Toute cette année 2025 sera dans notre Église une année jubilaire centrée sur le thème « Pèlerins d’espérance sur le chemin de la paix ». L’espérance est une chose tellement vitale que sans elle, les êtres humains se déshumanisent, qu’avec elle, ils surmonteront les pires drames personnels ou collectifs. Où trouver l’espérance ? Où la chercher ?
Nous sommes, en ce pays, une infime minorité à fréquenter encore l’Église et à croire qu’elle est un lieu privilégié pour orienter cette recherche, à croire que notre commune espérance peut contribuer à faire advenir un monde meilleur. C’est là un défi pour notre témoignage.
Nos sociétés n’ont plus beaucoup de rituels, du moins religieux. Les baptêmes sont moins fréquents, les cérémonies de mariage se font aussi assez rares, et même les funérailles ont tendance à disparaître. Il reste encore quelques rites de société mais la liste est courte. Il y a, de plus en plus répandue, une allergie au formalisme qui se traduit aussi par une méfiance envers les institutions. Ainsi, l’épisode déjà très connoté de la Présentation de Jésus au Temple risque de nous apparaître vraiment comme décalé par rapport à notre culture. Toutefois, grâce à l’apparition des personnages de Syméon et de Anne la prophétesse, le conformisme religieux s’estompe et nous sommes au contraire plongés dans un climat un peu subversif, ce qui est assez inattendu de la part de personnes âgées… Tous deux croyaient en la parole du prophète Malachie : « et soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez, le messager de l’Alliance que vous désirez ». Enfin, il se passera quelque chose au Temple !
Le milieu juif, à l’époque de Jésus, étouffait sous un ensemble de codifications décrétées par l’élite religieuse pour l’application de la Loi de Moïse. La présentation d’un premier-né de sexe masculin et la purification de sa mère sont au nombre de ces prescriptions religieuses. Marie et Joseph s’y soumettaient. Jusque-là, tout baigne dans le plus grand conformisme.
Mais avec les apparitions successives de Syméon et de Anne, nous sommes témoins d’une scène qui échappe totalement aux conventions. Syméon est un homme juste et religieux qui attendait la Consolation d’Israël et, malgré tout, il n’avait pas déserté le temple. Il tenait ferme dans l’espérance de voir le Messie attendu. L’Esprit Saint lui avait fait la promesse qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu cette lumière. C’est encore ce même Esprit qui a illuminé son regard pour que son cœur atteste et que sa bouche confesse que son espérance était maintenant comblée. La sienne et celle de tout le peuple. Le temps de la longue patience de Syméon et d’Israël est terminé. Voici venu l’accomplissement de l’espérance.
Quant à Anne, elle est décrite comme prophétesse. Sa présence même est une prophétie : elle occupe le Temple, littéralement. Elle ne s’en éloigne pas. Veuve après 7 ans de mariage –chiffre parfait- elle ne s’est pas remariée, comme si elle attendait toujours l’Alliance qui répondrait à son désir, un désir enfin comblé pour elle aussi. Son attente était prophétique, sa joie l’est tout autant.
Les actes des parents de Jésus vont satisfaire aux exigences de la Loi de Moïse, mais celle-ci, par l’intrusion des deux personnages insolites sera complètement débordée, comme appartenant à un autre âge.
Déjà, dans toute son innocence, Jésus accomplit la Loi et lui donne un sens nouveau ! Par l’entremise de ses parents, il vient à la rencontre de son peuple dans les personnes de Syméon et Anne, tandis que les gens rattachés au temple brillent par leur absence. À la place des prêtres, c’est l’Esprit qui présidait, l’Esprit qui officiait !
C’est à une scène de reconnaissance que nous assistons. Syméon et Anne, que l’on ne reverra plus ailleurs dans les évangiles, désignent Jésus, son identité, sa mission. Ces deux témoins, ces deux pèlerins d’espérance, authentifient la portée de cette visite au Temple. Ces personnages non cléricaux annoncent la nouvelle alliance qui vient combler l’espérance d’Israël, ce dont les ministres du culte auraient été bien incapables. C’est le peuple tout entier qu’ils représentent. Et comme Syméon est d’une grande largesse de vue, cet accueil s’étend à la terre entière : « Mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui éclaire les nations ».
La plus juive des pages de l’Écriture prend une tournure universaliste! Un commencement à Jérusalem pour une ouverture à toute l’humanité. La lumière brille pour tous ! C’est déjà une manière de raconter que la mort de Jésus, son offrande de lui-même, aura une portée qui dépassera largement le cadre du judaïsme pour rejoindre, « éclairer » toutes les nations.
Guidés par l’Esprit, Syméon et Anne ont percé le secret de Dieu. L’Esprit s’est emparé d’eux et leur a donné de discerner dans un enfant, le Christ, le Messie du Seigneur. Ils y avaient été préparés par leur longue vie qui représente l’histoire d’Israël : Dieu se révèle aux pauvres et aux petits, il se dit aussi par les pauvres et les petits. Leur attente a été comblée. Ils se réjouissent et laissent éclater leur joie. Évidemment, Jésus ne dit rien mais sa première présence au Temple a été correctement interprétée. Toute sa vie en sera l’approbation. En lui, la nouvelle alliance sera scellée.
À travers un vieux rituel, la nouveauté de l’Évangile vient d’émerger. Ce n’est pas encore la lumière de Pâques, mais déjà, elle se laisse deviner. L’appétit de lumière de Syméon et Anne a été rassasié. Pour notre part, nous bénéficions d’une clarté encore plus grande, ce que l’Esprit nous aide à discerner au quotidien.
Comme Syméon et Anne, soyons en continuelle capacité d’accueil, d’ouverture aux aspirations déposées en notre cœur. Comme eux, guettons le jour où tous verront le salut de notre Dieu. En ce mois de février où la clarté progresse, avançons chaque jour un peu plus dans cette lumière.
Que par nous, et dans notre rassemblement, l’espérance et la lumière se rencontrent !