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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





Homélie pour le 28e Dimanche du Temps Ordinaire

Merci pour la reconnaissance  !

12 octobre 2025

Raymond Latour

2 R 5, 14-17

 
        À la veille de la fête de l’action de grâce, la liturgie de la Parole ne pouvait être mieux adaptée. Saint Paul nous invite à nous souvenir de Jésus Christ ressuscité d’entre les morts : c’est cette mémoire qui est au cœur de toutes nos célébrations eucharistiques. Et « cet étranger » qui revient sur ses pas pour remercier Jésus pour la guérison obtenue nous rappelle l’importance de dire merci, de reconnaître la source des bienfaits qui nous sont prodigués.   
        « Merci », pour un service, « merci » aussi en guise d’appréciation d’une présence. Dire « Merci d’être là pour moi » c’est toujours une promesse d’être là pour l’autre. Ce merci pour tout ce qui nous nourrit devient encouragement mutuel à persévérer dans le don de soi. « Merci pour votre merci », me répondait récemment un correspondant.  
       La reconnaissance peut aussi être un acte de foi comme le démontre notre Évangile.    
Au départ, ils sont dix lépreux, indifférenciés. Leur maladie est leur dénominateur commun. Ils forment un groupe, unis dans une même démarche, ils ont une seule voix quand, pour conserver la distance nécessaire, ils crient en direction de Jésus : « Jésus, maître, prends pitié de nous ». La maladie les a rendus solidaires les uns des autres. Ils étaient une communauté de malades, de lépreux ; devant Jésus, ils sont une communauté de priants, de suppliants. Grâce à l’intervention de Jésus, ils sont devenus une communauté de guéris.
On se serait attendu à ce qu’ils suivent tous l’exemple de Naaman, ce lépreux syrien, un païen guéri de la lèpre à la parole du prophète Élisée. Naaman a aussitôt célébré le Dieu unique et voulu remercier pour sa guérison.      
Dans la suite de l’Évangile, un seul agit de la sorte. Les neuf autres se sont éclipsés, disparus ! Il faut supposer qu’ils ont suivi la consigne de Jésus et sont allés voir le prêtre pour faire attester leur guérison et être ainsi réintégrés dans la communauté dont la maladie les avait exclus. Du même pas, ils ont rompu la communion improbable qui s’était nouée avec le Samaritain, à la faveur de cette même maladie.  
Heureusement, il s’en est trouvé un pour manifester sa reconnaissance. Et c’est là que l’on découvre son identité : c’était un Samaritain, un étranger. Il est le seul à être retourné sur ses pas, glorifiant Dieu. Il rend grâce à Jésus et, par son non verbal, semble lui reconnaître une qualité divine : « il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus ». Presque une prosternation.       
      Jésus constate donc devant les témoins de la scène, que c’est cet étranger, et uniquement lui, qui est revenu sur ses pas… Cet étranger, ce Samaritain, objet de mépris pour les juifs bien portants et bien-pensant, cet étranger, celui que l’on tient à distance, le voilà dans un rôle exemplaire. Et les neuf autres ? demande Jésus laissant entendre qu’ils auraient pu faire la même démarche que le Samaritain : ensemble dans la supplication, ensemble dans l’action de grâce. Cela n’a pas été le cas. Les autres ont suivi les prescriptions de la Loi. Le Samaritain a suivi les prescriptions de son cœur. Il a reconnu la source de la guérison. Il est allé au-delà du signe pour accéder au salut qui est plus qu’une guérison, l’établissement d’une relation avec celui qui apporte le salut. 
Dans nos sociétés prêtes à toujours tout mettre sur le dos des immigrants, « cet étranger » nous parle encore. Il nous révèle à nous-mêmes : si nous savons le reconnaître, nous serons avec lui dans une même action de grâce. Il nous révèle à nous-mêmes : si nous refusons de l’accueillir, nous serons séparés, retranchés de notre humanité. Une communion sera blessée. N’avons-nous pas tous part à une même guérison, un même salut ? Cette conviction pourrait aussi réconcilier des peuples.     
La semaine dernière, la date du 7 octobre ramenait au premier plan l’attaque du Hamas contre Israël et la réponse dévastatrice qui a suivi, affligeant toute la population de la Palestine, déplacée, affamée et assiégée. Comme les dix lépreux de l’Évangile, avec toutes les nations et personnes soucieuses d’un juste règlement de ce conflit et de tous ceux qui affectent notre planète, nous implorons « prends pitié de nous! » … Les espoirs d’une paix durable refont surface mais l’avenir de la Palestine reste un sujet de grande inquiétude.    
Savoir dire merci élargit notre cœur, le purifie de la lèpre de l’exclusion et de celle de l’égoïsme. Tous, nous sommes humains, êtres de besoins. Nous ne pouvons vivre isolés, sans le secours les uns des autres. Quand nous nous rassemblons en Église, nous nous rappelons que l’action de grâce fait notre unité, que c’est elle qui nous rassemble. Et ce « merci » rendu à Dieu nous ouvre à l’amour exemplaire du Fils de Dieu. Il nous propulse à proclamer la parole de Dieu que rien ne peut enchaîner. Nous nous souvenons ensemble de Jésus Christ, celui qui a tout donné pour que nous ayons la vie. En lui, il n’y a plus d’étranger, seulement des frères et des sœurs à aimer.
Ensemble, en cette fête d’action de grâce, bénissons le Seigneur !