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Communauté chrétienne
Saint-Albert-le-Grand |
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7e Dimanche du Temps Ordinaire C
18 février 2007
Aimer vos ennemis
Yvon D. Gélinas
Aimez vos ennemis!
Je
vous le dis à vous qui m’écoutez! Et suivent des
paroles qui font lever en nous des inquiétudes et laissent comme un
sentiment de trouble : Aimez vos ennemis!- Faites pour les
autres ce que vous voulez que les autres fassent pour vous! Et surtout : À qui
te frappe sur une joue, tend l’autre! Ne trouve-t-on pas ici le
fondement d’une certaine passivité chrétienne, la consigne
de tout accepter, tout subir sans jamais rien répliquer? Le fondement
d’une religion des trop doux, des faibles pour ne pas dire des mous,
des sans colonnes vertébrales? Cette morale des faibles dont on a
si souvent accusé l’Évangile. Une accusation qui fait
parfois naître un doute en notre esprit : n’est-ce pas là une
morale, une sagesse à la petite semaine qui condamne à l’insuccès
humain, au mépris de tout ce qui serait un accomplissement qui pourrait
rendre heureux? Et puis, il y a comme des contradictions en cette suite de
paroles. Dans un premier temps on nous recommande de faire comme l’on
veut qu’il soit fait pour nous, et, dans une deuxième temps,
on nous ordonne de dépasser cette simple mesure humaine, d’aller
jusqu’à aimer qui nous hait. Et voici qu’au bout de ce
discours arrive la grande finale : Soyez bons, patients, tolérants,
miséricordieux comme ce Dieu qui est votre Père! Le grand idéal.
Si grand qu’il est bien au-delà de nos possibilités,
qu’il est entièrement irréaliste, mais qui, du même
coup, renvoie à notre faiblesse et fait sourdre un sentiment de culpabilité.
Que faire
avec un tel discours qui va encore plus loin dans le renversement des valeurs
et des conduites humaines, que l’on pourrait qualifier de normales, que
ce discours des « Béatitudes » qui était
proclamé dimanche dernier. Que Faire? Tourner la page sans plus? Cela
serait peut-être mieux que de chercher des explications du côté de
la composition du texte, du travail de Luc qui ramasse en un même discours
des paroles détachées, hors contexte, et en venir par ce procédé à tout
affadir, à priver cette interpellation de sa force et de sa vie. Il
y a une autre possibilité : l’entendre lucidement et honnêtement
ce texte avant de prendre position.
Il y a ici
des images fortes : celle de la joue tendue, de la tunique donnée à qui
s’empare du manteau; des consignes impérieuses : souhaiter
du bien à qui vous maudit, vous calomnie, ne pas réclamer à qui
vous vole. Images et consignes que l’on sait bien qu’elles ne sont
pas à prendre platement à la lettre, mais qui veulent amener à des
conduites, à la découverte d’un sens, d’un motif à l’action.
Tout est à entendre dans la perspective d’ensemble de l’Évangile
tel que Luc nous le présente. Une perspective de justice, de partage
qui veut rendre heureuse la cité humaine, heureux les rapports entre
humains, qui ne cherche pas qu’à établir un ordre, une
paix précaire qui ne viennent pas du cœur et qui peuvent à chaque
instant s’effondrer.
La perspective
de Luc quand il rapporte les conseils d’aimer, les paroles qui disent
la nécessité d’aimer, n’est pas d’un amour
qui n’est que du domaine des sentiments mais avant tout du domaine de
l’agir. Aimer l’ennemi, oui, en ce sens qu’il faut demeurer
juste avec lui malgré son injustice à lui. Aimer l’ennemi,
non pas pour se justifier de demeurer passif devant n’importe quelle
offense, n’importe quelle injustice, mais pour ne pas reproduire sa haine
et sa violence, ne pas entrer dans l’engrenage des haines et des violences,
et demeurer dans la paix qui vient de la droiture, de l’honnêteté,
de la justice.
Et cette
finale, cet appel à être d’une miséricorde et - encore
une fois - d’une justice qui ne sont pas que d’une petite sagesse
de bonne entente, de bon voisinage, mais qui cherchent à se mesurer
sur la miséricorde et la justice de Dieu. Impossible? Bien sûr.
Mais entendre surtout ici le message d’un Dieu qui veut pour nous une
dignité que nous risquons d’oublier, dont nous n’osons pas
même rêver, dont – au contraire du sentiment et du désir
de Dieu sur nous – nous nous croyons incapables.
Ce discours
de Jésus sur l’amour des ennemis, sur la conduite envers les autres,
est, nous le savons spontanément, toujours d’actualité,
toujours salutaire. À chacun des jours de nos vies, nous sommes affrontés à ces
problèmes de pardon, d’accueil de l’autre, de la réplique
correcte à donner à l’offense. Et puis – je ne sais
pas si cela vous a frappé à l’écoute du texte – il
y a en ce message une actualité bien d’aujourd’hui en notre
milieu. Faut-il toujours fortement s’affirmer, voir en tout geste d’un
autre, qui justement est autre que nous, une malédiction, une injure,
une menace? Inutile de trop appuyer.
Mais la
véritable actualité de ces paroles, elle est dans le nécessaire,
difficile et exigeant effort de dépassement, au moins en désir,
qui doit caractériser toute personne, tout être humain, tout groupe
humain qui se réclame de l’Évangile. Quelle a été sa
conduite à lui en ce monde, lui qui nous dit : Aimez vos ennemis,
ne vous contentez pas, comme tant d’autres, d’aimer qui vous aime,
qui vous ressemble, qui peut vous retourner vos attentions et vos bienfaits?
Il a été la main tendue, tendresse et patience avec les pécheurs.
Il a eu cette incroyable parole pour ceux qui le privaient cruellement et injustement
de sa vie : Ils ne savent pas ce qu’ils font; il faut leur pardonner.
Le discours
que l’Évangile proclame ce matin n’est pas abandon et passivité devant
la force et le mal, faiblesse devant l’offense, mais désir et
volonté de voir plus grand, plus loin, ailleurs, autrement. Et, entre
nous, n’est-il pas mieux parfois de passer pour faible plutôt que
d’être toujours impitoyable? Ce discours nous situe dans une perspective
de bonheur entre humains; il est dans la ligne de la justice chaleureuse et
généreuse plutôt que dans celle de la force dominatrice
et de la violence.
Celui qui
nous le propose ce bonheur, est celui qui nous a dit et nous répète,
et veut nous voir répéter avec lui, de tant de manières
et en tant de lieux, que la Bonne Nouvelle s’adresse à tous, à nous,
aux autres, si souvent à tous par nous.
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