J’aime qu’au premier jour de l’année, nous lisions l’évangile qui vient de nous être annoncé. Dans les dernières semaines, la lumière se faisait de plus en plus rare à apprécier, la longueur du jour de plus en plus courte à vivre, le poids de l’année avec ses contradictions de plus en plus lourd à porter. Et voici que le 25, éclate la joie au ciel et sur la terre : le ciel redevient étoilé, les sans-voix que sont les bergers se font annoncer une joyeuse nouvelle et les anges laissent éclater leur allégresse. C’est la Fête! Et quelle fête : un enfant nous est né! La terre entière peut revivre.
Dans les chants de joie qui résonnent sur la terre et dans le ciel, la mère n’apparaît pas, sauf pour faire l’épuisant voyage de Nazareth à Bethléem et se retrouver sans auberge pour se reposer. C’est à l’image de ce que vivent bien des femmes qui portent un enfant. Et dans cette histoire que, depuis quelques jours, nous cherchons à faire nôtre, cette mère ne semble pas beaucoup participer à la grande fête, même si elle est sans doute heureuse d’avoir donné naissance à son enfant. Elle ne paraît pas au cœur de la fête qui se passe à l’extérieur, au ciel et dans les champs, comme ça arrive lors de toutes les naissances.
Marie ressemble à toutes les mères qui accouchent d’un enfant. C’est à ce plan que le récit d’aujourd’hui nous touche de manière particulière. La toute nouvelle maman, bien qu’à la joie d’avoir donné naissance, regarde son bébé, l’examine sous toutes ses coutures, le trouve beau tout en se demandant si tout est bien. Comment va-t-il être? Peut-on déjà lire des signes de son avenir? Elle, sera-t-elle à la hauteur de ce qu’on attend d’une mère? Alors que la joie éclate de partout, Marie retient tous ces événements : son cœur de mère est à l’œuvre. Elle se sent responsable : comment va-t-elle faire, d’autant plus qu’elle vit et a vécu des événements qui la dépassent?
Son comportement nous concerne. En effet, cet épisode de l’évangile nous invite à nous appuyer sur la conduite de Marie pour pouvoir, nous aussi, donner naissance à Jésus dans le monde qui est le nôtre. À notre tour, nous sommes appelés à faire naître Jésus en cette année 2019 et, comme pour Marie, il est tout à fait naturel de nous questionner sur ce que cela implique pour nous.
Dans mon propre travail, celui d’un universitaire spécialisé en éthique, nourri du christianisme, mais engagé dans des milieux où celui-ci n’a pas toujours bonne presse, ce questionnement m’habite beaucoup. Bien souvent, je ne sais trop comment répondre au défi. Même si je suis parfois un peu désemparé, il me semble que je dois rester là où l’événement a lieu. D’une certaine façon, je ressemble à Marie qui a perdu Jésus au Temple alors qu’il avait 12 ans. À cette occasion, elle dispute son fils de ne pas se comporter correctement pour un jeune de son âge. Et que lui répond Jésus? « Je dois vivre ma vie. » Face à cette réponse, comment Marie réagit-elle? Elle se donne la même réponse qu’elle a eue à la naissance de son fils : « Elle méditait tous ces événements dans son cœur. »
Dans un monde qui, ces années-ci, paraît s’enténébrer, une naissance comme celle de Jésus est attendue avec le même espoir qu’au soir où elle a illuminé tout le ciel de la petite ville de Bethléem. La différence d’avec l’an 1, c’est que la responsabilité de faire naître cette vie nouvelle nous revient maintenant. Aujourd’hui, chrétiens ou non, nous nous comportons souvent comme les maîtres et les possesseurs de la vie, laissant peu de chance à la vie nouvelle de s’épanouir. Pour l’évangile d’aujourd’hui, la vie ne sera vraiment renouvelée que si, comme l’a fait Marie la mère de Jésus, nous apprenons à laisser Jésus vivre sa vie.
Marie, peut-être à son corps défendant, a appris à laisser Jésus vivre sa vie. Pour que la lumière de l’espérance se lève sur notre monde, nous aussi nous devons apprendre à donner naissance à Jésus tout en le laissant vivre sa vie. C’est là tout un défi. En nous appuyant sur le comportement de Marie, nous serons sur le bon chemin.
Voilà quelques réflexions que je voulais partager avec vous en ce début d’année que je vous souhaite très bonne.