Je pense que nous connaissons bien ce récit de la pêche miraculeuse. Il nourrît, bien sûr, notre imagination, surtout l’imagination des pêcheurs. Mais il faut aller plus loin.
Une foule se presse autour de Jésus. Que leur dit-il pour qu’ils soient si nombreux à être venus vers lui ? En fait, nous n’en savons rien. L’Évangile se contente de nous dire qu’ils écoutaient la parole de Dieu, sans nous en préciser le contenu. Ces hommes et ces femmes venus de partout entendent le message de Jésus, qu’ils ont trouvé par bonheur. Au début du récit, Simon-Pierre, Jacques, et Jean ne sont pas du tout sensibles et attentifs à ce que Jésus proclame. Ils ont travaillé toute la nuit sans rien prendre. Il leur reste à nettoyer leurs filets. Qu’ont-ils en tête qui les rendent insensibles à ce qui se passe autour d’eux ? Probablement de la déception, de la grande fatigue. Ils ont des soucis bien humains, comme nous en avons tous.
Dans notre service de l'Évangile aujourd'hui, nous marchons à la suite de Jésus et des disciples. C'est à l'église dont nous sommes, aux communautés concrètes, qu'est confié le soin de prolonger ici et aujourd'hui l'action évangélique de Jésus. Jésus nous invite à avancer au large.
Dans le récit de Luc, on retrouve Simon-Pierre, découragé. Il se rend compte que lui est ses compagnons ont travaillé en vain, sans rien prendre. La Parole de Jésus rejoint Pierre et ses compagnons. Elle les rejoint dans leur intimité et touche leur désir, qui devrait être le désir de chacune et de chacun de nous : « Va au large, avance au-delà de tes insécurités, de tes habitudes, de tes certitudes… Va au large et jette tes filets. » Il y a tant de possibles non explorés, tant d’attente en nous… Partir, aller ailleurs, découvrir. Avancer au large, quitter la rive de nos habitudes, le sol de nos certitudes. Simon-Pierre refait ce qu’il avait fait toute la nuit sans rien prendre. Mais cette fois, tout a changé car Jésus est dans la barque. La pêche miraculeuse, cela ne se fait pas seul, c’est une mission de toute l’Église. Simon-Pierre a répondu d’une drôle de façon : « il tomba aux genoux de Jésus en disant : Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » Mais il va faire confiance à Jésus et Jésus lui a fait confiance.
Avec l’apparition de Jésus à Simon-Pierre, je dirais que la foi chrétienne fait son entrée dans l’humanité. Nous sommes invités à nous mettre en mouvement, à avancer au large, être en mouvement soi-même dans et par la relation aux autres, comme Jésus l’a fait toute sa vie. Ne jamais désespérer. Nous ne sommes pas au bout de l’aventure, car la quantité de poissons n’est pas le vrai miracle. Le vrai miracle, c’est que ces hommes qui, au début du récit, n’écoutaient pas Jésus, tant ils étaient préoccupés par leur pêche infructueuse, veulent maintenant le suivre. Ils veulent tellement suivre Jésus qu’ils oublient le produit de leur pêche miraculeuse sur la berge. L’évangéliste Luc dit : « Laissant tout, ils le suivirent… »
Jésus les rejoint dans leurs préoccupations humaines, leur fait découvrir que leur véritable désir n’était pas de recueillir beaucoup de poissons. Désormais, pour toute la beauté du monde, Jésus dit à Simon : « Ce sont des hommes que tu prendras. » A la suite d’un Dieu qui rejoint chaque personne, chaque groupe, dans leurs soucis quotidiens, tous pourront découvrir que leur vrai désir est la recherche du bonheur.
Jésus nous propose, à chacune et à chacun, comme il le fit à Simon-Pierre, à Jacques et à Jean d’avancer au large, d’élargir notre désir de bonheur aux dimensions du sien. Il nous propose de chercher le bonheur de vivre, fût-ce au plus noir de la nuit. Jésus dit à Pierre : « Viens m’aider à répandre le bonheur. Aide-nous à découvrir aujourd’hui ce que tu attends de chacune et de chacun. Aide-nous à découvrir que nous ne sommes pas seulement l’avenir, mais le maintenant de Dieu. Aide-nous (pour reprendre une expression du pape François) à éviter une certaine lassitude de l’espérance. Aide-nous à faire confiance, à avancer en eau profonde et à prendre la route vers la vie, en confiance à Dieu et aux autres. Rends-nous disponibles à Dieu et aux autres. »
Dans notre service de l'évangile aujourd'hui, nous marchons à la suite de Jésus et des disciples. C'est à l'église, dont nous sommes, que revient le soin de prolonger ici et aujourd'hui l'action évangélique de Jésus. La qualité d'une communauté tient à la qualité de la vie de chacune des personnes qui la composent. Il reste que, malgré nos limites, lorsque nous parvenons à nous rassembler et à vivre quelque chose de l'évangile qui soit authentique, la communauté ne peut que grandir et trouver un sens à la vie. Dans le service de l'évangile aujourd'hui, demain c'est à l'église — dont nous sommes — et aux communautés concrètes, qu'est confié le soin de prolonger ici et aujourd'hui l'action évangélique de Jésus.
Alors, n’ayons pas peur. « Avançons au large… »
Rendons-nous disponibles à Dieu et aux autres.