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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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3e Dimanche de Pâques

1er mai 2022

«  Jésus est ressuscité…  puis après?  »

Jean (21, 1-19)

Actes des Apôtres (5, 27b-32.40b-41) 

Apocalypse (5, 11-14)

Martin Lavoie

 

« C’est le Seigneur. » Qui n’a pas rêvé un jour de dire ces mots en présentiel ? Qui n’aurait pas aimé être à la place de ce disciple que Jésus aimait, sur le bord du lac de Tibériade et de dire ces quelques mots que l’on sent si plein d’une tendresse toute contenue : « C’est le Seigneur. »
     
Ce magnifique évangile que nous venons d’entendre va bien au-delà de la simple description d’une manifestation de Jésus après sa résurrection. Il est l’évangile de la rencontre qui bouleverse, de la rencontre où chacun se montre tel qu’il est, de la rencontre où le cœur n’est jamais rassasié de s’entendre dire « tu sais bien que je t’aime ». Dans l’Évangile de Jean, cette rencontre entre Jésus Ressuscité et ses disciples est la troisième et la dernière. Il y a eu celle de Marie-Madeleine au tombeau, puis celle des disciples tout craintifs et enfermés dans la maison où ils ont reçu l’Esprit Saint, après quoi il y a eu une sorte de prolongation, huit jours plus tard et au même endroit, à laquelle s’est ajoutée Thomas, celui qui a eu besoin d’un corps à corps avec Jésus pour croire. Sauf qu’aujourd’hui, ce ne sont pas ces mêmes 11 disciples à qui Jésus Ressuscité vient à la rencontre. Ils ne sont plus que sept. [Déjà à cette époque, l’Église était confrontée à la décroissance démographique.] Nous ne sommes plus en Judée, comme lors des premières rencontres, mais en Galilée, le lieu de départ de la nouvelle évangélisation. Et rappelons-nous. C’est là que tout a commencé, là que Jésus a appelé ses premiers disciples, là, en Galilée. Non seulement Jésus prend l’initiative d’insuffler dans leur vie le courage de la mission mais il donne à cette mission un horizon nouveau. Comme le dit si bien un théologien et exégète suisse (Jean Zumstein), « c’est une mise en Église de l’Évangile. »
     
Ayant fait jusqu’au bout la volonté de son Père, ayant maintenant sauvé l’humanité, Jésus ressuscité aurait pu laisser ses disciples retourner à leurs filets et exercer leur métier de pêcheurs pour le reste de leur vie. Il ne l’a pas fait parce que la résurrection n’est connue que dans la foi. Les seuls témoins du Ressuscité, ce sont les disciples. Eux seuls pouvaient aider à dépasser le scandale de la croix. Pierre, celui sur qui Jésus fixa son regard dès leur première rencontre, est un cas à part. Il ne suffisait pas qu’il ait vu Jésus Ressuscité et mangé avec lui pour reprendre la route et annoncer l’Évangile. Comment oublier que leur amitié a été si cruellement écorchée il n’y a de cela à peine quelques jours ? Comment Pierre pourrait-il oublier qu’en quelques mots seulement, il est passé de l’amour d’amitié au reniement ? Pierre devait retrouver cette familiarité des premiers jours entre Jésus et lui, s’accrocher à nouveau à ce qui avait été à l’origine de sa vocation de disciple : tout laisser et partir, ne plus être celui qui écoute et qui suit mais celui qui prend la parole et marche devant. Comme au tout début de leur aventure commune, Pierre est toujours pour Jésus son homme de main, la figure de proue du groupe des disciples et des premières communautés chrétiennes, sauf qu’aujourd’hui, Pierre est encore secoué par la fin tragique de Jésus, lui qui avait pourtant dit si fort : « Même s’il faut que je meure avec toi, non, je ne te renierai pas. » (Mt 26, 35) Et pourtant, il l’a abandonné. Il l’a renié. Il a trahi sa parole donnée. Malgré le fait que Jésus soit venu à sa rencontre à quelques reprises depuis sa résurrection Pierre se trouve dans une impasse, une impasse dans sa foi. Il ne sait pas comment vivre avec la présence de son ami Jésus, aujourd’hui Ressuscité, sans se laisser envahir par sa culpabilité de l’avoir renié. En langage d’aujourd’hui, nous dirions qu’il n’a pas encore réussi à lâcher prise. Et cela, Jésus l’a bien compris. Il ne veut pas que Pierre s’enferme dans ce passé lourd d’un tel échec mais il veut faire renaître en lui cet amour et cette fougue des premiers jours. Ce n’est pas un Pierre parfait sur lequel Jésus veut s’appuyer pour cette mission nouvelle de prendre soin de ses frères et sœurs, de ceux et celles qui ont tenu le coup et qui veulent maintenant faire église.  Jésus veut s’appuyer sur Pierre l’homme qui s’est laissé restaurer dans ces failles intérieures et qui peut, fort de cette expérience, se faire proche de chacun et chacune dans ses propres faiblesses et fragilités, sans aucun sentiment de supériorité, sans jugement. Aujourd’hui ressuscité, Jésus veut retrouver en Pierre l’homme de l’aventure, le roc, celui sur qui l’Église naissante pourra toujours compter parce qu’il sait, lui, d’expérience, que la route de la foi est pleine d’écueils. Il en a déjà payé le prix fort. Jésus lui rappelle que ce qui compte ce n’est pas ce qu’il a fait ou pas, ce qu’il a dit ou ce qu’il a tu, mais l’amour. « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu? », demande Jésus. Une question qui bouleverse Pierre parce qu’elle lui rappelle cette autre question, celle d’une femme : « N’es-tu pas, toi aussi, l’un de ses disciples ? », question à laquelle Pierre a répondu : « Je n’en suis pas! », quelques mots qui ont suffi à mettre en déroute celui qui se croyait fort dans sa foi et son amitié envers Jésus. Ses quelques rencontres avec Jésus ressuscité ne pouvait lui faire oublier son reniement. « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu? », demande Jésus. Peut-être Pierre se posait-il, lui, une autre question, celle de savoir si Jésus l’aimait encore après ce qu’il avait fait ? Mais Jésus n’est pas là pour le juger. Une fois, deux fois, trois fois! « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu? » Pas question pour Jésus de s’en tenir à des aveux répétés du bout des lèvres. Jésus veut entendre, de la part de Pierre, une parole qui sorte du plus profond de son cœur : « Oui, Seigneur! Toi, tu le sais : je t’aime ».
     
Cette réponse d’amour que Jésus attendait de Pierre était importante, parce que, pour Jésus, c’est seulement dans cette fidélité d’amour que Pierre pourra accomplir sa mission de faire communauté avec tous ceux et celles qui se reconnaissent rencontrés par Jésus ressuscité. Quand Jésus dit à Pierre : « Sois le berger de mes brebis », il lui demande tout simplement d’être là, à visage découvert, avec un cœur plein de compassion, à côté de ceux et celles à qui il va désormais prêcher l’Évangile pour qu’ils puissent reconnaître Jésus ressuscité toujours présent à l’horizon de leur vie, comme un ami fidèle. Au fil du temps, l’Église deviendra petit à petit la communauté non pas des amis du Seigneur Jésus, comme Pierre et les autres disciples l’ont été, mais la communauté des amis dans le Seigneur Jésus.