Hubert Doucet
L’histoire du pauvre Lazare que nous racontaient les livres d’histoire sainte de mon enfance était sans doute l’une de celles qui m’épeuraient davantage. Tout était construit pour nous effrayer des conséquences éternelles de nos mauvaises actions. Cet effroi que suscitait cette lecture, je crois qu’il est demeuré quelque part en nous. En effet, lorsque s’est réunie la petite équipe qui préparait la célébration de ce midi, tous les membres ont eu une réaction hostile à son égard. On s’est même demandé s’il ne fallait pas, tout simplement, trouver un autre évangile, plus adapté à la célébration du baptême d’Hannah. Après une longue discussion, nous avons retenu une partie de l’histoire en la nettoyant de ses paragraphes les plus virulents, mais surtout parce que la toute fin du récit soulève quelques réflexions intéressantes, très pertinentes dans le cadre de la fête du baptême d’aujourd’hui.
Dans sa supplication au Père Abraham, l’homme riche lui demande d’envoyer quelqu’un de chez les morts expliquer à ses frères la nécessité de changer de comportement s’ils ne veulent pas souffrir éternellement. Avec un tel miracle, un tel avertissement venu de l’au-delà, ses frères prendront sûrement de nouvelles habitudes de vie, ils ne se comporteront plus comme ils l’avaient fait jusqu’ici. Quelle est la réponse d’Abraham ? « Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent! […]. Quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus. »
Cette réponse me dit deux choses. La première m’est spontanément venue à la première lecture. N’attendons pas des miracles, des choses extraordinaires venues d’un ailleurs inaccessible pour que le monde devienne meilleur et que chacun/chacune d’entre nous progresse dans le bien faire. En parlant comme il le fait, Jésus nous dit que nous trouvons au milieu de nous tout ce qu’il faut pour cheminer et grandir dans la fraternité ouverte à tout le monde. C’est ce que signifie, me semble-t-il, la référence à Moïse et aux Prophètes, des figures qui indiquent la voie à suivre. Et nous aujourd’hui, nous avons plus que ces grandes figures, nous avons Jésus qui chemine avec nous au cœur de notre vie. C’est d’ailleurs l’expérience que vit Hannah et qui l’amenée à demander le baptême, comme elle nous le dira elle-même.
Voici maintenant la seconde piste de réflexion que suggère la réponse du Père Abraham à l’homme riche. Abraham affirme qu’un mort pourrait bien ressusciter, mais que son message ne changerait rien aux comportements de ses frères. Si le cœur n’y est pas, s’il n’est pas en attente de la fraternité ouverte à tous et toutes, rien ne changera, aucun messager ne sera entendu et les pauvres Lazares continueront à gésir à l’extérieur. Nous placer en état de disponibilité et d’écoute à la vie qui cherche à éclore est la condition pour écouter Moise, les prophètes mais aussi les voix qui viennent d’ailleurs, fussent-elles d’entre les morts. Comment être disponible et ouvert à la vie, si nous ne nous soutenons pas les uns les autres? C’est dans nos familles, nos communautés, nos amitiés que nous apprenons cette disponibilité et cette ouverture.
En demandant à notre communauté de la baptiser, Hannah nous demande de l’accompagner dans sa démarche de vie qui est fondée sur l’amour qu’elle a pour Jésus. Elle nous fait confiance que nous pourrons l’aider. Ce lien particulier que nous créons aujourd’hui, il faut espérer qu'il pourra se développer pour qu’elle trouve ici réponse à son désir et que nous trouvions la joie dans son accomplissement.