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La Nativité (B)
24 décembre 2017
Luc Chartrand
Un petit enfant, longtemps attendu.
Nous courons depuis quelques semaines, peut-être depuis quelques jours seulement, mais là avec le sentiment d’être en retard. Il y a des déplacements à l’intérieur de nos vies et c’est heureux! Nous sommes sortis de nos routines habituelles. Nous avons voulu faire plaisir aux autres : aux personnes proches de nous, à ceux qui appartiennent à notre univers familial, à nos amis, aux êtres qui nous sont chers. Maintenant, nous nous arrêtons un moment. Une halte à travers cette frénésie qui nous habite. Ce moment est-il si différent du rythme soutenu des activités qui précèdent notre rencontre de ce soir?
Nous pourrions croire, à première vue, à une récupération de la fête de Noël par notre société de consommation. En est-il vraiment ainsi? Serions-nous capables de courir autant, d’investir tant d’énergie et d’argent pour répondre aux diktats imposés par notre culture? Il y a certainement une influence, je ne le nie pas. Toutefois, celle-ci s’insère dans un mouvement, une dynamique qui trouve ses assises au plus profond de notre être. Un espace où s’inscrit notre quête de bonheur. Toutes nos démarches pour nous préparer à Noël s’enracinent dans cette quête. En voulant offrir aux autres un cadeau, un moment de fête, une rencontre amicale, tout comme en acceptant une invitation, un présent, nous entrons dans une dynamique qui est celle du don. Créés à l’image de Dieu, nous sommes porteurs d’une bonté inscrite en nous, qui ne demande qu’à vivre, à être libérée. Les adolescents de la Communauté chrétienne l’ont traduite d’une manière significative par le récit d’un conte de Noël. L’histoire raconte la veille de Noël d’une dame seule à la maison. Un jeune adulte, sortant de prison, est accompagné d’un travailleur social pour visiter cette dame. Au cours de la conversation, la femme découvre qu’il y a vingt ans elle est venue en aide à la mère de ce jeune délinquant au moment de sa naissance. Le jeune, homme au contact de la générosité de cette dame âgée, décide de changer de vie et remet le bandeau qui l’identifie à un « gang de rue ». Ces ados sont entrés dans la logique du don, d’abord en partageant leur temps, ensuite en se laissant interroger sur le sens de Noël pour aujourd’hui. Les jeunes de l’Espace Benoit-Lacroix ont fait de même en créant la crèche de notre église conventuelle.
La venue d’un petit enfant, longtemps attendu par un peuple qui marchait dans les ténèbres ne peut se résumer dans l’unique souvenir d’un petit enfant que nous déposons dans la crèche. L’accueil que nous réservons à cet enfant comprend l’ensemble de sa vie et son dénouement. Le don de Dieu de cet enfant à l'humanité à une conséquence. Ce Jésus, « Dieu sauve », donne également sa vie. Depuis ce jour, l’image de Dieu que nous essayons de retrouver s’inscrit dans le partage malgré et avec nos vulnérabilités. La fragilité de cet enfant est comparable à nos modestes actions. Sans trop savoir pourquoi, nous répondons à différentes interpellations en prenant le risque du geste fraternel, de la solidarité manifestée, de l’aide apportée à celui ou celle qui en manifeste le besoin. Pour les humains, il n’existe pas de faits bruts. Nous sommes des êtres inscrits dans une histoire qui comporte une dimension de foi. Elle s’incarne dans la générosité qui souffre toujours de ne pas atteindre pleinement l’objectif que nous voudrions voir se réaliser. Le « monde meilleur » que nous voulons nous échappe. L’enfant de la crèche vient nous dire ce soir que notre espérance n’est pas vaine. Il nous appartient d’entrer dans le mouvement de cette célébration de Noël. À travers nos désirs de nous faire proches de ceux et celles qui tissent notre univers, nous sommes entrés dans le mouvement de Joseph et Marie qui se déplacent à cause du recensement exigé par l’empereur Auguste, de celui des bergers qui ont accueilli les paroles de l’ange du Seigneur, sans parler de la troupe céleste qui louait Dieu.
À travers des faits dictés par une dimension politique, Joseph et Marie font l’expérience durant leur pérégrination de la naissance de leur enfant. L’enfant a cette capacité de rassembler. Qui d’entre nous demeure indifférent à la vue d’un nouveau-né? L’évangéliste Luc semble retenir cet aspect dans une relecture de la vie de Jésus. Connaissant l’issue de l’existence de cet enfant, il vient interpréter son entrée dans le monde. Il s’agit de la Lumière que nous attendons, de la libération du joug qui pesait sur nous, du « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince de la paix » que nous voudrions tant connaître. Toutes ces dimensions sont déjà présentes à travers les événements qui nous ont conduits à la célébration de ce soir. À tous ceux et celles à qui sont destinés notre accueil, notre générosité, nos petites attentions, il y a l’expression de « la manifestation de gloire de notre Dieu et Sauveur, Jésus Christ ». Si nous nous interrogeons sur le sens de nos actions, c’est qu’en matière de foi, il y a des voies multiples qui font de nous « un peuple ardent à faire le bien ». À chacun et chacune de découvrir la sienne!