Isaïe 52, 7-10 Matthieu 5, 13-16
Martin Lavoie
Cet évangile que nous venons d’entendre et qui a été choisi tout particulièrement pour notre eucharistie au cours de laquelle nous célébrons la fête de saint Dominique, doit vraiment être remis dans son contexte.
Jean Baptiste est en prison et Jésus est au tout début de son ministère. Et il prend la parole à partir de son lieu préféré pour sa prédication : la montagne, un lieu ouvert à tous, comme saint Dominique aimait prendre la parole dans des lieux publics. Jésus est assis et il s’adresse non pas seulement à ses disciples mais à la foule, à tous ceux et celles qui ont ce besoin d’entendre autre chose que les discours officiels, ceux et celles qui ne se reconnaissent pas dans ce que les autorités civiles et religieuses leur disent devoir croire et faire pour être un bon citoyen, pour être un bon juif, pour être quelqu’un de souche, pour être quelqu’un de culturellement intégré. Jésus vient de terminer ce que nous appelons le discours sur la Montagne, les Béatitudes, et il s’adresse de nouveau à tous ceux et celles qui ne veulent plus être considérés comme des aliénés de la société : ceux et celles qui ont un cœur de pauvre, les affligés, les affamés, les persécutés pour la justice. À tous ceux-là, Jésus leur dit que le bonheur est possible, non pas à cause de lui, mais à cause de qui ils sont aux yeux de Dieu. Et Jésus leur dit, eux, ces pauvres, ces affligés, ces affamés et ces persécutés, qu’en plus d’être des bienheureux et que le Royaume des Cieux est à eux, qu’ils sont le sel de la terre, qu’ils sont la lumière du monde. Personne jusqu’à maintenant ne leur avait dit une telle chose : Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde.
Sel et lumière. Deux façons inédites pour eux d’être disciples.
Le sel, au-delà de son utilité culinaire que nous connaissons tous, au-delà du fait qu’il donne du goût à la nourriture, a aussi un autre rôle : un rôle purificateur. À l’époque de Jésus, on utilisait le sel pour conserver les aliments. Le sel les empêchait de pourrir. Le sel servait donc à prolonger la vie des aliments. Il était un élément qui favorisait la longévité. À cela il faut ajouter qu’en Israël, le sel avait aussi un rôle cultuel. Sur les offrandes que l’on présentait à Dieu, on mettait toujours du sel pour signifier que les offrandes faites à Dieu défiaient le temps (Lv 2,13). C’est pourquoi dans l’Ancien Testament, pour parler d’une alliance solide et à l’épreuve du temps, on parlait d’une « alliance par le sel ». (Nb 18,19)
La lumière a elle aussi un bel ancrage dans la vie de ceux et celles qui écoutent Jésus parce que la lumière était assimilée à Dieu et à sa Parole. Par exemple dans le Ps 119 on dit que la Parole de Dieu est la lampe sur ma route, elle est la lumière de mes pas. Dire à ces personnes, ces pauvres, ces affligés, ces affamés et ces persécutés, qu’elles sont la lumière du monde, c’est leur dire que par leur témoignage, leur foi toute simple, leur vie, elles font rayonner Dieu, elles sont Parole de Dieu.
En son temps, Saint Dominique a été sel de la terre et lumière du monde. À la suite de Dominique, les frères et les sœurs dominicains ont été sel de la terre et lumière du monde. Et nous, aujourd’hui, nous les membres de la communauté dominicaine qu’est la communauté chrétienne Saint-Albert-le-Grand, nous sommes le sel de la terre, nous sommes la lumière du monde. Pourquoi? Parce que, comme saint Dominique, la Parole de Dieu est au cœur et elle est le cœur de notre vie. Parce que nos célébrations, nos activités, notre vie familiale, notre vie professionnelle, sont pour nous des espaces privilégiés pour aller à la rencontre du Seigneur et à la rencontre des autres. Ce qui a mis en saint Dominique le goût de la rencontre, c’est son écoute, son étude et la célébration avec ses frères de la Parole de Dieu.
N’oublions pas que saint Dominique a été un homme de rupture. C’est par son écoute de ceux et celles qui étaient en dehors de l’Église, les Cumans, qu’il a découvert ce qu’est un véritable disciple de Jésus et un véritable prédicateur de l’Évangile. Être à l’écoute des autres, comme saint Dominique l’a été, cela veut dire aller vers les autres, aller là où des hommes et des femmes sont en recherche et là où se trouve Dieu qui nous cherche.
Personnellement, je crois que la communauté chrétienne Saint-Albert-le-Grand et la communauté des frères du couvent Saint-Albert-le-Grand sont à l’image de ce qu’a voulu saint Dominique pour toutes les communautés dominicaines, une communauté d’hommes et de femmes librement singuliers dans leur recherche de la Vérité et profondément unis par leur passion pour la Parole de Dieu.