19e Dimanche du Temps Ordinaire (B)
12 août 2012
Poursuivre la route
Yves Cailhier
« Lève-toi et mange! Autrement le chemin serait trop long pour toi ». Ces mots de l’ange, envoyé par Dieu au prophète Élie, résument bien le message que les textes liturgiques nous livrent aujourd’hui.
Le Livre des Rois nous présente un Élie au bout de sa corde, découragé, déprimé, au point de préférer mourir plutôt que de continuer la mission prophétique que Dieu lui a confiée. À quoi bon vivre si ce qu’on fait n’a plus de sens, ne rencontre qu’hostilité, haine, échec et même menace de mort? « Seigneur, c’en est trop « Reprends ma vie… ».
« Lève-toi et mange! » Parole étonnante dans les Écritures, mais combien naturelle! Boire et manger, nous le savons, est une nécessité vitale. Nous avons besoin de nous nourrir, sainement si possible, pour vivre et bien vivre. Lorsque surviennent les difficultés, les épreuves, les échecs (pensons à la mort d’un être cher qui nous laisse dévasté, à la maladie qui nous diminue physiquement et moralement, à un divorce pénible et déchirant, à la perte d’un emploi qui nous laisse démuni et amoindri, la liste est longue des duretés de la vie), nous avons alors besoin d’une énergie qui nous stimule, qui nous permette de repartir pour continuer la route. Dans ces situations, comme Élie, il arrive souvent que nous perdions l’appétit, le goût de boire et de manger, de nous alimenter et même, parfois, de vivre. C’est alors que les vrais amis, pas les inopportuns, mais les vrais amis, ceux qui nous comprennent et qui nous respectent, peuvent intervenir et nous inviter à partager avec eux un repas, même une simple collation. Autour de la table, dans le partage de la même nourriture et de la même boisson, une communion se crée, une parole de réconfort survient, un soutien inattendu se produit, qui souvent aident à surmonter l’épreuve et à poursuivre la route.
C’est l’idée fondamentale que reprend l’évangile de Jean sur Jésus comme « Pain de Vie ». Par le partage du Pain et du Vin autour de la table eucharistique, se réalise une « communion », avec Jésus d’abord qui est le cœur de l’évènement, mais aussi avec les convives, avec tous ceux et celles qui « communient » au corps et au sang du Christ. Cette « communion » se manifeste, du moins devrait se manifester, tout spécialement dans les moments difficiles, dans les épreuves pénibles, dans les coups durs de la vie. Dans l’eucharistie Jésus se donne à manger et à boire pour nous communiquer une énergie spirituelle, divine : « Je suis le Pain de Vie descendu du Ciel ». Cette énergie, communicative, devient comme une bouée qui permet de passer à travers les situations les plus difficiles, tout en étant active dans le quotidien de la vie.
Les Pères de l’Église, à bon droit, considéraient l’eucharistie comme un « viatique », c’est-à-dire tout ce qui nous est nécessaire pour entreprendre une longue route. La participation à l’eucharistie nous nourrit et nous permet de puiser l’énergie nécessaire pour poursuivre la route et faire face à toutes les duretés de la vie. Cette énergie spirituelle nous vient de Dieu, mais elle passe souvent par les autres, à travers un autre qui, par ses paroles et ses gestes, nous donne la force nécessaire pour surmonter les obstacles et continuer notre route vers Dieu. Comme Élie qui, une fois réconforté, a pu poursuivre sa route « jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu ». L’eucharistie est une source d’énergie spirituelle et divine qui crée une solidarité entre nous et nous permet, appuyés les uns aux autres, de poursuivre la route malgré les difficultés, les épreuves, les échecs.
Cette source d’énergie ne peut être reçue que dans la foi. Jésus le rappelle dans l’évangile : « Personne ne peut venir à moi si le Père d’abord ne l’attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour ». Parole énigmatique qui rappelle que la foi est un don de Dieu, un don de Dieu qu’il faut savoir cueillir au moment opportun par un consentement libre et gratuit. Ce don est souvent accordé par Dieu à travers un autre qui, par son témoignage, son accueil, sa compréhension, nous ouvre l’accès au don de Dieu, à l’énergie divine qui transforme nos vies. Nous serons capables alors, comme Élie, de poursuivre la route, malgré les obstacles, jusqu’à Dieu et de connaître « la Vie éternelle » promise par Jésus à ceux et celles qui vont vers Lui. Amen