Si Jean-Baptiste et Jésus vivaient aujourd’hui, il est évident qu’ils auraient chacun leur propre cellulaire et leur compte Twitter avec des milliers d’abonnés sur leur blog. L’un et l’autre sont, à n’en pas douter, de grandes vedettes de leur temps avec un grand nombre de ‘’followers’’. Une précision importante avant de continue l’homélie. J’ai lu quelque part que pour l’année 2022, Israël s’est classé au premier rang mondial pour la qualité de vie numérique. Imaginons donc cette scène.
Cellulaire à la main, Jésus et Jean Baptiste se trouvent quelque part en Galilée. En tant que cousins, ils aiment bien s’envoyer de temps en temps des petits textos sur l’état de santé de leur maman, Élisabeth et Marie, de leur papa, Zacharie et Joseph, ou encore sur tout ce qui les occupe et les préoccupe, leurs projets, leurs amis, et aussi sur tout ce qui les frustre et les énerve tant chez les hommes politiques que chez les responsables religieux.
Jean Baptiste, un brin original, attire des foules au désert et Jésus, lui, attire des foules partout où il passe, que ce soit dans les villages ou au cœur des villes. Ils sont d’authentiques influenceurs de leur temps. Tout le monde cherche à les voir, à les écouter, et à réagir à leurs publications sur Twitter, souvent par des messages pleins d’amour mais aussi par des propos haineux. Il faut bien avouer que Jean Baptiste n’est pas réputé pour avoir sa langue dans sa poche. Il dit ce qu’il pense sans détour et surtout sans ménagement. Il ne craint pas d’inviter ses frères de souche à se rebeller contre les étrangers, ces occupants illégitimes (les Romains). Accusé de propager des fausses nouvelles (des fake news) au sujet de l’union illégitime et adultère entre le roi Hérode et sa belle-sœur Hérodiade, Jean Baptiste se trouve aujourd’hui en prison et il aimerait bien parler à son cousin Jésus pour qu’il le sorte de là. Or, comme nous le savons, la loi fédérale interdit la possession d’un cellulaire en prison. Pas de souci. Bien que cela ne soit pas permis, rien n’empêchera Jean Baptiste d’avoir son cellulaire. En tant que chef de bande du groupe des baptistes, une sorte de gang de rue du désert se nourrissant de sauterelles marinées dans le miel et appelant à la désobéissance civile, Jean Baptiste a tout de même quelques bons amis parmi les gardiens de prison, des gardiens pas trop difficiles à corrompre et qui pourront facilement lui fournir un cellulaire.
Jésus, lui, est plutôt du genre gazouilleur tout en rose avec ses appels incessants au pardon, y compris aux ennemis et à ceux qui nous font du mal, avec ses éloges des enfants, des pauvres, des pécheurs, avec ses phrases chocs comme celle où il affirme que les prostituées vont nous précéder dans le Royaume des Cieux, et, le pire du pire pour Jean Baptiste, la tolérance de Jésus à l’égard des autorités civiles romaines. Jésus dira même qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César.
Comme bien des personnes d’un peu partout dans le pays, Jean Baptiste a cru pendant un moment que Jésus était le Sauveur attendu mais en même temps un doute subsiste dans sa tête. Pour le coup, il trouve Jésus un peu trop mou. On ne peut renverser un gouvernement en récitant simplement des prières ou en répandant ici et là des appels à l’amour de l’autre. Jean Baptiste se met alors à se demander si Jésus est bel et bien celui qu’il prétend être, l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde et surtout s’il est celui qui va rétablir le Royaume d’Israël. Son doute est d’autant plus grand que Jésus a une attitude plutôt libérale à l’égard de la Loi de Moïse. Croupissant dans sa prison et rongé par le doute, Jean Baptiste envoie un texto à Jésus pour lui demander s’il est bel et bien celui qui doit venir, i.e. celui qui va chasser les Romains et établir le Royaume de Dieu. Pour des raisons de sécurité, Jésus répond à Jean Baptiste ni par un texto, ni par une vidéo sur Tik Tok. C’est trop dangereux. Étant une personnalité dans la mire tout autant des autorités civiles et que religieuses, Jésus se dit en lui-même : mieux vaut faire preuve de prudence. Hummm, se dit en lui-même Jésus : Comment savoir si les autorités romaines ou religieuses n’ont pas hacker son compte Twitter ou sa boîte de courriels pour trouver en lui de quoi le faire arrêter et, ultimement, le condamner à mort? Jésus envoie plutôt auprès de Jean Baptiste quelques gazouilleurs en chair et en os, des hommes fidèles et en qui il peut avoir confiance. Malheureusement, la réponse de Jésus ne peut que décevoir une fois de plus Jean Baptiste, car Jésus, contrairement à ce que Jean Baptiste souhaite, ne va pas enclencher le processus de renversement du pouvoir politique. Il va même prédire la destruction du Temple, cette icône du pouvoir religieux. La réponse de Jésus est plutôt une fin de non-recevoir à la méthode prônée par Jean Baptiste. Non seulement il ne va pas enclencher le processus de reconquête du pouvoir par la force mais en plus le ‘’timing’’ n’est pas bon. Il y a encore bien des étapes à franchir avant de pouvoir déclarer que le Royaume de Dieu est déjà là. Il faudra d’abord que le grain tombe en terre, au Jardin de Gethsémani, pour y mourir, et qu’ensuite il porte du fruit en abondance. Jésus aurait pu répondre à Jean Baptiste ce que saint Jacques, dans la deuxième lecture, a répondu aux croyants de la fin du premier siècle : « prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience. […]
Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche » Pour Jésus, ce qui compte vraiment, c’est la vie bien concrète des gens, c’est aider les personnes qui marchent tout croche dans la vie à marcher droit, c’est aider les lépreux d’aujourd’hui, tous ceux et celles qui sont marginalisés à retrouver une vie normale et à marcher la tête haute, c’est aider les sourds à entendre toutes les bonnes paroles que leur disent leurs amis, leurs proches, leurs familles c’est faire en sorte que les pauvres, les oubliés, les sans-abris, les vieillards abandonnés, les jeunes intimidés puissent retrouver leur dignité, leur sourire et leur joie de vivre. Pour cela, il faut de la patience mais surtout il faut avoir un cœur plein d’amour et de tendresse.
Jésus est-il celui qui devait venir ou devons-nous en attendre un autre ? Quelle est notre réponse ?
Personnellement, je crois que tant et aussi longtemps qu’il y aura sur notre terre des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes qui auront une belle humanité comme celle de Jésus, et qui discrètement mais avec efficacité, répareront des vies, relèveront des êtres effondrés, apporteront de la joie dans la vie des personnes qui sont tristes, nous pourrons dire non seulement que Jésus est celui qui devait venir mais aussi et surtout qu’aux yeux de Dieu il n’y a ni le plus petit, ni le plus grand. Il y a toi, il y moi, il y a nous.