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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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17e Dimanche du Temps Ordinaire

28 juillet 2019

Genèse 18, 20-32            Luc 11, 1-13

Prions avec confiance, malgré tout   

André Descôteaux 

Cette semaine, j’ai accueilli des amis français de passage. Ils en ont profité pour visiter l’église Notre-Dame. Alors qu’ils étaient sur le point de payer leur billet pour entrer, ils ont été coupés par un jeune homme qui dit à la caissière : « je viens prier ». Elle le laisse entrer. Et voici qu’ils le retrouvent avec eux suivant la visite guidée! Il y a vraiment des gens qui sont sans gêne et qui, selon l’expression populaire, ont du front tout le tour de la tête. Quelques fois, les timides les jalousent. Abraham, tel qu’on peut le voir dans le récit de ce matin, n’était certainement pas un timide! Il ose.      
        
André DescôteauxQuel discours! Comment être plus direct? « Comment, toi, Dieu, le juste, pourrait faire périr l’innocent avec le coupable? Loin de toi de faire une chose semblable. » En d’autres mots, quelle est cette justice où le juste et le coupable connaîtraient le même destin? Abraham n’a pas peur. Il confronte Dieu. Mais il va plus loin encore. Alors que dans l’Antiquité il était acceptable de faire périr toute une famille à cause de la mauvaise conduite d’un de ses membres, Abraham renverse la perspective. Parce qu’il y a des justes, Dieu devrait pardonner à tous, les méchants, y compris. Pour Abraham, la justice digne du Dieu qui juge toute la terre doit être de pardonner à toute la ville s’il s’y trouve des innocents. S’ensuit cette négociation où il se montre plus prudent. ‘J’ose encore parler à mon Seigneur moi qui suis poussière et cendre’, dit-il. Mais il est rusé. Il commence par un nombre relativement élevé et, par cinq fois, diminue la barre jusqu’à dix justes. À chaque fois, Dieu répond selon ce qu’Abraham attend de lui et sans s’impatienter. Si bien parti, on se demande bien pourquoi Abraham s’est arrêté à dix. Nous ne le saurons jamais.   
        
Si l’attitude d’Abraham peut surprendre, il en est de même de celle de Dieu. Il écoute patiemment tout ce qu’Abraham lui dit. Il ne le contredit même pas. Au contraire, il lui accorde ce qu’il demande. Le verset précédant immédiatement notre extrait du livre de la Genèse et qui n’a pas été retenu éclaire l’attitude de Dieu. Je le cite : « Vais-je dissimuler à Abraham ce que je vais faire, alors qu’Abraham doit devenir une nation grande et puissante ? » Abraham n’est pas n’importe qui. Il est celui avec qui il a fait alliance. Il est celui qui porte le projet de la bénédiction de Dieu sur l’humanité. Il est aussi celui qu’il considère juste en raison de sa foi. Dieu ne lui demande pas directement ce qu’il pense de son projet de châtiment, mais il y a de ces silences qui sont des invitations. Et Abraham la saisit. Ce faisant, Abraham correspond à ce que Dieu attend de lui, car il ose lui parler franchement. Une belle familiarité entre Dieu et Abraham qui ne craint pas d’interpeller Dieu avec vigueur ni de l’importuner avec une obstination se conjuguant toutefois avec un profond respect.       
        
Oser! N’est-ce pas ce qu’il faut faire quand nous prions? Oser comme ce sans gêne qui vient frapper à la porte de son ami en pleine nuit pour lui demander de lui prêter quelques pains! En passant, mes amis français ont imité le jeune sans-gêne qui était entré sans payer. Ils ont aussi dit à la caissière qu’ils venaient prier à Notre-Dame. Et ils sont entrés gratuitement. Étant de bons catholiques, je suis convaincu qu’ils ont récité au moins un Notre Père et peut-être un Je vous salue Marie puisqu’ils étaient à Notre-Dame!       
        
Oser! Pour Dieu, nous sommes bien plus que des partenaires. Nous sommes ses enfants. Et c’est la première chose que Jésus dit à ses disciples quand ils lui demandent de leur apprendre à prier. Dites : « Notre Père ». Suit la prière du « Notre Père ». Cette prière que Jésus enseigne est plus qu’une prière. Elle est aussi une sorte de méthode d’apprentissage à la prière. Un peu, comme ces méthodes pour apprendre des langues étrangères « qui nous invitent à un petit effort quotidien, à une petite répétition à chaque jour pour, finalement, apprendre, peu à peu, à parler la langue. Eh bien, si nous suivons la méthode de Jésus, grâce au Notre Père, nous finirons par savoir parler la langue de Dieu » Voir Thabut, Marie-Noëlle. L’intelligence des Écritures, tome 6, p. 244.
        
Ainsi apprenons-nous qu’avant de demander quoi que ce soit, il faut nous décentrer pour nous tourner vers un Dieu qui est notre Père. Un Père pour lequel nous désirons qu’il soit aimé, adoré et reconnu par tout le monde comme Père. Un Père pour lequel nous souhaitons la réalisation de son rêve sur l’humanité et la création tout entière, un rêve de vie, de paix, de justice, de joie et d’amour. Un rêve nous englobant et qui est la seule voie vers notre bonheur. Oui, Père que ton nom soit sanctifié, que ta volonté soit faite, que ton règne vienne! 
        
Comment alors ne pas oser demander en sachant que nos existences, avec tout ce qu’elles comportent de fragilité et de force, de tristesse et de joie, d’amour et d’égoïsme, de vie et de mort sont guidées par la main mystérieuse d’un Père vers un horizon de bonheur insoupçonné? Comment ne pas demander l’Esprit comme le suggère Jésus pour justement croire qu’à travers toutes les épreuves, les inconnus, nos incompréhensions et nos doutes, Dieu est notre Père, qu’il nous entend et qu’il nous répond ?   
        
Sa réponse peut être surprenante, et, osons le dire, quelques fois, décevante. Comment Abraham a-t-il réagi quand le lendemain matin il voit la fumée montant de Sodome et de Gomorrhe comme jaillissant d’une fournaise? Comment a réagi Jésus quand il a demandé à son Père que soit éloignée la coupe et qu’il s’entend condamné à mort? « Père, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ». Et pourtant, le troisième jour, il ressuscite par la puissance de Dieu, son Père! Telle est l’horizon ultime de toutes nos vies et de toutes nos prières!  
        
Long apprentissage que celui de la prière persévérante, long apprentissage que celui de la foi en Dieu Père. Voilà pourquoi il nous faut le pain, qui chaque jour refait nos forces; le pardon qui garde nos cœurs ouverts à la miséricorde; et la force de résister aux tentations, la plus grave d’entre elles étant de douter de l’amour de Dieu.       
        
Puissions-nous dans cette eucharistie découvrir toujours davantage la présence de celui qui, un jour, attendait son ami Abraham et qui, aujourd’hui, nous attend, comme un Père, qui nous conduit, jour après jour, à la vie en plénitude et en qui nous pouvons tout confier. Comme l’écrivait le pasteur Dietrich Bonhoeffer : « Dieu réalise en nous non pas tous nos désirs, mais toutes ses promesses ». Amen.