8e Dimanche du Temps Ordinaire (A)
2 mars 2014
Notre devoir de citoyen de son royaume
Édouard Potworowski
Les trois textes d’aujourd’hui nous parlent de confiance.
Isaïe évoque Israël que Dieu n’abandonnera pas.
Dans l’évangile de St Matthieu, Jésus nous exhorte à ne pas nous préoccuper de notre bien-être matériel, mais à faire confiance à Dieu.
Paul pour sa part regarde l’autre côté de la médaille et nous invite à mériter la confiance de Dieu.
On ne peut servir Dieu et l’argent, dit Jésus au début de l’évangile.
C’est clairement une invitation à faire un choix.
Mais doit-on pour autant rejeter toute préoccupation matérielle pour nous consacrer exclusivement au service de Dieu? Je ne pense pas.
L’évangéliste utilise le verbe servir.
Servir l’argent, je le comprends comme l’obsession d’accumuler des biens matériels.
Une obsession qui peut facilement réduire nos horizons.
Les réduire à la recherche d’une fausse sécurité, d’un bonheur temporel et temporaire, une obsession qui ne permet pas de voir plus loin, au-delà de la vie de ce monde.
Et Jésus ajoute même : « D'ailleurs, qui d'entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ?” Il veut nous faire comprendre que ce n’est pas la longueur de la vie qui compte, mais plutôt sa qualité.
Revenons au texte : nous donne-t-il des indications concrètes sur ce que devrait être l’équilibre entre nos préoccupations matérielles et notre quête de Dieu?
Devrions-nous être totalement insouciants comme les lis des champs ou les oiseaux du ciel et attendre que Dieu nous habille et nous nourrisse?
Personnellement, j’hésiterais. Il me semble plutôt que l’Évangile s’en tienne à des principes et nous laisse la liberté de faire les choix concrets.
St Thomas d’Aquin, lui, est concret sur la question de distribution des biens matériels.
Dans sa Somme Théologique, il discute des biens matériels que les maitres sont tenus de donner à leurs esclaves ou serviteurs.
Il propose que ces derniers aient droit à un niveau de confort suffisant pour leur permettre d’aspirer à la vertu.
Au vingt et unième siècle, on pourrait traduire ça en disant que chaque être humain a droit à suffisamment de confort et de dignité pour avoir le loisir de s’occuper d’autre chose que de sa survie immédiate.
Le pape François fait échos à ce point de vue dans son texte la Joie de l’Évangile
« Il n'est pas possible que le fait qu'une personne âgée réduite à vivre dans la rue et à mourir de froid ne soit pas une nouvelle, tandis que la baisse de deux points en bourse en soit une. »
Et c’est à nous qu’incombe la responsabilité collective de voir à ce que l’argent soit, non pas le maitre que nous servons, mais le moyen dont nous nous servons pour des fins compatibles avec nos valeurs chrétiennes.
Dans la deuxième partie de l’évangile, toutefois, Jésus va plus loin et nous exhorte très directement à faire confiance à Dieu, qui verra à nos besoins de ce monde. Ça, c’est plus problématique.
Comment Dieu peut-il nous fournir nos besoins matériels?
Dans le Notre Père, nous disons clairement : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ».
À quelle sorte de réponse pouvons-nous concrètement nous attendre?
Et cette question en soulève une autre : Dieu intervient-il dans l’histoire humaine?
Un problème fondamental, sur lequel bien des théologiens se sont attardés.
Même le Centre Culturel Chrétien de Montréal y a consacré une réunion.
Mais aucune réponse claire n’est sortie de ces discussions. On peut toutefois trouver, non pas une réponse, mais plutôt une piste de réflexion dans le titre d’un très vieux film qui s’appelait « Dieu a besoin des hommes ».
Pourquoi aurait-il besoin des hommes?
Quel type de relation Dieu souhaite-t-il avoir avec les hommes?
Une relation d’amour nous disent les évangiles. D’amour réciproque.
Mais qui dit amour réciproque ne dit-il pas aussi confiance réciproque?
Dieu aurait-il besoin de nous? Est-il possible que’il nous fasse confiance pour que nous aimions notre prochain de façon concrète?
En son nom?
En cherchant un tout petit peu dans les évangiles, on trouve partout des paroles de Jésus qui nous invite non seulement à aimer notre prochain, à aimer Dieu à travers notre prochain : un thème récurrent.
« J’étais en prison et tu m’as visité. J’avais faim, et tu m’as donné à manger ».
Puis il y a la parabole du bon Samaritain et plusieurs autres.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Dieu accueille toujours nos prières. Parfois de façon inattendue.
Il arrive qu’à force de se faire prier, Dieu nous donne l’énergie, la force, la motivation de nous lever et d’aller chercher nous-mêmes le pain que nous lui demandons.
Il arrive peut-être aussi que Dieu fasse confiance aux hommes et femmes de bonne volonté et qu’il guide leurs regards et leurs cœurs vers ceux et celles qui sont dans le besoin et qui le prient.
Dieu nous fait confiance pour transmettre concrètement à notre prochain la réponse à sa prière, à lui donner son pain de ce jour.
Les hommes et femmes de bonne volonté font confiance en Dieu et Dieu leur fait confiance.
Dans sa lettre aux Corinthiens, Paul nous dit : « il faut que l'on nous regarde seulement comme les serviteurs du Christ et les intendants des mystères de Dieu.
Et ce que l'on demande aux intendants, c'est en somme de mériter confiance. »
Dieu a besoin des hommes. Il leur fait confiance. Il nous fait confiance.
C’est donc à nous de mériter cette confiance.
Pour terminer, je serais tenté d’aller encore un pas plus loin et de poser une dernière question : Le souci envers ce prochain que Dieu nous a confié n’est-ce pas ça notre devoir de citoyen? De citoyen de son royaume?