Je suis profondément touché, ému, tout particulièrement ce midi, quand j’entends une assemblée aussi vivante, qui écoute, chante, fait silence avec une telle intériorité. Oui, je le crois sincèrement, la Toussaint est une fête qui nous rejoint.
Qui que nous soyons, ce qu’on tente de se dire encore aujourd’hui dans cette foule immense avec laquelle nous marchons, c’est que nous sommes tous aimés de Dieu. Être saint, c’est être enfant de Dieu, c’est être aimé de Dieu comme vient de nous rappeler la lettre de s. Jean. La fête de la Toussaint rend hommage à ces femmes et à ces hommes épris de justice dont la vie a répondu à l’appel de l’Évangile et se sont mis debout, marchant vers un monde nouveau. Certains nous sont connus. Mais il y a aussi ces femmes et ces hommes qui, croyant en Dieu ou pas, marchent, ou qui ont marché vers la vie. C’est l’image d’une foule immense, dont nous sommes, cette foule appelée à traverser la vie, à traverser la mort.
En célébrant dans une même fête les saints et les défunts, la question resurgit presque spontanément: que se passe-t-il après la mort? Dans l’équipe de préparation de cette célébration quelqu’un disait : lorsque ma mère a rendu son dernier souffle, je lui ai dit : « maintenant, tu sais ». Tu sais ce qui arrive après la mort. Nous cherchons tous à savoir, mais l’interrogation fait toujours partie de la foi. Face à la vie, face à la mort, il est important de se laisser étonner, comme l’enfant qui naît. Accepter de garder un esprit d’enfant, écouter ce que les autres nous disent. C’est aussi la sérénité d’accepter le mystère.
Et ce qui nous aide à porter cette question de ce côté-ci de la vie, c’est l’amour, l’amour qui est une ouverture. L’amour qui est confiance, comme la foi en la vie, en la mort. L’amour qu’on se partage les uns les autres et qui donne la qualité de notre vie, de notre mort aussi. Avoir le courage de se laisser aimer et de se rendre vulnérable, faire confiance à ce qui peut advenir après la mort. Comment se rendre vulnérable? Comment répondre à cet amour?
C’est ici que les béatitudes peuvent nous rejoindre : « Heureux les pauvres en esprit, heureux les humbles, heureux les artisans de paix… » Ce sont là des appels et des rappels que la vie et la mort n’ont de sens qu’à se situer dans cet esprit qui nous ouvre aux autres et à Dieu, comme Jésus l’a manifesté dans sa courte vie, trop courte…
Ne restons pas sourds aux appels de l’humanité, dit Jésus à ses disciples. La fête de la Toussaint rend hommage à ces femmes et à ces hommes qui ont marché, dont la vie a répondu à l’appel de l’Évangile. Toutes les personnes que nous avons connues qui ont marché dans cette foule immense à la recherche du bonheur. Finalement c’est l’humanité entière et plus près de nous, ces femmes et ces hommes que nous connaissons et qui cherchaient le sens profond de la foi.
Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus nous parle de bonheur et non pas de malheur. Il nous dit quels sont ceux qui sont vraiment heureux. Et ses paroles, si on les considère avec attention, sont des paroles surprenantes. Il n’y est pas question de religion, même pas de prière. Ses paroles se réfèrent à la vie concrète, une vie où il y a des gens qui souffrent et qui sont consolés, des gens affamés et assoiffés de justice, des personnes qui ont le cœur pur et qui travaillent pour instaurer la paix dans ce monde. À ce monde, Jésus offre le bonheur. Un bonheur ouvert à tous.
Ce sont toutes ces personnes — et nous en sommes — en recherche de bonheur que nous célébrons aujourd’hui, ceux d’hier et d’aujourd’hui. Ce que nous célébrons, c’est la sainteté de Dieu incarnée dans des femmes et des hommes de chair et de sang, des pécheurs à qui Dieu fait miséricorde. C’est bien humblement nous rappeler que nous sommes aimés de Dieu. Voilà ce que je voulais vous redire en cette fête de la Toussaint et de la commémoration des défunts.