24e Dimanche du Temps Ordinaire (B)
16 septembre 2012
Crise et continuité Le Christ vit-il une crise d'identité ?
Qui suis-je ? Jean-Baptiste ? Élie ? Or Jean-Baptiste vient d’être décapité. Ses disciples immédiats espèrent un Messie triomphateur.
Lui, il leur dit et le dit à la foule : Ça ne se passera pas comme vous l’espérez. Nous subirons un échec, je serai rejeté. Pierre proteste. Jésus le met en garde.
Transposons. Au Québec, au lieu d’églises remplies de fidèles, la vente, l’absence, les jeunes au loin…
Sommes-nous prêts à subir la mort d’un certain passé… pour une renaissance possible ainsi que le promet toute crise réfléchie…?
Tel est en bref le synopsis des propos qui vont suivre!
Il nous arrive parfois, sinon souvent, de discuter d’identité. Qui sommes-nous en cet univers mondialisé ? Quel avenir possible ou impossible pour les minorités à travers le monde ? Quel avenir possible ou impossible pour nos communautés chrétiennes catholiques, francophones au Québec ? Nous n’aimons pas trop nous poser ces questions. Or, voici qu’en ce dimanche de mi-septembre, la lecture de cette page d’évangile nous provoque à réfléchir sur notre église locale en crise. Nous sommes quelque peu provoqués à réfléchir à cause d’une question de Jésus lui-même en route avec ses premiers amis choisis par lui en toute confiance : « Dites-moi, les amis, qui suis-je pour vous ? » La réponse ne tarde pas : « Pour certains, tu es Jean-Baptiste. Pour d’autres, tu es Élie. Or, nous le savons, Jean-Baptiste vient d’être décapité. Élie a beau prêcher, on ne l’écoute guère.
Ici au Ouébec
Ici ensemble au Québec catholique, nous aussi, nous voici décapités de notre pratique religieuse traditionnelle, malmenés par une certaine opinion publique… plus ignorante que méchante. Nous les prêtres, comme Élie, nous disons les messages et peu écoutent… Tout en félicitant de suivre le Christ Jésus Fils du Dieu vivant, nous n’aimons pas l’entendre dire : « Le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens et mis à mort ». Nous sommes ou nous avons été comme Pierre… Pierre prend Jésus à part, se met à lui faire de vifs reproches. De toute évidence, Pierre espère un Messie debout, triomphateur, glorieux, libérateur…
Et nous, ne serions-nous pas parfois, quelque peu découragés face aux refus de nos proches, par ce qui arrive à nos communautés catholiques francophones, au Québec plus particulièrement ?
Nous aimerions nos églises encore remplies à capacité, avec toutes les places, les bancs vendus à l’avance, comme au Centre Bell. Nous aimerions beaucoup, beaucoup avoir les jeunes avec nous, avec nous à prier, avec nous comme nous, à chanter nos psaumes. Il paraît qu’il s’en trouve même des catholiques qui désirent, à la manière du prophète Isaïe, comme un coup d’État, comme une intervention divine et que Dieu publiquement prenne notre défense. Nous trouvons difficile cet échec social de l’Église d’avant la Révolution dite tranquille…
Rejoignons Jésus
Vite, rejoignons Jésus… Jésus appelant la foule, leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie pour l’Évangile la sauvera. »
À un autre moment, il sera plus affirmatif : « Si le grain mis en terre ne meurt pas, il ne portera pas de fruit. » Il convient de nous rappeler que, de son vivant comme on dit aujourd’hui, Jésus de Nazareth a vécu de graves échecs. Le jour où il parle de pain à manger qui serait sa présence parmi nous… les gens s’en vont.
« Voulez-vous vous aussi partir ? » Qu’il parle de la pureté du temple, on le chasse; qu’il parle d’abus des traditions, on le veut mort. FINALEMENT, il meurt en croix, pratiquement seul. Pierre n’est pas là…
L’échec ferait-il partie de notre histoire humaine, religieuse ? Comme dirait le poète Rilke : Perdre aussi nous appartient.
D’autre part, nous savons qu’au bout de chaque tunnel il y a la lumière. Les grandes crises appellent une renaissance. Le matin succédera toujours à la nuit. Le soleil vient toujours à bout des nuages. Jésus va plus loin : « Il arrivera que les derniers seront les premiers ». Dans l’évangile encore : qui s’humilie sera glorifié. Qui perd gagne. Les mystiques chrétiens sont unanimes à le dire et répéter : la souffrance, l’échec, peuvent devenir, à qui les intègre, une source de courage sinon de renaissance.
Un temps de purification s’impose, allons nous interroger sur l’essentiel, jusqu’à distinguer la dentelle du tissu et purifier nos consciences parfois blessées par la loi.
L’avenir : perspectives
C’est à tout ceci qu’il convient de penser quand nous assistons à une certaine nouvelle manière d’être croyant catholique francophone au Québec : l’avenir n’est pas mort, il ne meurt jamais, il est toujours nouveau en un sens. Même si la religion traditionnelle perd ses plumes, elle garde ses ailes : le sens du sacré est vif encore dans notre population, le sens et le besoin de rites sont toujours aussi vivaces, le respect du patrimoine religieux est dans l’air, la majorité des grands-parents nous donnent des exemples de tolérance remarquable, la liberté intérieure de conscience est pratiquement acquise, le besoin de faire neuf est dans l’air, le Christ demeure pour plusieurs de nos contemporaines de toute allégeance comme un grand sage facilement comparable à Confucius, Bouddha, Mahomet ou d’autres. L’approche culturelle du Christianisme appelle une approche croyante mieux éclairée. Puis il y aura toujours des artistes pour nous rappeler à regarder plus haut, voir plus loin. Enfin si les jeunes vont surtout en bandes, il y aura des jours pas si lointains où nous en verrons plusieurs marcher au rythme des adultes qu’ils seront inévitablement devenus. Inévitable histoire des générations… qui se succèdent non sans répétitions de rites et de pensées.
Mais au-dessus de tout, avant tout, il y a notre Jésus que nous célébrons ici chaque dimanche, Jésus mort et ressuscité, Jésus vivant qui nous réunit encore ici aujourd’hui ce midi. Il fait ses devoirs jusqu’au bout, il ne nous laissera jamais tomber pour une raison bien simple, celle que l’apôtre Pierre a énoncée : « À qui irions-nous, tu as les paroles de vie éternelle ».
Avec la musique comme transition, et le retour des enfants, nous continuons cette célébration eucharistique qui nous invite en mots et rites à passer de l’offrande à la communion au même Seigneur au nom de la même espérance… partagée…