Le Baptême du Seigneur (A)
12 janvier 2014
Accomplir la justice
Bruno Demers
« C’est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste. »
Cette année, le baptême de Jésus nous est présenté comme accomplissant parfaitement ce qui est juste. C’est curieux de parler ainsi…
Pour nous, en 2014, accomplir la justice c’est faire en sorte que l’égalité soit reconnue, que les droits de la personne soient promus, que l’équivalence soit respectée quand on administre des sanctions.
Quel est le rapport avec le baptême de Jésus? Travailler à rendre notre monde plus juste, c’est une préoccupation avant tout humaine. Pourquoi parler de cela quand on veut clôturer les belles célébrations du cycle de Noël?
À l’époque de Jésus, les Juifs pensaient, pour la plupart, que Dieu avait donné sa Loi aux humains pour, qu’en la suivant, ils deviennent justes. Suivre la Loi, c’était accomplir la volonté de Dieu. Telle infraction était assortie de telle sanction. On était juste quand on était quitte de ses obligations. Il y avait tout un système qui gérait les équivalences.
Or, il y avait aussi une autre façon de voir l’application de la justice de Dieu. Le livre d’Isaïe parlait d’un Serviteur qui fera paraître la justice :
Il ne haussera pas le ton.
Il n’écrasera pas le roseau froissé.
Il n’éteindra pas la mèche qui faiblit.
La justice de Dieu semble donc être autre chose que notre vision humaine de la justice.
En effet, la justice, c’est beaucoup plus qu’un simple souci d’équivalence. C’est une sorte de respect mutuel des personnes. C’est ce désir qui vise à ce que tous les humains puissent se réaliser et s’accomplir. Ils sont ainsi «ajustés» à ce qu’ils portent vraiment comme possibilités. Un monde juste ce n’est pas seulement des citoyens égaux. C’est un monde où on peut vivre selon ce qu’on est, «ajusté» à ses possibilités. Une mesure disciplinaire égale pour tous, peut être injuste pour des pauvres, des handicapés, des gens qui viennent de d’autres cultures. Ils souffrent alors d’injustice.
La justice de Dieu, c’est beaucoup plus qu’un souci égalitaire. C’est sa volonté de voir tous les humains parvenir à leur accomplissement. Pour cela, Dieu donne sa Justice, Dieu donne son amour :
«Celui-ci est mon Fils bien-aimé. En lui j’ai mis tout mon amour.»
Les lois, les commandements sont importants. Mais ils ne sont que des balises pour discerner le chemin de la volonté de Dieu. Le vrai juste ne se contente pas de la sécurité de l’observance de la Loi. Il est celui qui ose s’aventurer sur les chemins de traverse pour répondre aux appels d’un Dieu qui nous demande d’aimer comme lui nous aime.
Si une société ne s’en tenait qu’à une justice stricte, équivalente, son organisation deviendrait vite irrespirable. On vivrait dans un monde où tout est réglé, uniforme, sans possibilité d’adaptations. Au-delà des règles de la justice humaine, qui sont des règles d’équivalence, nous avons besoin, pour vivre, d’une autre logique : celle du pardon, de la compassion, de la surabondance. Notre monde devient plus humain quand, par-delà la stricte égalité de justice, le plateau de la balance penche en faveur des plus défavorisés. Jean-Paul II disait, à la fin de son pontificat : « Il n’y a pas de paix sans justice et il n’y a pas de justice sans pardon ».
Nous clôturons le cycle de Noël où nous avons célébré la venue de Dieu dans notre histoire. Aujourd’hui nous nous rappelons notre baptême, où nous sommes devenus Fils et Filles bien-aimés de Dieu, ceux et celles en qui il a mis tout son amour. En nous plongeant dans l’amour de Dieu, notre baptême nous apprend à regarder toute personne comme un frère ou une sœur à aimer. Habités par l’Esprit de Dieu, nous continuons, aujourd’hui, d’accomplir parfaitement ce qui est juste. Nous témoignons, dans notre société, d’un surplus de bienveillance et de compassion pour «ajuster» tous nos contemporains au regard de Dieu sur le monde.