Nous l’avons entendu cette ultime confidence de Jésus à ses
disciples qui veulent tout de suite se situer socialement face à leur
mission possible : « Le Fils de l’homme (lui,
Jésus) n’est pas venu pour être servi mais pour servir
et donner sa vie en rançon pour la multitude ».
-La multitude? Ça s’appelle aujourd’hui le monde,
la majorité, les autres, l’humanité, la foule.
-Une question s’impose ce midi : comment chacun, chacune
de nous, nous sentons-nous devant cet univers des pays, des nations?
Devant la multitude?
L’évangile d’aujourd’hui nous propose une certaine
perspective. En tout premier, notons que cette foule, que cette humanité,
Jésus l’a aimée, il l’aime souvent malgré elle.
De toute façon, il a quitté Nazareth pour elle. La proximité favorise
l’interaction. La foule, le peuple, ça s’appelle encore
maintenant les autres, l’univers des pays et des nations. N’en
doutons pas : Jésus envoyé de Celui qu’il appelle
affectueusement son Père, est venu pour la multitude. On l’a
dit et redit : Dieu veut que tout le monde soit sauvé en
toute liberté. Le reste appartient au mystère de chaque
existence.
Jésus aime l’humanité. Il l’a dit et répété au
moment où son peuple est sous la botte de l’empire romain
et en situation d’infériorité. Et malgré tout. « Je
suis le Bon Pasteur, le Bon Pasteur donne sa vie… Je donne ma
vie pour mes brebis (Jn 10, 14-15)». Mondialisation dans le don
de soi : « J’ai encore d’autres brebis qui
ne sont pas de cet enclos (Jn 10, 16) ». Offrande élargie,
volontaire, anticipée, préméditée : « Ma
vie, on ne me l’ôte pas. Je la donne moi-même. J’ai
le pouvoir de la donner et de la reprendre (Jn 10, 15) »… Même, « Je
serai avec vous jusqu’à la fin des temps. (Mt 28, 20) ».
En second lieu, et parce qu’il l’aime, Jésus nous
dira qu’il offre sa vie à l’humanité. « Je
suis venu pour qu’ils aient la vie, la vie en abondance (Jn 10,11) ».
Vie. Don de soi. Amour.
Tout ici se tient : Ce n’est pas un pouvoir qu’il vise
ni un salaire à gagner, ni une retraite anticipée, ni un
calcul de survie, ni encore moins une improvisation. C’est un SERVICE.
Service dans l’amitié. Mon père vous aime, je l’aime,
il vous aime, nous vous aimerons ensemble tel est l’ordre, dira-t-il,
que j’ai reçu de mon père. (cf Jn 10, 10-18)
Pour la même raison, Jésus prend à ses risques la
route de Jérusalem. Peur et lucidité se croisent. Le voilà le
service divin que tous les évangélistes notent et commentent à leur
manière quand ils se souviennent des paroles de Jésus : « Le
Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais
pour servir, pour donner sa vie en rançon… » (cf
Mc 10, 45)
Poursuivons avec l’évangile de ce jour. Hélas et
malgré toute la bonne volonté de Jésus, toute cette
histoire de service se terminera par un échec. Ses proches ont
rêvé d’un royaume, d’un succès public. « Accorde-nous
de siéger l’un à ta droite, l’autre à ta
gauche dans le royaume, dans la gloire. » Mais non, leur maître
meurt dépouillé, flagellé, cloué entre deux
autres condamnés à mort… Imaginons un peu la déception
des apôtres. Déçus, découragés, ils
se cachent. Nous connaissons la suite : coup de foudre du retour
de Jésus, ils ont du mal à le reconnaître avec ce
corps glorifié, comme l’appelle Paul de Tarse. Mais ici
débutent les premières communautés chrétiennes.
Peur et audace. Mort et résurrection. Après quelques semaines
d’émotions, les apôtres partent en mission. À leur
tour, de servir plutôt que d’être servis. Il les a
voulus, choisis non à cause de leur notoriété, ni à cause
de leur conduite durant les derniers jours de sa passion. Il les a choisis
imparfaits, craintifs, leur offrant une fois de plus son amour et ses
pardons. Allez, enseignez toutes les nations, toute la multitude. À leur
tour, de servir plutôt qu’être servis.
Ce que la liturgie de la Parole veut nous signifier ce midi au nom de
Jésus est peut-être tout simplement : Soyons bons,
soyons trop bons, comme disait le Bon Jean XXIII, soyons bons, pardonnons,
au besoin allons dire à nos proches que l’amour est meilleur
quand il fait service, bénévolat, vie domestique, acceptation
de l’autre, humilité, don de soi. Mort et résurrection
du cœur : Eh oui, il y a plus de joie à servir, à donner
qu’à recevoir…
Le voilà l’évangile à son meilleur. Non. « Il
n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie à celui, à celle, à ceux
qu’on aime. » Qu’il en soit ainsi entre nous!
À la musique de combler nos désirs d’être
ensemble, en multitude, et de pratiquer l’entraide et le service
d’amour partagé.