La lecture de l’évangile m’a rappelé un livre qui faisait fureur dans les classes de philosophie à la fin des années 1960, lorsque j’étais jeune professeur au CEGEP de Valleyfield. Le titre était La société du spectacle. Il décrivait la société de consommation naissante où la beauté tient dans l’accumulation des marchandises. Le début de l’évangile qui vient de nous être proclamé me frappe du fait qu’il en ressort que le problème raconté dans ce livre est beaucoup plus profond qu’un phénomène moderne. Il est lié à notre humanité. Se promener en vêtements d’apparat, occuper les sièges d’honneur, qu’est-ce que c’est, sinon de l’apparence, du spectacle ! Donner peut devenir une tentation. C’est ici que les textes qui sont au cœur de notre célébration peuvent nourrir notre réflexion sur ce que veut dire donner dans la perspective de Jésus.
La première lecture décrit bien les questions difficiles qui se posent à la femme de Sarepta face au don qui lui est demandé. Est-elle en mesure de donner? Si elle donne, ne va-t-elle pas mourir et son fils avec elle? Le prophète Élie n’est-il pas trop exigeant? Ne serait-ce pas un devoir de refuser d’obtempérer à la demande de partage? Sa discussion avec Élie la conduit finalement à se rendre à ses arguments. Cette femme sait discuter, écouter et répondre aux appels.
L’histoire de l’évangile de ce midi se situe dans un contexte différent : personne ne demande à la pauvre femme de faire un don. Cette dernière arrive dans la cour du Temple, un magnifique édifice qui fait l’orgueil des Juifs, et tout naturellement elle met deux petites pièces de monnaie dans le trésor. Pourquoi pose-t-elle ce geste? Pour se montrer? Pour se priver en plaisant à Dieu? Je ne sais trop. En agissant comme elle le fait, elle témoigne de sa participation à la communauté, quoique les règles sociales l’en aient exclue. Ce temple est majestueux et il donne du sens à la vie de toute la communauté juive répandue dans le monde. En mettant quelque chose dans le tronc, cette femme qui ne possède à peu près rien participe à rendre ce monde plus beau et divin. Elle s’affirme encore bien vivante.
L’histoire, telle que racontée par l’évangéliste Marc, nous invite à pousser la réflexion encore plus avant. Pourquoi cette femme est-elle si pauvre? Pourquoi ne possède-t-elle que quelques piécettes pour vivre? Son entourage lui a-t-il tout enlevé lors de la mort de son mari? Serait-ce que les scribes de sa société auraient eu besoin de beaucoup d’argent pour leurs vêtements d’apparat? Ne l’a-t-on pas rendue pauvre?
La première leçon de l’évangile d’aujourd’hui est sans aucun doute le merveilleux témoignage de cette femme à l’égard de la communauté et de son profond amour pour Dieu. Son don est un modèle pour nous. Il y a cependant une seconde leçon à retenir. Cette leçon vient de Jésus qui était assis dans le Temple et regardait la scène. Il se demandait pourquoi cette femme était réduite à la misère. Serait-ce que ces hommes dont il est question ont besoin de beaucoup d’argent qu’ils prennent aux veuves pour se donner belle apparence?
Voilà quelques réflexions que me suggèrent les deux lectures qui nous ont été annoncées.