Un fragment d’Évangile qui commence par un récit glaçant de fin du monde et qui se conclut par cet Alléluia joyeux et dansant… peut-on mieux dire l’espérance!
Lors de la préparation de la célébration, l’équipe de liturgie a voulu tisser des liens entre les trois textes que nous avons entendus et je voudrais expliquer ce que nous en avons retenu.
La prédication de Luc s’adresse aux premiers chrétiens en période de persécution. Ces signes de destruction sont présentés comme bonne nouvelle : le Fils de l’homme arrive en libérateur avec grande puissance et grande gloire. Vos persécuteurs mourront de peur mais vous, qui êtes restés debout, entrerez dans sa gloire.
La prophétie de Jérémie s’adresse à des Juifs dans une autre période de chaos et d’incertitude. La promesse de bonheur du Seigneur ne sera pas démentie. Un "germe de justice" naîtra dans le pays. Jérusalem connaîtra un ordre nouveau, où régneront la paix, la justice, la sécurité, le bonheur.
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Et, puisqu’il s’agit d’un germe, patience et soins constants seront requis pour que ce germe se développe et envahisse toute la cité. D’où le fil directeur de notre célébration : Prenons soin des germes de bonheur et de justice. À nouveau, Dieu veut faire alliance avec nous pour réaliser son projet.
Ainsi, chez Jérémie, ce germe, c’est l’annonce du Messie, mais c’est aussi un rappel : Dieu qui veut notre bonheur a chevillé le germe de justice dans le cœur de l’humain, à nous de le faire croître.
Jésus, par sa Parole sur la montagne, nous a révélé ce qu’était le bonheur voulu par Dieu. Par ses gestes forts restaurant la dignité des exclus et pardonnant aux ennemis, il nous a montré sa justice.Et Paul — notre troisième texte — se réjouit des effets de la Bonne Nouvelle sur ces nouveaux convertis.
L’amour entre eux et l’amour des autres ne cessent de grandir et les rapprochent de la sainteté. La communauté ressemble à la Jérusalem de Jérémie et ses membres attendent sereinement de rencontrer leur Sauveur.
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Accueillir la Parole, être attentif à l’Esprit, écouter son cœur… mais il faudrait aussi parler de la rencontre avec Dieu, de l’irruption de Dieu dans la vie de ses témoins.
Paul jeté en bas de son cheval, Jérémie tourmenté par des visions hallucinées, Luc prêchant un libérateur aveuglant parmi des armées d’anges… Je ne rêve pas d’un Dieu prenant possession des êtres.
Pourtant… si je pense aux rencontres qui ont secoué ma vie, celles qui m’ont permis de rêver la justice, la dignité, le bonheur, qui ont associé des visages aux mots ‘pauvreté’ ou ‘désespoir’, elles ont chacune eu ce caractère obsédant et envahissant. Des relations qui mettent du désordre dans nos vies, qui hésitent avec la vérité, qui résistent à l’abandon, qui nous recentrent sur l’essentiel. Et, dans l’effroi de ces mises-à-nu, on rencontre le divin en soi et en l’autre.
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Face à l’imprévu d’une rencontre, Luc nous met en garde : « Restez attentif, oubliez les soucis de la vie ». Avoir la paix, me cacher de l’autre, pour avoir le calme et la paix. Je ne crois pas que nous puissions, dans la paix, faire germer le bonheur et la justice?… J’ai toutefois le doux souvenir d’un contre-exemple.
Ici, en un début d’Avent il y a six ans, Aurélie témoignait. Luis et elle étaient parvenus à une vie familiale équilibrée et presque paisible avec leurs deux petits garçons… assez dynamiques. Aurélie était enceinte du numéro trois. Le chaos allait régner pour un temps, les petits vivraient de grands bouleversements, mais la promesse de bonheur à ce nouvel enfant serait comblée, la paix reviendrait dans le foyer. Le Fils de l’homme allait bientôt paraître et l’espérance aurait le dernier mot.
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En ce temps d’Avent, nous célébrons une Parole et une promesse. Mais je nous souhaite aussi de vivre la surprise d’une rencontre du démuni, de l’étranger, une rencontre qui fasse grandir en nous la soif de justice, comme si c’était le Messie lui-même qui venait bousculer nos vies.
La paix aux hommes de bonne volonté???... elle viendra! restons attentifs!!