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Communauté chrétienne
Saint-Albert-Le-Grand de Montréal |
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Deuxième dimanche de Pâques
19 avril 2009
Guy
Lapointe
Actes
4, 32-35
Jn
20, 19-31
Oui, Thomas est un croyant…
« Fais pas ton Thomas… » Qui d’entre
nous n’a pas entendu ou utilisé cette expression pour marquer
son exaspération devant quelqu’un qui ne veut pas croire ce qu’on
raconte? Mais il y une autre expression que je trouve, après avoir écouté le
passage d’Évangile, encore plus savoureuse : « Dans
le doute, obstinez-vous, mais ne vous abstenez pas… » On
est porté à croire que Thomas ne s’est pas abstenu; il
a voulu aller au bout de ses doutes.
À réentendre ce passage d’Évangile, j’ai
le goût de dire : regardez, c’est notre histoire. D’ailleurs,
la foi n’est-ce pas aller au bout de ses doutes? Dans ce passage
d’Évangile, on peut se rendre compte que l’entrée
dans la foi en la résurrection de Jésus, si elle nous apparaît
comme une ouverture à la vie, aura été laborieuse
et difficile pour un certain nombre de disciples. À l’époque
où Jean a écrit son Évangile, vers la fin du 1er s.,
il y avait déjà chez les premiers disciples, tout comme dans
notre assemblée de ce midi, une bonne diversité dans les
façons de croire en la résurrection. Comme aujourd’hui,
il devait y avoir des croyants plus hésitants. La foi n’est-elle
pas une quête permanente, liée à nos expériences
de vie! Certains étaient tentés de regarder vers un Christ
glorieux, en oubliant qu’il était né comme nous, qu’il
avait vécu et souffert, qu’on l’a arrêté et
qu’il fut exécuté.
Thomas était un croyant qui avait de la difficulté à faire
un lien entre la fin de vie de Jésus et la résurrection.
On avait tellement dit que le Messie devait être un homme puissant.
Or c’était tout le contraire : on l’a crucifié,
il est mort… Thomas ne pouvait pas croire que ce crucifié puisse,
en réalité, être vivant, ressuscité. Il avait
besoin de toucher, de voir les signes des blessures qui ont marqué la
vie de Jésus : « Avance ton doigt ici, et vois mes
mains… » Ce que Jésus lui reproche, ce n’est
pas d’avoir été sceptique, mais incrédule. Il
a mis en doute le témoignage des disciples. Or la foi ne repose
pas sur des preuves, mais sur la confiance à la parole de l’autre, à la
parole de Dieu. La foi est enfant de la parole. Thomas n’a pas cru
la parole des autres disciples. Il est habité par des doutes, un
croyant qui a des doutes…
Ce que je retiens de l’aventure de Thomas c’est ceci :
si on ne relie pas la résurrection de Jésus aux choix de
vie qu’il a fait, à sa manière de vivre et ce qui l’a
mené à la mort, la résurrection peut devenir très
rapidement un discours de plus, qui peut même vider cette expérience
de tout son sens. Jésus s’est levé dans la mort.
C’est sa vie qui est ressuscitée, c’est sa vie qui se
lève ou se relève.
L’attitude de Thomas ne me surprend pas. Au fond, il ne demande
qu’à trouver le sens de la résurrection de Jésus;
il ne demande qu’à saisir le sens de sa vie. Cela nous ressemble à certains
moments de nos vies. Thomas se demande : quel lien y a-t-il entre
la vie de Jésus qui l’a mené à une mort si brutale
et le fait qu’on le dise vivant, ressuscité? Comment relier
sa vie à sa résurrection. Il veut toucher à sa vie, à son
corps et voir comment la résurrection lui traverse le corps.
Aujourd’hui, nos discours sur la foi en la résurrection de
Jésus pourront paraître très abstraits, si la résurrection
ne nous renvoie pas à la vie de Jésus, à ses options
de vie, à nous relier à sa vie, à nous dire que ressusciter,
c’est tenter de conduire notre vie dans les traces, les pas de Jésus.
Comment l’amour que Jésus a manifesté en ce monde peut
aller jusqu’au sacrifice jusqu’à accepter de mourir
plutôt que de s’arrêter en chemin.
Heureux ceux qu croient sans avoir vu. C’est notre situation. C’est
aussi notre travail de tenter de relier la résurrection à sa
vie, à nos vies, si vraiment comme l’affirme s. Augustin : « Nous
sommes le corps du Christ ». C’est ce que nous essayons
de nous dire dans chaque eucharistie en partageant le pain et le vin. C’est
maintenant, à travers ce que nous sommes, que nous devenons le corps
du Christ, que la vie de Jésus peut parler au monde, peut nous parler
et que la résurrection peut prendre sens... C’est ce que Thomas
essayait de dire dans son doute et sa demande… Réaction saine… D’autres
n’avaient pas besoin d’aller jusque là. Leur foi était
comblée. Lui ne pouvait pas croire sans cette relecture de la
vie et de la mort de Jésus qui ouvre à la résurrection.
Ce passage d’Évangile nous renvoie à nous-mêmes, à nos
interrogations sur ce que nous croyons et comment nous croyons. La résurrection
n’a de sens qu’à relire et relier la vie de Jésus
et notre vie. C’est ce que nous tentons de faire, je l’espère, dans
la vie dans nos engagements, dans nos amours.
Pour nous qui n’avons pas vu Jésus, il y a dans notre foi
comme un deuil à faire, un deuil du toucher et du voir comme pour
Thomas. Mais ce deuil trouve son ouverture dans le souvenir que nous en
portons dans le rappel de sa Parole, de cette vie qui a marqué le
monde.
Thomas est un ardent. D’ailleurs, dans un autre passage d’Évangile,
Jean ne le présente-t-il pas comme un homme courageux, généreux?
N’est-il pas celui qui lance à ses amis : « Allons-y
nous aussi, et nous mourrons avec lui », quand Jésus
se décide d’aller auprès de Lazare décédé?
Thomas veut bien croire, il veut apprendre ce que cela veut dire. Un peu
en mode d’humour je dirais que Thomas n’aurait pas si mal vécu
sa vie de foi. La légende dit qu’il serait allé évangéliser
ce qui s’appelle aujourd’hui l’Iran. D’autres disent
qu’il serait allé évangéliser jusqu’en
Inde et que son tombeau se trouverait à Madras. Légende ou
réalité, tout cela pour dire qu’un croyant comme Thomas
qui s’interroge, qui, à un certain moment de sa vie, a porté des
doutes, peut aller très loin dans la quête de la foi. Oui,
la résurrection, pour être bien saisie, doit se relier à la
vie de Jésus. C’est sa vie qui ressuscite, ce sera la nôtre
aussi. À notre façon, nous croyons, sans avoir vu, mais l’important
c’est de cultiver sa mémoire dans nos vies. Un peu de pain,
un peu de vin à partager en mémoire de Lui, ce sont là des
gestes si simples, mais des gestes de résurrection. Dans une grande
diversité, il reste que c’est autour du pain et de la
vie que les premiers disciples ont porté témoignage de la
résurrection dans une aide mutuelle. Écoutons de passage
des Actes des Apôtres.
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