour nous, avec nous. Toujours dans le mouvement de la vie, des relations qu’il veut entretenir avec nous. Que nous dit-il? Qu’il est un Dieu tendre, lent à la colère; un Dieu qui pardonne; un Dieu plein d’amour. Il marche au milieu de nous. Il est le Dieu qui se donne à nous en la personne de son Fils qui vient non pas pour juger ou condamner, mais pour sauver. Il est celui qui donne à jamais la vie à qui accepte son indicible figure, son imperceptible présence, son action souvent indiscernable, à qui entre dans le mouvement de l’espérance jusqu’à la foi.
Moïse a été déconcerté par l’attitude du Seigneur. Il s’est incliné devant Dieu mais pas dans une servile soumission; dans la confiance, le désir de répondre par la fidélité à ce Dieu de toutes les fidélités.
Nicodème, comme nous, est déconcerté par les réponses de Jésus. il repart dans la nuit. Mais il sera là encore au soir de la mort de Jésus, au moment de sa mise au tombeau. Il n’a pas abandonné, baissé les bras. Il reste en recherche de qui est vraiment ce Jésus venu nous dire qui est Dieu.
Qui donc est Dieu? Que nous disent les textes? Il est le Dieu vivant qui s’adresse à des vivants. C’est dans la vie qu’on le découvre marchant au milieu de nous. Présent à nos joies comme à nos deuils. Esprit qui anime et relance nos combats pour plus d’humanité en ce monde, pour le dépassement des horizons trop petits et trop restreints de la simple rectitude, pour l’ouverture à la liberté, à la créativité. Il est avec nous dans la parole et l’action de Jésus qui nous a montré que tendresse, patience, pardon amour ne sont pas des sentiments de faiblesse, mais l’expression de la force, de la fraternité, de la brisure de toutes les solitudes.
Dieu vivant qui est comme la vie : multiple, fuyante souvent, mais surtout la respiration profonde de notre être, l’aspiration à être vraiment.
Qui donc est Dieu? La réponse n’est pas donné clairement, n’est pas fermée et figée à jamais. Il a fallu tant de vitalité d’idées et de mots, de dialogue et de combats à tant de générations depuis les commencements pour en arriver à atteindre l’image d’un Dieu de relations d’amour en lui-même et avec le monde. Nous sommes au relais de ces générations, au relais en communauté comme individuellement de la recherche des croyants et croyantes du visage de Dieu. Un Dieu qui ne se dit jamais en expressions toutes faites comme si on pouvait le mettre dans les boîtes bien propres des idées. Il est toujours au niveau de la vie. Par notre foi, notre espérance et encore par nos questionnements, et même par nos doutes, dans une marche continue, nous reconnaissons qui est Dieu. Oui, nous le rencontrons comme des vivants en plein bouillonnement de la vie.
Qui donc est Dieu? Le Dieu qui marche à notre rythme, à notre force, à notre résistance aux obstacles, qui marche au milieu de nous, au milieu de ceux et celles qui acceptent le chemin si souvent obscur ou surprenant de la vie. Dans un monde déconcertant, excessif dans sa beauté et sa cruauté, dans ses réalisations heureuses et ses crimes inacceptables, dans nos vies intimes elles aussi déconcertantes et excessives dans leurs potentialités et leurs échecs, nous posons avec ferveur la question : Qui donc est Dieu?
Bien souvent il est pour nous comme le vent dont on ne sait d’où il vient ni où il va, mais nous le croyons, nous en faisons l’expérience, nous le vivons : il agit.