C’est le temps des vacances. C’est normal qu’on ne puisse pas vous rejoindre au téléphone. Vous êtes en vacances. Vous avez laissé un message automatique pour vos correspondants qui vous feraient parvenir un courriel : vous n’êtes pas disponible. Vous vous êtes dégagé(e)s des obligations du travail et autant que possible, de toute contrainte. Toutes les stratégies ont été mises en œuvre pour protéger ce temps béni des vacances. Vous vous êtes mis à l’abri des sollicitations. Un petit repli sur le privé, la famille et les amis, c’est aussi cela le temps des vacances.
Mais on a beau avoir tout calculé… « Imaginez-vous qu’un ami… ». Non, on préfère ne pas imaginer cet ami qui débarquerait à l’improviste pour ruiner un repos si bien planifié! Catastrophe! Comme la Castafiore dans les aventures de Tintin qui s’amène sans avertissement et bouleverse la vie de ses amis, particulièrement celle de l’irascible capitaine Batok! (Pardon, Haddock!)
Nous ne vivons pas dans une culture où l’hospitalité impose des devoirs, comme c’est le cas en Orient, mais comment ne pas ouvrir sa porte, même à l’importun? Dans la parabole de l’évangile, les considérations amicales qui devraient être décisives ne le sont pas toujours. Dans le cas qui nous occupe, c’est le sans-gêne de cet ami -qui a du front tout le tour de la tête- qui semble avoir emporté le morceau. Morale de l’histoire, avec Dieu, faites de même, ne vous privez pas, on n’en est pas à une délicatesse près, n’hésitez pas à demander.
La première lecture nous présente un importun de premier ordre, Abraham. On le rencontre alors qu’il est en grand marchandage avec le Seigneur au sujet du sort de Sodome et Gomorrhe. Le Seigneur ne va quand même pas punir le juste avec le coupable, non? Combien faut-il de justes pour épargner les villes pécheresses? La mise commence à 50. Mais à la réflexion, Abraham croit nécessaire de faire fléchir le chiffre à la baisse. Va pour 45!... puis 40! Puis la négociation s’emballe, on passe à la dizaine : 30 justes?… 20 justes?... 10 justes ???!!!
Abraham a vraiment l’impression de dépasser la mesure. Avez-vous déjà fait du marchandage de la sorte? Le prix d’un item peut descendre, descendre au point de vous donner mauvaise conscience, d’exploiter le marchand. « J’exagère! » se dit-on, mais on se livre au jeu, on ose, on ose… « bon sang! Je l’ai eu pour des peanuts! » On a l’impression d’avoir roulé le marchand.
Mais, avec Dieu, il n’y a pas de marché de dupes. Abraham ne connaissait pas encore jusqu’où allait son cœur miséricordieux. En Jésus-Christ, nous avons découvert qu’un seul juste suffit! Mais cet unique juste, nous ne l’aurions jamais trouvé si Dieu lui-même ne l’avait envoyé! En communion avec lui, avec hardiesse, nous intercédons pour nos frères et sœurs, pour l’humanité entière. Faut pas se priver! dit Dieu.
La parabole va un cran plus loin. Faire fléchir un ami, au nom de l’amitié, c’est une expérience que nous connaissons tous. Mais même en retranchant l’amitié de toute l’affaire, le résultat ne serait pas différent, semble dire l’évangile :
« même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut », et non seulement le « prêt » des trois pains qu’il réclamait.
Voilà un message clair : Dieu nous donne encore plus que nous n’osons demander. Il nous donne « tout ce qu’il nous faut ». Et bien sûr, puisque nous sommes ses enfants, pour Dieu, nous ne sommes jamais des importuns comme le précisera encore l’évangile.
La parabole parlait d’une demande d’un ami à un autre ami. On passe ensuite à un autre type de demande, celle-là aussi tirée de notre expérience familière. Le rapport des parents aux enfants : ne donnent-ils pas de bonnes choses à leurs enfants? Oui, dans la mesure de leurs moyens. Mais jamais ils ne leur donneront de mauvaises choses. Or Dieu, qui est Père est passablement en moyen! Et comme il est bon, comme tout parent, il veut donner ce qu’il y a de meilleur à ses enfants, c’est-à-dire l’Esprit-Saint. C’est le don que Dieu fera aussi à Fleur tout à l’heure.
L’Esprit-Saint. Dieu, selon Jésus est prêt à nous l’offrir, si nous le lui demandons. Abraham lui-même n’aurait jamais osé! Jusqu’à l’époque de Jésus, on pouvait demander l’intelligence, la sagesse; un psaume implorait « ne me retire pas ton esprit de sainteté », mais le don de l’Esprit-Saint!
Une participation à la vie même de Dieu! voilà qui dépasse ce que le cœur de l’être humain était en mesure de formuler. C’est le Fils, Jésus, qui nous en donne l’audace.
Encore faut-il demander. Ici, les enfants ont beaucoup à nous apprendre. Ce sont des demandeurs professionnels. Parce qu’ils n’ont en eux-mêmes aucune force, ils sont constamment en « mode demande », jusqu’à épuiser les parents. Sommes-nous comme eux dans la prière? Aussi acharnés? aussi insistants? aussi « achalants »? Pour Jésus, il importe que nous soyons envers Dieu comme des enfants.
Nos demandes mêmes exprimeront que nous le considérons comme un Père et nous rappellerons que sans son intervention, nous sommes faibles et démunis.
Pour apprendre à prier, il faut d’abord apprendre qui nous sommes et qui est Dieu. Tout est dans ces mots « Notre Père ».
Les hésitations que nous pourrions avoir à demander dans la vie courante, ne doivent surtout pas modeler notre prière. Ne nous gênons pas! Pas de vacances pour le bon Dieu! Allez-y, Dieu ne se fait pas prier!