Est-ce vraiment le moment ? Le cycle liturgique est implacable. Chaque année, dans la grisaille de novembre, qui entraîne chez plusieurs une déprime saisonnière, la Parole de Dieu nous sert un discours apocalyptique avec des images terrifiantes.
Le message d’espérance qui serait convoyé en devient inaudible. Notre temps, et le temps qu’il fait, ayant déjà quelque chose d’anxiogène, nous sommes bien mal disposés à entendre à la suite une série d’annonces de calamités à venir. Est-il bien opportun de parler de grande détresse à qui vit déjà dans une situation difficile ? Faut-il lui dire en plus que le ciel lui tombera littéralement sur la tête ? Pour les gens avides de ce genre d’images, il y a toujours le cinéma. Justement, l’évangile emploie des images que nous avons peut-être tendance à recevoir au premier degré mais qui sont en fait des métaphores pour décrire le monde nouveau que Dieu veut faire advenir.
Il faut convenir que le vocabulaire employé est assez brutal. Pourquoi nous assommer de la sorte ? Pourquoi nous terroriser si on veut nous communiquer un message d’espérance ? Supposons que quelqu’un de votre entourage vive une crise importante : un deuil, un grave problème de santé, une rupture ou la perte d’un emploi. Vous voudrez lui offrir des propos rassurants, mais il est fort probable que « ça » ne passera pas, que votre sympathie sera mal reçue. Vous risqueriez de vous attirer une réplique dans le genre « On voit bien que tu n’es pas à ma place ! » Quand le ciel est noir chez quelqu’un, inutile de le peindre en rose ! Vous le ferez voir encore plus noir !
Les auteurs de livres dit « apocalyptiques » emploient une tout autre stratégie. Il vous dépeint un monde d’une noirceur sans pareille : tout va aussi mal que vous pouvez l’imaginer, et même au-delà, au point où même les réalités les plus stables, le ciel au-dessus de vos têtes et le sol sous vos pieds semblent vaciller. Ces auteurs s’adressent à des personnes qui connaissent l’adversité en raison de leur foi. Devant la persécution, elles auraient la tentation de renier leurs convictions, de se ranger, de se mettre à l’abri des dangers. Comment ramener à l’espérance ces personnes en proie à la désespérance ? En leur dépeignant une réalité encore plus sombre que celle avec laquelle les gens sont présentement aux prises. Un peu comme on dit familièrement pour balayer un événement qui nous trouble et nous inquiète : « ce n’est quand même pas la fin du monde! » (ah ? l’expression vous est venue récemment ?)
L’évangéliste Marc, dans son chapitre apocalyptique, y va d’abord de trois séquences qui nous ont été épargnées aujourd’hui : chaque fois, des situations terriblement noires, puis, un petit filet de lumière. Enfin, le passage que nous venons d’entendre et qui commence par « après une grande détresse ». Voilà, c’est passé ! on peut respirer ! Mais non, les astres du ciel sont maintenant ébranlés ! Et puis arrive « le Fils de l’homme », ce qui fait croire que sa venue sera précédée… par une catastrophe sans précédent. Comment comprendre ? Ici, Marc n’est plus dans le clair-obscur. Il fait jouer les contrastes. Il utilise tous les éléments sources de lumière : soleil, lune, étoiles perdent leur éclat. Pourquoi ? Ici, ce n’est plus la petite lumière au bout du tunnel, mais une clarté qui éclipse toutes les autres, l’apparition de la Lumière véritable, le Christ qui paraît dans la gloire. À côté de cela, étoiles, lune et soleil s’obscurcissent.
Ce chapitre apocalyptique connaît une fin heureuse. Malgré toutes les forces d’opposition, le Fils de l’homme fera resplendir sa gloire et accomplira son œuvre de rassemblement.
Pour finir, l’évangéliste nous offre un grand secours pour nos petites fins du monde : le recours à la Parole de Dieu. Quand certains jours tout semble se disloquer, quand on ne sait plus trop à quoi s’accrocher, où rien n’a vraiment de fermeté, et allons-y dans l’hyperbole, même si le ciel et la terre semblent se dérober, la Parole de Dieu ne passera pas. Elle est notre ultime recours, le soutien de notre espérance. C’est elle qui nous permettra de tenir devant tout ce qui menace jusqu’à notre intégrité physique, jusqu’à notre vie. Inutile de mettre notre confiance en ce qui ne peut pas sauver. Jésus nous assure que ses paroles ont une puissance de salut. C’est lorsque nous faisons face à l’adversité que nous en éprouvons la fiabilité.
En tout temps, mais surtout dans les temps incertains, quand la force nous manque, la Parole de Dieu reste notre meilleur ancrage dans la vie. Alors, nous dit en quelque sorte l’évangéliste, « ne vous découragez pas! ».