32e Dimanche du Temps Ordinaire (A)
Dédicace de la basilique du Latran
9 novembre 2014
Le temple que nous formons ensemble en Jésus
Hubert Doucet
À première vue, je trouve étonnant, tout au moins paradoxal, qu’on ait choisi ce texte de l’évangile pour célébrer le bâtiment-cathédrale. N’y a-t-il pas contradiction entre, d’une part, l’hommage que l’on rend à cette basilique et, d’autre part, l’évangile de Jean où Jésus fait scandale à propos des temples matériels qui nuisent à la célébration du spirituel? Heureusement, l’intérêt du paradoxe est de nous obliger à réfléchir. Jésus est peut-être idéaliste; il ne semble pas reconnaître la condition naturelle d’un temple. Même les apôtres ont senti la provocation du geste de Jésus qui, en harcelant les marchands, prenaient les usagers du temple en otage, pour reprendre notre langage contemporain. Ce qui se passe au temple à Jérusalem est tout à fait naturel et correspond à la nature même d’une religion bien organisée. Jésus n’a-t-il pas dépassé les bornes? Les apôtres n’ont d’ailleurs compris le sens du geste qu’après la résurrection.
Tout idéaliste qu’il soit, l’exigence de vérité que Jésus porte en lui nous sort de notre confort en nous posant une question. Que cherches-tu dans le temple? Comment veux-tu vivre dans le temple qu’est l’Église? Cette exigence de vérité qui anime Jésus, il me semble qu’à sa manière, François, l’évêque de Rome, la porte aussi de manière très forte.
Lors du discours de clôture qu’il a fait à la fin du Synode sur la famille, il y a deux semaines, il s’est adressé aux participants en faisant ressortir cinq tentations qui pouvaient les guetter. Ces tentations, elles peuvent aussi être les nôtres. Les reprendre ici, à l’occasion d’une célébration qui nous relie de manière particulière à l’évêque de Rome, c’est une sorte de clin d’œil au pape François.
La première tentation est celle du « raidissement hostile » qui consiste à « s’enfermer dans ce qui est écrit (la lettre) et ne pas se laisser surprendre […] par le Dieu des surprises (l’esprit) ». Cette première tentation est, dit François, « celle des zélés, des scrupuleux, des attentifs et de ceux qu’on appelle — aujourd’hui « traditionalistes » et aussi des intellectualistes. »
La tentation de l’angélisme destructeur est la deuxième. C’est celle « des bien-pensants », des timorés et aussi de ceux qu’on appelle « progressistes et libéralistes ». Ces derniers sont en faveur des progrès du jour au nom de la miséricorde. Très bien, affirme le pape François, mais jusqu’où les tenants de cette position, s’engagent-ils vraiment à s’attaquer aux causes et aux racines des maux actuels ?
Je veux mentionner une dernière tentation qui est double : « se considérer non pas des gardiens, mais des propriétaires et des maîtres ou, dans l’autre sens, négliger la réalité en utilisant une langue précieuse et un langage élevé pour dire tant de choses et ne rien dire! On les appelait des « byzantinismes », je crois, ces choses-là... ».
Toutes les communautés chrétiennes se trouvent aujourd’hui confrontés à des défis de taille qu’ici à Saint-Albert, on connaît bien. L’intérêt des remarques du pape François consiste à nous inviter chacune et chacun à nous questionner sur les attitudes et les valeurs qui nous habitent lorsque nous discutons de ces défis. Jésus a voulu provoquer un examen de conscience chez ses contemporains à propos du sens du Temple. Le pape François invite chacun à se regarder soi-même pour mieux discerner ses attitudes dans les discussions sur le devenir de ce temple que nous formons ensemble en Jésus.