Les textes d’aujourd’hui nous donnent l’occasion de nous amuser un peu avec des invraisemblances : Quand Moïse lève les mains, Israël gagne la bataille. Quand il commence à faiblir, on vient l’aider à les garder levées. Et encore : Une veuve déterminée ne lâche pas sa demande : Cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus m’assommer. Nos textes mettent à contribution un style exagéré, aux limites de l’humour, nous nous faire entrer dans le monde de la prière de demande.
Et ça tombe bien parce que, aujourd’hui, la prière de demande n’a pas bonne presse. Si je vous demandais : Quelle prière est la meilleure : la prière de demande ou la prière de louange? Vous répondriez sans doute : la prière de louange. C’est la plus pure, la plus mature. La prière de demande, elle, est enfantine. Elle est mue par nos préoccupations égocentriques. À la limite, c’est une prière irresponsable qui veut que Dieu agisse à notre place, comme par magie.
Or, c’est tout à fait faux! Dans les évangiles, il est beaucoup plus question de prières de demande que de louange. Dans un passage, Jésus va même jusqu’à s’en prendre à la prière de remerciement du pharisien au Temple. Rappelez-vous : Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, malfaisants, adultères. Dans les évangiles, c’est la prière de demande qui est promue : Demandez et il vous sera donné. Quiconque demande reçoit. D’ailleurs, la seule prière que Jésus nous enseigne dans les évangiles, le Notre Père, est surtout une prière de demande : Donne-nous notre pain de ce jour. Que ton Règne vienne. Pardonne-nous nos offenses.
Pourquoi l’Évangile remet-il en question nos idées reçues sur la prière? Parce que, par la prière de demande, Dieu veut nouer et entretenir une relation personnelle avec nous. Si on met l’accent sur la prière de grâce seule, on ne s’engage pas. On n’entre pas dans le mouvement de rencontre avec Dieu où deux altérités sont impliquées. On ne se commet pas. On ne risque rien.
Or, notre Dieu est un Dieu qui se révèle concrètement et réellement dans l’histoire et dans notre vie. Il veut connaître nos préoccupations et nous aider à y répondre, à évoluer. Notre prière de demande ne cherche pas à contraindre Dieu à satisfaire nos besoins et nos désirs. Nous nous ferions ainsi une image trop humaine de Dieu. À la suite de Jésus, nous partons de nos demandes pour en arriver à communier au désir de Dieu sur le monde, pour mieux nous ajuster à sa volonté. Le dialogue avec Dieu dans l’écoute de sa Parole nous décentre à l’égard de nos préoccupations pour nous faire entrer dans le souci du Royaume. C’est ça la caractéristique chrétienne de la prière que Jésus nous a révélée.
Dans l’évangile d’aujourd’hui, on invite à prier sans cesse, avec persévérance au point d’assommer son interlocuteur. La veuve demande que justice lui soit rendue. Comme Moïse, elle persiste dans sa demande. Sa tâche aussi paraît insurmontable. Elle s’applique corps et âme car elle veut voir sa cause entendue et être traitée équitablement. Sans se décourager, elle prie son interlocuteur. Elle a une foi profonde dans le responsable de l’application de la justice. Et cela fera bouger le juge, ne serait-ce que pour avoir la paix. La parabole nous invite à la confiance. Dieu qui, lui, est bon et miséricordieux, a fortiori fera-t-il justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit.
Proclame la Parole. Interviens à temps et à contretemps. Dénonce le mal, Encourage toujours avec patience et souci d’instruire. Dieu veille sur chacun de nous. Nous sommes invités, comme le Christ pendant sa vie terrestre, à prier sans nous décourager. À vivre une foi rayonnante, nourrie par la prière et incarnée dans la vie de tous les jours. C’est ainsi, qu’à la fin des temps. Jésus trouvera la foi sur la terre.