Is 49, 1-6

 

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20e Dimanche du Temps Ordinaire (B)

19 août 2012

 « Croire, c’est croître »

Proverbes 9, 1-6

Jn 6, 51-58

 

Guy Lapointe

Guy Lapointe

 « Venez manger mon pain, et boire le vin que j’ai apprêté! » nous disait le livre des Proverbes, livre écrit tant de siècles avant la venue de Jésus. Pourtant, on croirait déjà entendre Jésus parlant aux juifs dans ce long passage de l’évangile de Jean sur le pain vivant. Insistance sur le pain de vie, insistance sur le sens de sa vie au-delà de sa mort. « Tel est le pain vivant qui descend du ciel… Celui qui mange ce pain vivra éternellement… » Manger et vivre, s’abstenir et mourir. Apprendre à partager le pain, c’est le cœur de la vie au quotidien C’est le choix qui nous est offert. Les Juifs ont eu beaucoup de mal à écouter Jésus et à trouver un sens à ses paroles et à ses affirmations. Au risque de me répéter, j’insisterai à mon tour pour ouvrir l’horizon de l’eucharistie dans notre assemblée et pour nourrir notre foi au quotidien.                 

Guy LapointeMais quelle expérience étrange que l’eucharistie chrétienne! Nous venons à l’assemblée dominicale parce que c’est un lieu ouvert, un moment de rencontre avec le Ressuscité et entre nous. N’est-ce pas un moment de lumière et un temps pour faire mémoire de la vie et de la mort de Jésus et de faire la vérité sur nous-même? Pourtant… L’histoire de l’eucharistie, qui devrait rassembler et unir, reste une histoire mouvementée, parsemée d’incrédulités. Pendant des siècles, on ne communiait qu’une ou deux fois par années. Jeunes, on nous a dit que ce pain et ce vin, c’était le corps et le sang de Jésus. On y a cru sincèrement et on a développé tout un imaginaire autour de cette affirmation qui souvent nous faisait peur. Et cet imaginaire se retrouve encore souvent chez les adultes croyants ou non. Parfois on a « désincarné » le geste de partage du pain et du vin. Tout en respectant ce passé, je crois que, dans cette assemblée, nous avons renouvelé notre manière de faire eucharistie et nous avons réfléchi à ce geste de la présence de Jésus ressuscité dans le partage du pain et le vin. Et la perception de notre enfance face à l’eucharistie a évoluée. Du moins, je le souhaite. C’est aussi cela le travail de la foi. Gilles Vigneault, dans son livre « Gilles Vigneault. Un pays intérieur », en parlant avec beaucoup de respect de sa foi et aussi de sa foi d’enfance, dit ceci : « Je n’ai pas à me cacher de croire. Pas plus que j’ai l’intention de me cacher de croître… » Croire, c’est croître… Ce n’est pas seulement une belle formule, c’est dire comment la foi peut être dynamique.          

Après la résurrection de Jésus, les premières communautés chrétiennes ont estimé que la meilleure façon de croire et de croître, était de faire mémoire de Jésus, de refaire le geste de son dernier repas en reprenant ces paroles, toujours à recevoir, qui disent la vie par delà la mort. En adultes, et tout comme les premières communautés chrétiennes du temps de l’Évangéliste Jean, on s’est posé des questions : qu’est- ce que cela peut bien vouloir dire : « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra pour toujours ». « Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel ». Comment le souvenir de ce Jésus devenu Christ peut-il le rendre vivant aujourd’hui? Nous sommes là devant une réalité qui nous habite, qui nous amène à une prise de conscience. Pourtant Jésus affirme : « Ce pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie ». Jean utilise toujours le terme chair et non corps. Rappelez-vous que son Évangile commence par l’expression : « Le Verbe s’est fait chair » (Jn 1,14). S’y trouve toute la réalité humaine et charnelle de l’être humain. Ce sont là des expressions de la communauté ecclésiale ancrées dans une pratique déjà longue. C’est l’idée d’une nourriture qui comble parce qu’elle revivifie l’amour, la tendresse, la générosité du don. Un don pour la vie et non un sacrifice pour la mort. Notre appétit de vivre.          

La fraction du pain est un signe que l’amour et le partage sont premiers. Si ces gestes ont perdu leur sens, ne serait-ce pas parce que personne ne sent plus la faim dans nos communautés chrétiennes. Le geste de la présence est aussi un geste d’absence. Rechercher l’autre, l’autre en soi-même qui est absent. Au moment où Jésus prend le pain ordinaire et dit en le rompant : « ceci est mon corps », c’est comme s’Il se projetait au-dehors. Comme s’il mettait une distance entre lui et lui, et renonçait à lui-même pour être à tous et à toutes. N’est-ce pas une évocation de l’étranger que nous avons à accueillir. Il laisse une place à l’autre. En chacun de ses défis, la vie et la mort se côtoient. Le repas eucharistique porte en lui une extrême humilité. Jésus accepte d’être partagé dans le pain, la plus humble nourriture. Pourtant, c’est dans ce partage simple que l’eucharistie crie la grande faim des humains.             

Le corps eucharistique se vit pour moi en termes de relation, de gestes, beaucoup plus qu’en terme de substance. D’ailleurs, la présence est bien dans le pain qui est rompu et qui dit la communion de vie avec Jésus et les uns avec les autres. La présence se vit dans ce geste. C’est la reconnaissance du pain descendu du ciel. L’eucharistie veut dire action de grâce; c’est une image de bonheur et de joie. Ce pain et ce vin partagés renvoient au corps du Ressuscité alors que notre corps est marqué par la mort. Mais en devenant corps du Christ, notre corps garde l’espérance de traverser la mort pour entrer dans la vie du Ressuscité. De plus, en participant à l’eucharistie, on s’ouvre au service d’autrui. C’est indissociable. C’est ainsi que se construit le corps du Christ. Partager la chair du Christ n’est pas un geste magique, mais un geste de la foi qui nous invite à discerner le corps du Christ. La pratique eucharistique est une façon d’apprendre à aimer, une façon de se reprendre. C’est laisser l’Esprit nous éclairer qui fait de ce pain et de cette coupe partagés le corps et le sang du Christ.                 

Croire à l’incroyable, c’est être à l’écoute de l’inédit, c’est avoir le courage de détecter les traces d’une espérance qui est là sans s’imposer. Croire est premier avant même de voir. Le Dieu de Jésus nous aide à voir le monde et ce n’est pas le monde qui nous aide à voir Dieu. Voilà un défi énorme à relever : le partage du pain « descendu du ciel » nous invite à voir le monde autrement.      

Ite missa est, c’est aller parmi le monde, là où l’eucharistie se poursuit, c’est-à-dire là où, dans le quotidien de la vie, l’annonce et l’expérience de la mort et de la résurrection de Jésus est vécue. Là où on interpelle l’autre et les autres en leur signifiant que tous sont appelés à partager le pain et le vin, mémoire vivante de la vie et de la mort de Jésus. Partager le pain et la coupe, n’est-ce pas croire et croître? Je vous laisse là-dessus. Et que le silence et la musique nous invite à approfondir le sens du partage eucharistique…

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal