5e Dimanche de Pâques (A)
22 mai 2011
Je suis le chemin
Yves Cailhier
Yves Cailhier
« Ne soyez pas bouleversés »! L’instant est dramatique. Nous sommes à la veille de la Passion et de la mort de Jésus. Il le sait, mais les apôtres n’en savent rien. Jésus veut à la fois les préparer à son départ, c’est-à-dire à sa mort, et, en même temps, leur révéler le sens de sa mission, le sens de son passage sur la terre, l’œuvre du Père qu’il est venu accomplir. Le moment est particulièrement grave.
On comprend alors la perplexité des disciples. Ils se posent des questions sur le sens des paroles de Jésus. Ils croyaient avoir trouvé en Jésus un homme exceptionnel, capable de parler de Dieu comme nul autre auparavant et voici qu’il leur annonce qu’il s’en va, qu’il les abandonne.
Les Apôtres sont bouleversés. Pour les rassurer, Jésus annonce qu’il part, mais c’est pour leur préparer une place dans la Maison du Père, dans le Royaume de Dieu. Encore faut-il savoir comment s’y rendre? C’est la question de Thomas : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous en connaître le chemin? » La réponse de Jésus est brève, lapidaire : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ».
Réponse énigmatique qui demande des explications. La question de Philipe va nous y conduire : « Seigneur, montre-nous le Père, cela nous suffit ». En effet, si nous arrivions à connaître Dieu, à le voir, à le comprendre, nous aurions réponse à toutes nos questions sur Dieu, le sens de la vie, le sens de la souffrance, le sens de la mort?
La réponse de Jésus déconcerte : « Celui qui m’a vu a vu le Père ». Dieu se donne à voir en Jésus. Réponse stupéfiante qui a scandalisé et scandalise encore les croyants de foi monothéiste comme les juifs et les musulmans. Il faut bien comprendre ici que Jésus ne donne pas seulement un visage humain à Dieu. Il affirme qu’il est le visage humain de Dieu, c’est-à-dire il est celui qui fait voir Dieu, qui le révèle dans notre condition humaine. En un sens, on peut dire que c’est moins Dieu qui s’incarne que Jésus qui incarne Dieu.
Jésus est désormais le chemin humain qui conduit à la vraie connaissance de Dieu. Le mode de vie, l’attitude, la parole, les actions de Jésus sont le lieu et la manifestation de Dieu dans notre condition et notre histoire humaines. C’est à travers l’homme-Jésus que nous voyons le Père, que Dieu se laisse voir à nous et que nous trouvons Dieu.
Quand on y pense, c’est une révélation inouïe, qui place la foi chrétienne à part parmi toutes les religions du monde. Il ne faut pas s’étonner que cette révélation constitue pour beaucoup une pierre d’achoppement comme le souligne le texte de la Première Épitre de Pierre lu au début de notre célébration (1 P 2 :4-9).
La révélation de Dieu en Jésus nous met en garde contre la tentation de se forger un Dieu à notre image, selon nos craintes ou nos désirs,
soit en le magnifiant : le Dieu de Majesté, le Tout-Autre, le Lointain, l’Inaccessible, au point de croire parfois qu’il ne s’intéresse pas à notre condition humaine;
soit en le rabaissant : le Dieu Juge, mesquin, pervers même… (selon le titre d’un livre de Maurice Bellet), un Dieu qui surveille sans cesse nos actions pour nous prendre en défaut et nous punir en conséquence.
Non, Dieu se révèle en Jésus, dans une personnalité, une autorité, une liberté d’homme, dans des actions et des paroles qui expriment le pardon, l’accueil de l’autre, le don de soi. Toute la vie de Jésus, tout ce que nous apprend la Tradition, ses témoins d’hier et d’aujourd’hui, nous montrent le vrai visage de Dieu. C’est moins dans les livres que dans « la vie à la manière de Jésus » que Dieu se fait voir, se révèle à nous.
C’est pourquoi Jésus peut proclamer : « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie ».
C’est la certitude que nous donne la foi : Jésus est vraiment le Chemin, la Vérité, la Vie. Amen.