Il y a 3 semaines, dans l’église de notre enfance, j’ai
récité notre Credo : J’étais avec ma
vieille maman, la messe était celle du premier anniversaire de
la mort de Papa.
« Christ est monté aux Cieux… est assis à la
droite de Dieu le Père tout-puissant d’où il viendra juger
les vivants et les morts ».
Et notre Credo poursuivait en rafale : « Je crois à la
Sainte Église catholique, à la Communion des Saints, à la
rémission des péchés, à la résurrection de
la chair, à la vie éternelle ».
J’ai beaucoup pensé à maman en préparant cette homélie
car la célébration de la Toussaint et celle des morts sont très
importantes dans sa pratique chrétienne.Le retour en gloire du Christ à la Fin des temps, voilà ce
que décrit l’Apocalypse. Et cet épisode donne à voir
l’immense peuple des rachetés. La Grande Épreuve
c’est la mort et le Jugement, le vêtement blanc le linceul
et la sainteté. Le sang de l’Agneau, c’est le sacrifice
du Christ Jésus, Fils de Dieu, pour le rachat de la multitude.
Tout en revendiquant notre appartenance à la ‘Sainte Église
catholique’, nous aimons croire, dans cette Communauté,
que les doutes et les questions sont les aliments d’une Foi vivante
et nous aimons entendre l’Évangile comme une interpellation
pour les vivants du temps présent.
C’est dans cette optique que je voudrais compléter l’interprétation
habituelle de cette vision de l’Apocalypse et en particulier évoquer
ce que pourraient aussi signifier ‘La Grande épreuve’, ‘Les
vêtements blancs’, ‘le Sang de l’Agneau’ et ‘Le
peuple immense’.
La Grande épreuve
La grande épreuve, ce pourrait être non pas UN événement
traumatisant, mais l’ensemble des ‘tests’ dans notre
itinéraire de vie au complet. Passer à travers l’existence
en acceptant d’être dépouillé, en continuant à aimer
et en risquant sa vie, telle est l’épreuve. La grande épreuve,
ce serait de se reconnaître impuissant et de pouvoir se dire :
c’est heureux que je sois simple et vrai, c’est heureux que
je sois dépendant des autres, c’est heureux que j’aie
le goût de la justice et du pardon… Ce serait faire la découverte
et surtout l’expérience d’une manière d’être
en marche avec les autres, conformément à la promesse du
Jésus des Béatitudes.
Les vêtements blancs
Ces êtres purifiés, pardonnés, transfigurés, éclairés
de l’intérieur, ce ne serait pas des spectres, mais des
vivants contemporains. Il me semble que cela invite, au long de cette
grande épreuve, à découvrir progressivement les
autres comme des être lumineux et dignes d’amour, à méditer
pour nous-mêmes la parole de Jésus à la Samaritaine « Si
tu savais le don de Dieu… », pour reconnaître
notre immense besoin d’être aimés, pour consentir à cette
dépendance les uns les autres, à cette fraternité des
enfants de Dieu, tous et nous-mêmes habillés de blanc.
Le Sang
Le sang, c’est bien sûr celui du sacrifice et celui des martyrs.
Mais le sang, c’est surtout le principe de vie et de communauté,
comme en témoignent les expressions : ‘Nous sommes
du même sang’, ‘Bon sang ne peut mentir’ ou ‘c’est
le même sang qui coule dans mes veines’.
La référence au Sang du Christ, c’est pour que nous
en vivions maintenant, en imitant sa manière de prier et d’aimer,
ses gestes de consoler et de guérir. Soyez de mon sang, soyez
de ma race, propose Jésus, poursuivez ce que j’ai fait en
mémoire de moi.
Le peuple immense
Rien de tout cela ne se vit sur le mode individuel. Les Béatitudes
nous proposent un parcours de bonheur les uns avec et pour les autres,
et quand Jésus nous parle de son Père et de son rêve
d’amour pour l’humanité, tout le monde est inclus.
Je ne sais pas s’il y a des limites à la miséricorde
de Dieu, mais, dans ce passage au moins, la perfection des nombres (12
fois 12 000) suggère que s’il en manquait un, il faudrait
l’attendre pour commencer la fête dans l’allégresse.
Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés,
disait Jean.
La communion des saints que nous fêtons aujourd’hui, c’est
la famille de ceux qui sont du sang même de Jésus, ceux
qui se sentent en communion avec Lui, ceux qui, au fil de leur itinéraire
de vie, ont au moins essayé les embranchements de l’amour
de l’autre et du don d’eux-mêmes, ceux qui ont tenté d’y
croire.
Cela n’exclut pas ceux qui sont morts en martyrs pour leur foi
au Christ, mais c’est leur vie, leurs réticences et leurs
trébuchements qui en font des saints, pas leur sacrifice.
Pour reprendre
les mots de Bernanos, ‘Les
saints ne sont pas sublimes, ils n’ont pas besoin du sublime, c’est
plutôt le sublime qui aurait besoin d’eux… le saint
ne dépasse pas l’humanité, il l’assume, et
s’efforce de la réaliser le mieux possible’.