4e Dimanche du Carême (A)
30 mars 2014
La guérison de l’aveugle-né
Bruno Demers
Vous est-il déjà arrivé de chercher quelque chose de précis dans vos tiroirs et, tout à coup, de découvrir autre chose que vous cherchiez depuis plus longtemps encore?
Je cherchais comme ça mon passeport et, tout à coup, je suis tombé sur une lettre de ma grand-mère que je pensais avoir irrémédiablement perdue! J’étais évidemment très heureux mais surtout content de l’avoir remarquée car j’aurais très bien pu ne pas la voir tellement j’étais préoccupé de trouver mon passeport.
Être capable de bien voir. Apprendre à regarder comme il faut pour découvrir les possibilités qui se présentent, c’est tout un art! C’est bien l’enjeu des textes qui nous sont proposés pour ce 4e dimanche de carême : l’éducation du regard : « Il ne suffit pas de voir, encore faut-il savoir regarder! »
La première condition pour y arriver c’est de regarder avec les yeux du cœur. Nous nous rappelons tous cette phrase du renard dans Le Petit Prince de Saint-Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. » Dans l’évangile d’aujourd’hui, si les pharisiens contestent l’évidence, c’est-à-dire le fait qu’un aveugle de naissance désormais voit, c’est parce qu’ils n’ont pas le cœur pur. Ils refusent la vérité parce qu’ils ont décidé et décrété que Jésus est un imposteur. En effet, à leurs yeux, guérir un jour de sabbat est contraire à la loi de Moïse. L’aveugle, lui, au contraire, est sur le chemin de la découverte de Jésus. Il ne conteste pas son pouvoir et il devine qu’il s’agit d’un prophète et peut-être bien plus!
La deuxième condition pour avoir un regard juste c’est de dépasser ses illusions sur soi-même et sur le monde. Souvent nous nous arrêtons aux apparences et ne savons pas regarder au-delà. Nous aimerions tellement que les événements se produisent de telle ou telle façon. Nous sommes victimes de notre désir. Nous n’avons pas un regard assez détaché pour voir les êtres et les choses tels qu’ils sont et non pas tels que nous voudrions qu’ils soient.
Dieu ne regarde pas comme les humains car les humains regardent l’apparence. Le Seigneur regarde le cœur.
Développer un regard détaché des apparences, de nos attentes et préconceptions pour regarder le cœur. C’est probablement comme ça que Dieu regarde le monde. Dieu fait confiance aux humains. Il voit chez-nous des possibilités inédites que nous ne voyons pas parce que nous vivons avec des habitudes ou encore avec des idées tout arrêtées.
Dans ce temps de carême nous sommes conviés à porter un nouveau regard sur nous-mêmes : à nous détacher de nos désirs illusoires et récurrents et à créer en nous un espacede disponibilité aux appels des autres. L’essentiel dans nos vies relève de l’invisible. Il est constitué de tous ces liens que nous tissons avec ceux et celles qui nous entourent. Et ces liens se forment au niveau du cœur. « Voir avec les yeux du cœur » comme disait Gerry Boulet.
En plus de porter un nouveau regard sur nous-mêmes nous sommes aussi invités à porter un regard neuf sur les événements du monde. Notre époque, depuis longtemps déjà, en est une de changements, de bouleversements, de mutations. Beaucoup de possibilités apparaissent. Il importe de discerner quels sont les vrais enjeux pour l’avenir de nos sociétés et de la création tout entière. La paix sociale et le souci écologique sont des éléments à prendre en compte dans un regard qui se veut lucide sur le monde.
Apprendre à regarder au-delà des apparences pour déceler les intentions du cœur.