29e Dimanche du temps ordinaire (A)
16 octobre 2011
Demandons-lui de nous ouvrir les yeux
Bruno Demers
« Le ciel est bleu, l’enfer est rouge »
Il fut un temps, dans notre catholicisme québécois, où l’implication de l’Église dans la politique revêtait un caractère, disons, plutôt évident. (Pour ceux et celles qui ne sont pas familiers avec cette formule, les couleurs renvoyaient ici à celles des partis politiques de l’époque.)
Heureusement, une telle façon de faire a été critiquée depuis longtemps!
Mais, avons-nous vraiment fait le deuil d’une telle approche?
Combien de fois ne souhaiterions-nous pas que les évêques, que des groupes de chrétiens s’expriment clairement et publiquement sur des questions de politique, particulièrement au temps des élections?
Nous avons à faire, ici, à une vraie question.
Nous sommes des chrétiens, à une époque où ce n’est pas évident.
Nous avons à cœur d’incarner l’Évangile dans notre vie de tous les jours, y compris dans sa composante sociale et politique. Nous avons un souci d’efficacité.
Nous sommes particulièrement éveillés aux risques de compromissions de l’Église avec le pouvoir politique, tout en étant en même temps convaincus de la nécessité de nous engager dans le bon parti!
Situation piégée dès le point de départ!
C’est donc à nous que s’adresse cette parole de matin :
« Rendez-donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Premier constat : Le plus important, ce n’est ni l’économique, ni le politique.
C’est de rendre à Dieu ce qui est à Dieu.
L’État n’est jamais absolu. Il ne peut pas exiger n’importe quoi de ses payeurs d’impôt.
Le XXème siècle nous a laissé trop d’illustrations de totalitarismes d’État qui utilisaient les citoyens à des fins idéologiques.
S’il est peu probable que de tels totalitarismes apparaissent chez-nous, le risque qu’un gouvernement ne tienne pas compte des organismes de la société civile, ce risque-là, lui, existe toujours.
Les chrétiens donc invités comme tant d’autres, à être vigilants et à dénoncer les possibles dérives.
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » a parfois été compris, dans l’histoire, comme incitant les chrétiens à délaisser l’engagement dans le monde et à s’en tenir au plan spirituel.
Or, et c’est le deuxième constat, « Rendre à Dieu ce qui est à Dieu » c’est aussi travailler à faire grandir la dignité de tous les humains.
L’Évangile nous renvoie à la construction d’un Royaume de justice et de paix où les nécessiteux et les pauvres sont pris en compte, non seulement en leur faisant la charité
mais aussi en mettant en œuvre ou en améliorant les structures sociales qui produiront le moins possible d’exclus ou de miséreux.
L’Évangile ne va cependant pas plus loin. Il ne propose pas de programme politique ni ne fournit d’ordre social spécifiquement chrétien.
Cela relève de l’intelligence, de l’imagination et de la créativité humaines.
Nous poursuivons ici l’œuvre de création en vue de faire advenir le Royaume de Dieu.
C’est pourquoi nous n’en avons pas fini avec les questions embarrassantes et les pièges qui surgissent constamment autour de nous :
Quand est-il permis de…?
Quand est-il défendu de…?
S’il faut bien formuler des consignes et des règlements, il importe de se rappeler que l’Évangile se situe au-delà de ceux-ci.
Au-delà de la logique du permis et du défendu, l’Évangile nous rappelle sans cesse, comme le fait Jésus ce matin, que toute personne a été créée à l’image de Dieu. C’est-à-dire qu’elle est plus que ce que ses gestes et ses paroles laissent voir. Elle est l’objet de la bienveillance de Dieu.
Dieu nous surprend toujours.
Les juifs, qui étaient tenus en esclavage à Babylone depuis 40 ans, ont été surpris d’apprendre que leur libération était due à Cyrus, un Perse, un non-juif!
Les pharisiens de l’Évangile ont été surpris de la réponse de Jésus :
« À ces mots, ils furent tout étonnés et, le laissant, ils s’en allèrent. »
Remercions Dieu de ne cesser de nous étonner.
Et demandons-lui de nous ouvrir les yeux pour voir où il nous fait signe encore aujourd’hui.