Premier dimanche de l'Avent (C)
2 décembre 2012
Des chemins de naissance
Guy Lapointe
Je ne m’habitue pas à entendre ce passage de Luc. Même si je sais que c’est un genre littéraire bien connu. Et pourtant à la fin de cette lecture, j’étais heureux de chanter Alleluia? N’est-ce un appel à relever la tête et à voir plus loin! Un appel à une espérance têtue, debout.
Mais il y a aussi le passage de Jérémie : « Voici venir des jours où j’accomplirai la promesse de bonheur. » Et la réflexion d’Aurélie me semble rejoindre cette promesse de bonheur et cet appel à une espérance éveillée. Dans l’attente de son enfant, on l’a bien senti dans son témoignage, elle marche en pleine vie, avec aussi, bien sûr, les soucis de la vie. Promesse de bonheur pour parler comme Jérémie. Aurélie attend son enfant, mais il est déjà là. N’est-ce pas une image de ce temps d’Avent dans lequel nous entrons. Attendre le Seigneur quand il est déjà là? L’attendre… ne serait-ce pas plutôt le reconnaître, découvrir son visage dans les signes de notre temps, dans les beautés et les lumières de notre monde en dépit de ses ombres?
Des ombres… il y en a. « Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs… » nous dit l’évangéliste Luc. Me reviennent à la mémoire des images que nous voyons malheureusement trop souvent à la télévision et ailIeurs. Des femmes, des hommes et des enfants, dans des pays en difficultés et ou guerre, qui marchent vers une autre frontière avec en mains, sur le dos et dans le cœur, tout ce qui leur reste de vie, d’espoirs et d’espérance. Situations aux airs d’apocalypse, humainement si tristes. Ici, la réalité ne dépasse-t-elle pas la fiction? Ces personnes marchent à contre nuit et souvent contre la nuit. Elles cherchent et elles veulent aller droit à la porte de l‘humain; elles attendent que cette porte s’ouvre. La porte de l’humain, n’est-ce pas de voir le visage ouvert de l’autre. Dans leur nuit, j’espère et je le crois fortement, il y a toujours cette luminosité tremblante qui leur fait face et qui leur tient tête. À Noël, n’est-ce pas la porte de l’humain qui s’ouvre sur le visage de Dieu et sur nos propres visages!
Évoquer ces situations, c’est dire à la fois les bonheurs et les recherches de vie en même temps que toutes les brisures qui lézardent tant de vies personnelles et communes. N’est-ce pas, pour ces personnes, souhaiter la fin d’un monde et l’appel à en voir surgir un autre? Ce sont des marcheurs à la recherche de chemins de naissance. Ce sont, dans des moments des plus désespérants, des marcheurs qui cherchent la vie, des personnes en quête de chemins pour refaire la vie. Souvent ils emprunteront des chemins de traverse… Ces personnes ne sont-elles pas en route à la recherche d’une nouvelle naissance, éveillées à tout ce qui se passe et se vit sur les routes. Prendre des chemins de traverse, inventer de nouveaux chemins à même des vies démolies?
La vie n’est pas toujours aussi dramatique. Heureusement pour nous et pour ces personnes, ces groupes, que je viens d’évoquer. L’Avent-Noël est un moment où nous sommes invités à ouvrir grands les yeux et les oreilles pour voir et entendre ce que Dieu nous dit à travers cette naissance de Jésus. Nous sommes invités à devenir des marcheurs sur des chemins de naissance. II y a ces chemins qui font notre quotidien, à toutes sortes de moments de nos vies, chemins qu’on abandonne parfois à cause de nos fatigues de toutes sortes, mais au final, qui répondent à la moindre luminosité tremblante, qui nous tiennent en vie, là où on rencontre tant de défis de la vie et de l’amour, à même ce que nous vivons et construisons. Des chemins franchement ouverts, mais aussi des moments de repos où on attend que la vie revienne et qu’on accueille une vie nouvelle comme on vient de l’évoquer.
L’Avent nous invite à rester éveillés pour prendre ou inventer, quand il le faut, des chemins qui nous font naître ou re-naître.
Ne pas être absent de ce monde. Restons éveillés. Sait-on encore veiller? Les soucis de la vie sont-ils un poids trop lourd? Voyons-nous où nous allons? Faire naître Dieu au monde, faire grandir l’être de Dieu encore inachevé. Attendre, c’est manquer de quelque chose, de quelqu’un. C’est se dire que demain sera meilleur.
C’est dans le souvenir de la naissance de Dieu dans l’humanité; c’est en veillant, que des chemins nouveaux nous seront offerts. C’est l’attitude des personnes et des groupes qui, grâce à leur foi en la vie croient que Jésus est présent. Jésus ne vient pas seulement dans une crèche, il vient au cœur de nos réalités, même si parfois elles ont goût de souffrance mais, je nous le souhaite, de goût d’espérance. Alors, oui, empruntons des chemins de naissance et de renaissance.
Participer à l’eucharistie ne peut que nous mener à communier, à partager le pain avec les gens du manque. Ce qui pourrait donner un nouveau monde. De quoi rendre grâce, une véritable eucharistie. Toute ça donne à penser en ces jours d’Avent dans lesquels nous sommes déjà entrés… Bon Avent! Et tenons ferme dans l’espérance. Empruntons des chemins de naissance.