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19e Dimanche du Temps Ordinaire (B)
9 août 2015
Pour qui se prend-il?
Guy Lapointe
Dans le passage que l’on vient d’entendre, nous ne pourrions retenir que cette affirmation : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel… » et tout de suite faire le lien avec l’Eucharistie. C’est vrai. Mais en regardant de plus près, nous constatons que ce récit commence par une controverse assez vive, des récriminations envers Jésus. Qui est-il donc? Bien sûr, c’est le fils de Joseph et de Marie, nous connaissons sa famille… Qu’une personne soit inspirée par Dieu et en vienne à parler en son nom, passe encore. On a vu bien des prophètes annoncer la Bonne Nouvelle. Mais qu’un homme ordinaire, dont on connaît les parents, prétende être le « pain venu du ciel », un pain qui donne la vie et une vie sans fin, c’est autre chose et cela ne va pas de soi. Il est cependant normal qu’on se pose des questions comme le font les Juifs pour mieux tenter de comprendre. L’intelligence est aussi une dimension de la foi.
Dans ce discours sur le Pain de vie, l’évangéliste Jean s’adresse à des nouveaux chrétiens qui ont déjà fait l’expérience de l’Eucharistie, et qui ont besoin de se rappeler le sens profond de cette pratique. C’est le Christ ressuscité qui parle. Ces chrétiens sont issus du monde juif et du monde païen. La contestation vient de ceux qui refusent le Christ et porte sur le fait qu’il se dise l’envoyé de Dieu. Jamais un prophète n’était allé aussi loin : « Comment peut-il dire je suis descendu du ciel? »
Qu’est-ce que cela veut dire au juste? Au temps de l’évangéliste Jean, les premiers chrétiens croyaient que Jésus était Fils de Dieu et qu’il était ressuscité à Pâques. Par ailleurs, ce n’est pas en niant son humanité et la nôtre qu’on peut l’atteindre et lui ressembler. Au contraire, c’est par son humanité que Jésus nous rejoint et qu’Il nous ressuscite. Au fond, il faut garder les deux dimensions de la vie de Jésus : son humanité et sa divinité. C’est ce que Jean essaie de dire aux premiers chrétiens. Il faut donc garder l’équilibre entre les deux : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, pour que le monde ait la vie ». La chair du Christ, c’est son humanité dans sa fragilité. Y communier, c’est d’abord participer à son humanité, pour assumer la nôtre en la partageant avec les autres. Voilà le pain vivant descendu du ciel.
Que pouvons-nous tirer de ce passage pour nous aujourd’hui? Pour répondre à cette question, il me semble qu’il faut d’abord identifier les difficultés que nous rencontrons dans notre rapport au Pain de vie. Je voudrais en identifier une en particulier. Comment se fait-il que l’eucharistie qui est tant célébrée à travers le monde n’ait pas plus de retombées dans la vie de tous les jours? C’est la forme que prend pour nous la question que les juifs posaient à propos de Jésus : Comment peut-il prétendre venir du ciel? Peut-être avons-nous tellement séparé notre pratique de l’eucharistie de la vie de tous les jours. Peut-être avons-nous oublié qu’il s’agit de partager le pain venu du ciel et de le partager avec d’autres pour nous inciter à partager dans la vie quotidienne.
Même si elle nous est offerte, notre relation à Dieu n’est pas toujours facile à construire. Et ce passage d’Évangile selon Jean nous en révèle les difficultés quand on songe à la réaction des personnes qui suivaient Jésus et voulaient l’entendre.
Nourris du pain de Vie, nourris de la mémoire du Christ ressuscité et vivant, soyons attentifs à ces moments où nous sommes ensemble. C’est un moment privilégié pour se rencontrer et rencontrer Dieu. Ce geste peut nous aider à déceler cette présence de Dieu dans le rassemblement dominical auquel nous sommes invités à chaque dimanche. En mangeant ce Pain de vie, nous devenons à notre tour pain de vie pour les autres.
La célébration de l’Eucharistie n’est pas seulement un rappel du geste de Jésus lui-même. Elle est un appel à ceux et celles qui la célèbrent en mémoire de Lui. L’Eucharistie est ouverture à tous et à toutes. On ne doit pas éteindre son dynamisme, en l’enfermant dans un rituel trop fermé sous prétexte de sacralité où il n’y a, dans la pratique, plus de pain ni de vin. C’est un des grands défis de nos communautés célébrantes : redonner sens à l’Eucharistie, en retrouvant des gestes vrais et près de nous. C’est ce que nous tentons de vivre ici à St-Albert.
Et aujourd’hui, dans notre célébration, nous accueillons Anouck qui fera sa première communion. Elle s’y est préparée dans un cheminement spirituel intense et remarquable. Nous accueillons aussi deux enfants qui feront leur première communion, Maximos et Veronica, qui ont très bien été préparés par leur grand’mère. En partageant ce Pain de vie, nous devenons, à notre tour, pain de vie pour les autres. C’est ce que je souhaite à Anouk à Maximos et à Veronica. Et c’est ce que je nous souhaite.