Dn 7, 13-14 Ap 1, 5-8 Jn 18, 33b-37
La liturgie célèbre aujourd’hui le dimanche du Christ-Roi. Vous vous demandez peut-être la raison pour laquelle notre célébration à Saint-Albert ne met pas d’emphase sur ce sujet. Pourquoi a-t-on choisi « rendre témoignage à la vérité » plutôt que le Christ-Roi? Le thème que nous avons retenu est le cœur même de notre évangile, ce qui nous invite à accueillir Jésus le Christ selon la manière que lui-même a de se présenter.
J’ajouterai à ma première remarque que ce dimanche du Christ-Roi est, dans l’Église catholique romaine, une fête récente, moderne en quelque sorte. La date précise de son introduction est 1925. Dans ces années-là, en Europe particulièrement, on constate un énorme progrès de la sécularisation et de l’athéisme. La place de l’Église dans la société est fortement contestée. D’où surgit un double sentiment d’urgence : d’une part, créer une fête attestant que Jésus le Christ préside aux nations et, d’autre part, proclamant que ces nations doivent lui obéir. Je crois que depuis lors, nous avons poussé notre réflexion plus avant, du moins chez une grande partie des chrétiens et des chrétiennes. Et c’est exactement ce dont témoigne le récit de l’évangile d’aujourd’hui.
Si Jésus se retrouve devant Pilate, c’est qu’il se préoccupe des gens, s’intéresse à leurs conditions de vie et cherche à leur faire découvrir un univers qui soit plus humain que celui de leur quotidien. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que certaines autorités craignent que ce « révolté » aspire à prendre le pouvoir. N’est-il pas allé jusqu’à dire que bientôt les gens n’auront plus besoin d’aller à Jérusalem pour adorer le Père? De plus il s’en est pris violemment aux manières d’offrir des sacrifices dans le Temple. Les autorités ont raison de se demander s’il ne vise pas à les remplacer. Dans ce contexte, la question de Pilate résume, en quelque sorte, le souci des autorités juives, sacerdotales en particulier : « Es-tu le roi des Juifs? »
À ce propos, la suite de l’échange est très éclairante. D’abord, de façon spontanée, Jésus se plie à la perspective de Pilate et commence à répondre à sa question : « Es-tu le roi des Juifs? ». Et tout d’un coup, de manière imprévisible, inattendue, Jésus détourne la question : ma vie, c’est « rendre témoignage à la vérité. »
Cette réponse change tout car cette phrase résume l’entièreté de l’évangile de saint Jean. La vérité de Jésus est qu’il est venu chez-nous comme le témoin de l’amour du Père pour l’humanité. Ce n’est pas tant le bon pouvoir à instaurer qui compte, comme l’avait fait le législateur Moïse transmettant la Loi, mais d’accueillir la tendresse et la fidélité du Père qu’apporte Jésus en venant vivre au milieu de nous. Cette vérité qui se trouve à la toute fin de l’évangile d’aujourd’hui était énoncée dès la première page de l’évangile de Saint Jean : « Au commencement était le Verbe, […]. Tout par lui a été fait, et sans lui rien n'a été fait de ce qui existe. En lui était la vie, et la vie était la lumière de l’humanité. » Telle est la vérité dont il est venu témoigner.
Pour nous, n’y a-t-il pas là tout un programme, toute une façon d’être? Jésus est venu faire entendre une voix, celle d’une vérité qui est lumière. Il est venu faire briller une lumière que seule l’ouverture du cœur permet de voir. Notre engagement serait donc de témoigner que le monde peut accueillir la vie qui aspire à éclore s’il est sensible à la parole qu’apporte Jésus. Puissions-nous nous engager dans ce sens!