Introduction à la célébration (après la lecture de Tt 2, 11-14)
Ce soir, nous sommes venus célébrer un évènement passé, la grâce de Dieu qui s’est manifestée pour le salut de l’humanité, comme le rappelle Paul à son disciple Tite. Toutefois, cet enfant déposé dans une mangeoire a une histoire mêlée à la nôtre. Il nous invite à garder vive notre espérance : « la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ ». Ainsi, si nous nous agenouillons auprès de l’Enfant Jésus, c’est pour nous relever afin d’annoncer la présence du Christ en notre monde et notre attente de son retour. Notre joie est inconditionnelle. La vulnérabilité de cet enfant est venue transformer la nôtre pour faire de nous des membres de son peuple. Il est donc important de réunir les Frères dominicains de ce couvent, les membres de la Communauté chrétienne Saint-Albert-le-Grand et les jeunes de l’Espace Benoit-Lacroix, sans oublier votre précieuse présence, pour célébrer ensemble la gloire de Dieu manifestée en notre monde par la naissance de son Fils et l’espérance suscitée en chacune de nos vies.
Homélie
Aujourd’hui, des peuples prennent la route pour fuir leur pays. Pour ces milliers de personnes, un « ailleurs » inconnu leur apparaît préférable aux conditions de vie de leur pays d’origine. Ils sont le « peuple qui marchait dans les ténèbres » et qui « a vu se lever une grande lumière ». Ils sont dans l’espérance de trouver une terre d’accueil. Ils attendent un sauveur pour les tirer de leur situation. Il n’y aura pas un sauveur, au sens d’une baguette magique qui viendrait à leur secours. Comme chrétienne, comme chrétien, nous croyons qu’il y a simplement la présence discrète du Fils de Dieu qui les accompagne au gré de leurs déplacements. Nous sommes ce peuple qui marche vers la lumière. C’est la raison d’être de notre joie de célébrer encore une fois la naissance de l’Emmanuel — Dieu avec nous : « Conseiller merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ».
À l’occasion d’un recensement, imposé par le pouvoir politique, Joseph et Marie s’aventurent à prendre la route vers Bethléem. Les conditions sont particulières pour ce couple en déplacement, nous rapporte Luc : « Marie qui… avait été accordée en mariage (à Joseph) et qui était enceinte ». Cette femme et cet homme nous ressemblent sous certains aspects. La vie leur impose une situation qui les force en quelque sorte à se plier aux exigences d’un décret de l’empereur Auguste. Joseph et Marie acceptent de faire confiance comme il arrive à chacun de nous de le faire. Des projets remis à demain, des deuils à vivre, une santé précaire de plus en plus menacée, un départ pour la retraite non choisie, voilà autant de situations qui nous assimilent à ce couple confronté aux aléas de la vie. De plus, pour Marie et Joseph, ces événements adviennent dans une situation hors-norme. Dans quelles conditions, pourront-ils vivre la naissance de Jésus, lors de ce déplacement imposé ? Des situations, dont nous ne comprenons pas le sens, nous en vivons également. Ils sont différents des circonstances entourant la naissance de Jésus, mais ils demandent notre consentement comme le font Marie et Joseph. C’est souvent à travers la présence des autres que nous découvrons le sens des événements qui nous échappe. Les gestes de bonté, d’humanité, malgré des jours sombres, deviennent l’occasion d’accueillir la joie, ne serait-ce que de petits moments. Ces temps nous sont précieux, car ils évoquent la présence des bergers. Ils réveillent en nous des fragments de la présence de Dieu déposés en nos cœurs. Nous leur devenons semblables à certaines heures de nos vies, quand nous acceptons librement de suivre nos intuitions pour manifester à l’autre, aux autres, la bonté et la tendresse de Dieu. Ainsi, de devenir « bonne nouvelle » pour les autres. Au moment de la visite de l’ange, les bergers pratiquaient leur métier et ils « furent saisis de crainte », mais comme Marie et Joseph, ils acceptèrent de se faire les porte-paroles d’une bonne nouvelle et d’être les premiers membres de « tout le peuple » à éprouver une grande joie.
Le signe donné à ces bergers était pourtant tout simple : « vous trouverez un nouveau-né emmailloté dans une mangeoire ». Celui-ci est qualifié comme le « Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ».
La mangeoire revêt alors un caractère prophétique. Lieu où les animaux viennent s’alimenter, elle symbolise maintenant le don de la vie du Seigneur Jésus qui vient nous apporter le salut promis par Dieu.
Nous pouvons être dans l’allégresse, tout en poursuivant nos pérégrinations vers la Lumière, puisqu’elle est réellement apparue dans la nuit. Des témoins nous invitent à l’accueillir pour devenir à notre tour des témoins, nourris par le don de la vie du Seigneur Jésus.
Aujourd’hui, les anges sont plus discrets, mais ils demeurent bien présents, quand nous acceptons de vivre notre humanité jusqu’au bout. Ils prennent le visage de cette femme qui devant les difficultés rencontrées dans sa relation avec son grand adolescent, n’hésite pas à dire : « c’est ma mère qui m’a appris à être mère et qui continue de le faire! » Le don de la vie du Seigneur nous invite à être, pour les autres, dans notre quotidien et en notre monde, Lumière. La fête de Noël continue ainsi d’exister et permet à la joie de croître. À chacun et chacune d’entre vous, un très joyeux Noël.