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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





Noël, la migration de Dieu

Matin de Noël

Raymond Latour

Is 52, 7-10     
He 1, 1-6        
Jn 1, 1-1 8 


         « Allons voir le Messie! », se disaient entre eux les bergers. Dès son annonce, Noël provoque un déplacement. Dieu vient habiter notre terre, mais pour faire sa rencontre, il faut sortir de chez soi. Pas beaucoup de distance à franchir pour les bergers, mais les mages eux, sont allés au bout du monde pour le trouver. Dieu a fait un mouvement vers nous, à nous d’y répondre par un déplacement plus ou moins grand. Pourquoi cela ?             
       Tout au long de son histoire, le peuple de Dieu a connu de ces marches, de ces déplacements qui se sont appelés, en certains moments douloureux, exode, exil, déportation. Tout cela a servi à rapprocher de Dieu des gens qui auraient pu le confiner à son ciel inaccessible pour mieux s’en détourner. Dieu suivait les errances de son peuple. Durant cette longue histoire, Dieu préparait sa grande migration. Ce ne serait plus une simple « visite » comme les prophètes décrivaient l’une ou l’autre de ses intrusions dans le cours du temps. Non, cette fois, ce serait définitif, Dieu habiterait avec nous. Il restait à trouver la demeure. Ce sera Marie pour mettre au monde son Fils.             
       Voilà Marie, qui avec Joseph, au terme d’un épuisant voyage (un autre !) arrivent à Bethléem, le lieu annoncé où naîtrait le Messie. Extraordinaire venue dans un lieu si ordinaire qu’il en sort de l’ordinaire. Dieu en sortie n’a pas l’intention de s’installer. L’auberge est un lieu transitoire. Comme il n’y avait pas de place pour eux, son Fils naît dans une pièce voisine, une étable ! autant dire un passage dans un lieu de passage ! Préfiguration de Pâques.                
       En parlant de Noël, les amis de Jésus diront plus tard que « Dieu a fait les premiers pas ». Dieu s’est avancé vers nous pour nous dire tout son amour. Une déclaration d’amour que nous recevons encore aujourd’hui de la part du Nouveau-Né, le Verbe éternel, lui qui nous a aimés le premier, nous de cette humanité en quête d’un amour qu’elle n’aurait jamais osé imaginer. Et Jésus plus tard manifestera la mobilité de Dieu en se rendant dans les villes et villages pour annoncer à tous la Bonne Nouvelle. En Jésus, Dieu a vraiment pris racine sur notre terre ! Il l’a parcourue, rempli d’humanité.  
        Longue marche du peuple vers l’accomplissement des promesses. Jusqu’à cette nuit où soudain, la voix d’un ange s’est fait entendre : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » Cette étonnante annonce aux bergers s’accompagnait d’un signe : un nouveau-né couché dans une mangeoire.      
        Dieu ne s’est pas inquiété : « et si les bergers n’arrivaient pas à décoder le signe ? » Non, ce signe leur était destiné. Les bergers, mieux que quiconque, étaient en mesure de l’interpréter. C’était comme un cadeau, un cadeau parfaitement ajusté à la personne à qui il est destiné. Dieu savait que ce signe leur convenait, qu’il leur parlerait au cœur. Le signe de l’Enfant dans son dénuement disait toute la complicité de Dieu avec son peuple, surtout les plus pauvres de son peuple.                
        Mais peut-être Dieu instruisait-il aussi déjà son Fils ? Ces bergers, ces pauvres qui venaient à lui n’étaient-ils pas un signe pour l’Enfant, une direction pour le chemin qu’il aurait à prendre ? Jésus reconnu par les bergers deviendra lui-même le bon berger de toutes les brebis délaissées par les pasteurs insouciants. Comme les prophètes l’avaient prédit, il fera paître son peuple et le conduira vers les bons pâturages.           
                 
                 
        Marie conservait toutes ces choses en son cœur. Nous la voyons dans son voyage intérieur. Elle restait immobile mais elle était transportée de joie, parce qu’elle aussi, comme Joseph, comprenait que dans cette scène d’immense pauvreté tout le ciel était contenu. La présence des bergers à la crèche n’avait pour eux rien d’insolite. Dieu accomplissait sa promesse de devenir le berger de son peuple ! Terre et ciel se sont rencontrés. La marche de l’humanité en est relancée !    
        Et voilà nos bergers qui repartent, joyeux, porteurs d’une Bonne Nouvelle, celle que nous célébrons avec eux et que nous méditons en nos cœurs : un sauveur nous est né ! Celle qui fait notre joie : Chantons tous son avènement !