5e Dimanche du Temps Ordinaire (B)
5 février 2012
« Jésus, l’homme qui marchait… »
I Cor. 9, 16-19,22
Marc 1, 29-39
Guy Lapointe
« Jésus, l’homme qui marchait… ». Jésus, l’homme qui nourrissait des rêves pour l’humanité et pour Dieu. Les personnes qui étaient présentes à la célébration de dimanche dernier ont probablement fait le lien avec le récit qu’on vient d’entendre. L’évangéliste Marc se situe toujours au début du ministère de Jésus, le jour du sabbat, jour de repos par excellence, mais, pour Jésus, un jour de multiples déplacements. Ce récit, on l’a appelé « la journée de Capharnaüm ». Jésus semble pressé d’agir. De la synagogue, il va rendre visite à la belle-mère de Simon-Pierre qui était malade. La visite de Jésus l’a ramenée à la santé. Puis le soir venu, sur la place publique, il guérit des malades qu’on lui amène. Dans la nuit, près de l’aube, Jésus se retire dans un endroit désert pour prier. Mais les disciples le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche ». Mais Jésus leur dit : « Partons dans les villages voisins ». Décidément, Jésus vit un sentiment d’urgence. Il ne peut pas s’arrêter. Il y a l’urgence d’une Bonne Nouvelle à annoncer. « Jésus, l’homme qui marchait… »
« Tout le monde te cherche. » lui disent ses disciples. Qui est donc ce Jésus que l’on cherche? Quel est cet homme? Qui le cherche vraiment? Les bien-portants ou ceux qui ont le ventre creux? Les personnes qui veulent « ressusciter », entendons qui veulent être guéries? Les bien-pensants? Les personnes qui sont pleines de leurs vérités ou les personnes qui hésitent et doutent? Il y en a sur les places publiques qui voient d’un mauvais œil que Jésus s’arrête. Jésus présente un autre visage de Dieu et de la vie. « Tout le monde te cherche. » Mais les personnes qui te cherchent vraiment, qui cherchent-ils?
Jésus, lui, veut marcher, traverser la vie et rejoindre tous les milieux. Comme le disaient les premiers chrétiens : « Jésus a passé, faisant le bien jusqu’au bout de sa vie ». Aucun lieu ne lui est indifférent : la synagogue, la maison familiale, la place publique, le désert. Il a le goût de la vie et de susciter la vie chez les personnes et les groupes rencontrés. La Bonne nouvelle d’un Dieu aimant, d’un Dieu ouvert à la vie doit circuler dans tous les milieux; elle doit se répandre, dans la diversité des lieux et des personnes rencontrées. C’est la Bonne Nouvelle qui fait vivre, qui ressuscite les personnes qui, souvent sans le savoir, attendent quelque chose de la vie et de Dieu. Ce passage de l’Évangile selon Marc nous invite à faire circuler et laisser circuler, dans une grande diversité, une espérance vive en des lieux et des milieux touchant toutes les dimensions de l’existence humaine.
Ce qui me frappe le plus dans ce parcours d’Évangile, c’est qu’on est loin d’une Évangile qui serait une doctrine, des choses à savoir, à apprendre. Mais que ce soit à la synagogue ou dans des maisons ou sur les places publiques, l’Évangile est d’abord un mouvement, un parcours que l’on emprunte, à la suite de Jésus, parcours qui fait de nous des marcheurs. Mais ce parcours se vit sur un mode de conversations parfois brèves, chez l’Évangéliste Marc, parfois même plutôt silencieuses, mais des conversations plus développées, comme on le voit dans les autres évangélistes. Qu’on pense à l’épisode de la Samaritaine. L’Évangile est une conversation, une conversation sur le sens de la vie, sur les perceptions que les gens ont d’eux-mêmes et aussi sur les perceptions qu’ils ont de Dieu. Une conversation qui devient geste, qui met les gens debout. Ces rencontres avec Jésus sont des résurrections au quotidien. Parfois cette conversation est difficile, dure même. Et pourtant, c’est à travers cette conversation que se révèle le visage de Dieu et notre propre visage.
Plusieurs, dans cette assemblée, savent que je répète souvent mes convictions. Et une de mes convictions est que, dans l’Évangile, Jésus ne fait que ressusciter des vivants, des hommes et des femmes qui se sont arrêtés en chemin, qui, pour toutes sortes de raisons, ont perdu le goût de vivre, comme nous en rencontrons souvent dans notre vie. La belle-mère de Simon était malade; la visite de Jésus la relève. Marc dit qu’on amenait à Jésus toutes sortes de gens empêchés de vivre.
L’Évangile, telle une conversation, peut faire revivre, ressusciter quelqu’un qui est arrêté en chemin et qui se croit déjà mort. Cet Évangile ouvre des perspectives sur les personnes elles-mêmes et sur Dieu. Et je me dis que ce devrait être le souci le plus grand de l’Église : éviter une foi crispée, vivre sur la défensive, faire preuve d’autoritarisme. Mais développer une vie de
foi qui ouvre, qui interroge, qui nous remet en marche. Accueillir l’Évangile comme conversation, avec des moments de silences significatifs, respectant ainsi le mystère des êtres humains et le mystère de Dieu. Voyez Jésus, dans une même journée, il a fait tout cela : conversation, guérison, moment intense de prière.
Nous avons besoin les uns des autres pour assurer, dans la diversité, cette présence de l’Évangile dans la vie. Voilà pourquoi il est bon de nous retrouver le dimanche pour, ensemble, célébrer la mémoire de Jésus dans le geste du partage du pain et de la coupe, et renouveler, dans ce geste, notre regard sur notre vie et sur l’ouverture que nous offre l’Évangile. À même nos diversités, nous pouvons, pour reprendre une image fort belle, dessiner un visage de Jésus, celui du Vivant qui nous remet en mouvement.
Oui, l’Évangile, si nous savons nous y ouvrir, est conversation, mouvement de vie et, au-delà de toutes nos morts, résurrection au quotidien de nos vies. « Jésus, l’homme qui marchait… » Et nous!