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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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Dimanche des Rameaux

10 avril 2022

Merci pour cet homme Jésus!

Luc (19, 28-40) 

Isaïe (50, 4-7)

lettre de Paul aux Philippiens (2, 6-11)

Martin Lavoie

 

Jésus et ses disciples montent maintenant à Jérusalem. C’est le temps de la fête de la Pâque et les routes sont gorgées de fidèles. Arrivés tout près du mont des Oliviers, Jésus et ses disciples font une pause et, avant de reprendre la route vers Jérusalem, Jésus confie à deux de ses disciples une dernière mission : « Allez à ce village d’en face. Vous y trouverez un petit âne sur lequel personne ne s’est encore assis ». Jésus les envoie en leur disant exactement où ils trouveront l’ânon et ce qu’ils devront dire au propriétaire tout comme il dira exactement à ses disciples, dans quelques jours, où ils trouveront la salle et la nourriture pour prendre son dernier repas avec eux. Arrivés sur place l’âne est bien à l’endroit indiqué, et son propriétaire ne fait aucune difficulté pour le laisser partir. Il ne demande même pas pourquoi ni pour qui ils font cela. Au-delà de l’anecdote, cet âne a une grande valeur symbolique. Avant de porter sa croix, Jésus sera porté par un âne. Pour nous, l’âne est la monture des pauvres, l’animal qui tire la charrette des paysans. Dans la Bible, il en va tout autrement. L’âne est avant tout la monture des rois qui viennent avec des intentions pacifiques. Dans le livre du prophète Zacharie, l’âne porte celui qui annoncera la paix messianique. Je le cite : « Tressaille d’allégresse, fille de Sion ! Pousse des acclamations, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi s’avance vers toi; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon tout jeune. » (Za 9,9) Seul sur son âne, Jésus entre à Jérusalem et la foule accueille SON roi. Un tel accueil allait de soi. Depuis trois ans déjà que Jésus parcourt le pays annonçant la venue imminente du Royaume de Dieu. Leur enthousiasme du moment était à ce point intense que chacun et chacune étendait son manteau devant Jésus assis sur son âne et faisant son entrée à Jérusalem. C’était la coutume de jeter ses vêtements devant un futur roi, juste avant son sacre. Aujourd’hui, quelques jours seulement avant la fête de la Pâque, Jésus est acclamé comme un roi, le nouveau David. Cet accueil plus que chaleureux en dit long sur les attentes de cette foule qui voyait en Jésus LE libérateur, celui qui allait enfin chasser les romains hors d’Israël et ramener la paix. Pour cette foule, cela ne fait aucun doute : Jésus est le Messie annoncé par les prophètes, celui qui va enfin établir une paix politique durable dans le pays. Leur conviction est tellement grande qu’ils acclament Jésus avec des mots d’une grande puissance symbolique : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux »! Ce sont les mêmes mots qu’ont proclamés les anges lors de la naissance discrète de Jésus, le Fils du Très-Haut, sauf qu’aujourd’hui c’est une foule agglutinée autour de Jésus assis sur son âne qui célèbre cette paix qui lui vient de Dieu et qui en rend gloire au Seigneur. Aujourd’hui, ce sont les hommes qui accueillent le Fils de l’homme.   
     
Mêlés à cette foule en liesse, je suis prêt à parier gros que notre enthousiasme aurait été le même, acclamant Jésus et chantant nous aussi à pleine voix : ‘’Hosanna, hosanna, hosanna au plus haut des cieux’’ comme nous venons de le faire au début de notre célébration. Leur ferveur aurait été aussi la nôtre. ‘’Hosanna, hosanna, hosanna au plus haut des cieux’’. ‘’Sauve moi’’, ‘’sauve nous’’, tel est le premier sens du mot Hosanna, le cri que le pauvre adressait au roi qui pouvait le sauver et lui faire justice.    
Mais, pour moi, au-delà de l’ivresse des mots et de l’événement exceptionnel, une question demeure sans réponse. Comment se fait-il qu’à peine quelques jours plus tard, à Jérusalem, lors du procès de Jésus, comment se fait-il que cette même foule ait pu vociférer : « Crucifie-le, crucifie-le », et, entendant Pilate leur dire qu’il allait relâcher Jésus parce qu’il ne trouvait en lui aucun motif de condamnation, comment se fait-il que cette foule ait pu réclamer à grands cris que Jésus soit crucifié ? Que s’est-il passé entre le jour où cette foule a acclamé Jésus comme un roi et le jour où cette même foule a porté, à bout de bras, le corps de Jésus sur une croix pour qu’il y soit crucifié ? Que s’est-il passé pour que leur cœur, brusquement, soit habité par tant de haine ? Comment ont-ils pu oublier le discours de Jésus sur la montagne ? Tant de pain et de poissons partagés ? Son accueil des pauvres, des marginalisés ? Sa demande incessante de savoir pardonner, y compris à ses ennemis ? Comment se fait-il qu’ils n’aient pas compris que Jésus voulait bien plus qu’un pays pour son peuple! Il voulait un Royaume pour son Dieu. Mais, une fois de plus, l’échec du jardin d’Éden s’est reproduit. Caïn tue encore son frère Abel. Joseph est encore vendu en esclavage par ses frères de sang.  Je reprends les mots d’André Malraux : « Je cherche la région cruciale de l’âme, où le mal absolu s’oppose à la fraternité. » Je n’ai aucune réponse à ma question si ce n’est que cette foule n’a peut-être pas su reconnaître en Jésus le ‘’Serviteur souffrant’’, celui dont il sera question dans la lecture d’Isaïe que nous entendrons en conclusion de notre célébration. Pour cette foule, Jésus est passé du statut de sauveur à celui d’usurpateur! Or Jésus a assumé totalement tout ce qu’impliquait pour lui faire la volonté de son Père, y compris jusqu’à ce que son humanité soit anéanti sur la croix, y compris jusqu’à ce que sa foi soit anéanti dans son cri : ‘’Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?’’ Jésus sur la croix, c’est l’homme oublié des autres hommes et le Fils l’Homme oublié de Dieu. Il aura fallu attendre la fin du grand silence du samedi saint pour entendre la réponse de Dieu à notre question. Dans l’agonie et la mort de Jésus, Dieu a pris en charge toutes les injustices et toutes les souffrances que subissent les humains et il a transformé en espérance de vie tout ce qui était et tout ce qui est encore aujourd’hui marqué par la mort.