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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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2e Dimanche de Pâques 

Confirmés dans la foi

Raymond Latour

 

Jean 20, 19-31

                En communauté chrétienne, nous proclamons un évangile, nous l’entendons, nous le recevons. Il y aurait peut-être lieu de critiquer aujourd’hui la réception que nous faisons de l’épisode qui clôture notre octave pascale. 
                  Le plus souvent, j’y reviendrai, la belle profession de foi de Thomas est occultée par sa soi-disant incrédulité. C’est ce que l’on retient de lui. Par exemple, assez récemment, je participais à une célébration eucharistique qui, au moment de la profession de foi, alignait les crédos de Marie-Madeleine, Marthe et Pierre en négligeant celui de Thomas, comme si la qualité de son expression de foi était atténuée par la recherche qui l’a précédée. Ne serait-ce pas plutôt le contraire, l’accession à une foi épurée, qui se garde d’être le fruit de l’imagination ou la consolation dans la tristesse ?  
                  Autre petit problème : la communauté des disciples et sa crédibilité. Il serait utile de braquer les projecteurs sur les déficiences de cette communauté. Thomas était absent ce jour-là. Il avait peut-être décidé qu’il en avait assez de la période de confinement que le groupe s’était infligée par « peur des Juifs ». Il a eu le courage de sortir. Et voici qu’à son retour, les dix autres lui racontent l’invraisemblable. Ils sont tout à leur joie : « Nous avons vu le Seigneur! », mais pas un n’a assez d’empathie pour comprendre que, au sens littéral, « Thomas n’était pas là », que leur témoignage ne pouvait être audible pour lui. Aucun n’a pris la précaution de lui dire quelque chose comme « aussi incroyable que cela puisse paraître »…
L’enthousiasme des disciples est encore moins contagieux quand on sait que malgré cette apparition du Ressuscité, ils gardaient le cadenas bien en place sur la porte. Eh oui, les portes étaient encore verrouillées, une semaine plus tard ! Les disciples restaient enfermés dans la peur, dans un climat mortifère. N’est-ce pas une indication pour notre témoignage chrétien ? Si la joie ne nous fait pas sortir de nos peurs, de quelle joie s’agit-il ? Comment témoigner de la Résurrection en restant prisonnier du tombeau ? À quoi peut-on voir que nos tombes se descellent sinon quand un changement en profondeur survient au point où l’entourage cherche à en trouver la cause ? 
                  Qui était l’Apôtre Thomas ? Pour bon nombre de personnes, la question est vite résolue, Thomas, c’est l’incrédule. Si bien que le langage populaire a adopté cette position. On dit   « ne fait pas ton Thomas ».  Thomas, en effet, semble réticent à croire, il demanderait, si on l’entend au premier degré, à toucher les plaies de Jésus. Et Jésus lui-même l’aurait invité à sortir de son incrédulité pour devenir croyant. Même si la cause est entendue, je persiste à soutenir que Thomas n’est pas un incrédule. Qu’est-il alors ? C’est un confirmand, c’est-à-dire qu’il se pose en candidat pour être confirmé dans sa foi. Il attend d’être saisi dans toute sa personne par une réalité que la communauté des disciples avait déjà expérimentée mais qui exige une adhésion personnelle. 
                  Thomas, l’un des Douze, comme le précise l’Évangile, avait lui aussi cheminé avec Jésus. Il le connaissait, l’appréciait, au point de se mettre à sa suite. Il avait peut-être partagé les hésitations et les incompréhensions de ses confrères disciples. Comme eux, il a été témoin du ministère de Jésus, de ses paroles et de ses actes. Jamais les récits évangéliques ne laissent entendre qu’il ne voyait pas en lui un prophète ou même le Messie. Jamais il n’exprime aucun scepticisme, seulement l’interrogation d’un être raisonnable.  
Mais l’événement de la Résurrection se situe dans un autre registre qui fait appel à la foi, qui amène à proclamer que Jésus est le Fils de Dieu.  C’est une affirmation qui ne va pas de soi, que l’on ne fait pas à la légère. 
Disons que Thomas n’est pas le contraire d’un incrédule, un être crédule. Et c’est heureux ! Cela n’en fait pas pour autant un scientifique qui voudrait vérifier, contrôler. Le Ressuscité résiste à toute tentative de possession. Simplement, Thomas n’est pas du genre à croire n’importe quoi ! Jésus est le premier ressuscité d’entre les morts. L’inédit peut bien provoquer un peu d’étonnement. N’allons pas faire le reproche à Thomas de ne pas avoir la foi du charbonnier ! Notre foi en la résurrection se fonde sur celle des apôtres. Cela réclame des assises solides. Notre maison ne repose pas sur le sable des illusions !

Thomas réclamait au fond exactement la confirmation qu’avaient reçue les autres disciples. C’est en ce sens que Jésus a répondu à sa demande. Non pas de pouvoir mettre la main dans son côté, mais de lui donner accès à la foi pour qu’à son tour il puisse témoigner de la Paix du Ressuscité et annoncer le pardon des péchés. Quand Thomas s’exclame : « Mon Seigneur et mon Dieu », ce n’est pas l’expression d’un sceptique confondu, mais celle d’un croyant éperdu de reconnaissance, qui embrasse le Christ dans la foi et lui déclare son appartenance. C’est la plus belle des confessions de foi. 
Soyons confirmés dans cette même foi, vivons de cette béatitude de la foi : « Heureux, heureuses ceux et celles qui croient ! » Alléluia.