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26e Dimanche du Temps Ordinaire(B)

27 septembre 2015

Jaloux pour Dieu?

Nombres 11, 15-29

Jc 5. 1-6       

Marc 9, 38-48  

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Jean, un des douze disciples, sûrement bien intentionné, rapporte à Jésus ce qui a été fait pour assurer le caractère personnel, unique, de sa mission. La réaction de Jésus a certainement étonné ce disciple tout comme elle peut fort bien nous étonner nous aussi : Qui n’est pas contre nous est pour nous. Ne l’empêchez pas celui qui agit en croyant agir en mon nom. Il me semble qu’on la comprend bien cette réponse quand on la compare à la réaction de Moïse dans la lecture de tout à l’heure. À Josué qui vient lui dénoncer des faux prophètes, il répond : Serais-tu jaloux pour moi ? Souhaite plutôt que le Seigneur leur envoie son Esprit. On la met dans la bouche de Jésus cette réponse de Moïse : Serais-tu jaloux pour Dieu, toi qui veut faire régner l’ordre, un seul ordre, sans laisser au Seigneur sa liberté d’envoyer son Esprit à qui il veut ? C’est parfois notre attitude : se faire possesseur de Dieu, avec la meilleure bonne volonté, encadrer Dieu dans notre vision à nous de qui doit être Dieu. Ne pas imaginer que celui qui n’a pas la même écoute que nous de la Parole de Dieu, celui qui ne partage pas notre foi, ne peut faire le bien, agir pour le bien des autres. Un enseignement de Jésus qui nous rappelle à l’humilité, à la considération de la grandeur de Dieu qui est bien différente de toutes nos idées de grandeur ou de puissance ; pour tout dire, un rappel de l’étonnante liberté de Dieu qui ne réserve pas sa miséricorde et son amour. Une liberté qui fonde notre propre liberté sous la conduite de l’Esprit. Nous pouvons nous aussi transmettre la Parole de Dieu, par nos dires et par nos gestes, tout comme nous devons reconnaître à d’autres le même don. Et cela sans tomber dans une sorte de relativisme ou d’égalitarisme qui ferait croire que tout est de même valeur, que tout est acceptable. Il nous faut être bien ancrés dans notre foi et notre écoute de l’Évangile pour avoir une ouverture de pensée, d’action, de liberté à l’image de celles de Jésus. Mais cela est une autre histoire. Voyons plutôt la mise en garde que l’évangéliste Marc a accrochée à cet enseignement de Jésus. Une mise en garde qui nous dit justement les limites d’une audace prophétique, d’une liberté de conduite.           

On ne peut qu’être frappés par le radicalisme que prennent ici les paroles de Jésus : la meule attachée au cou, jeté ainsi à la mer, et, plus loin, l‘œil, la main, le pied arrachés. Des termes extrêmes qui ne sont pas évidemment à prendre à la lettre. Jésus parle ainsi pour attirer notre attention, nous bousculer aussi, nous faire comprendre l’urgence de choix à opérer si on veut se mettre en marche à sa suite.

L’enseignement de Jésus sur le scandale fait aux petits. Qui sont-ils ces petits dont on doit éviter d’entraîner la chute. Des chrétiens humbles, confiants, parfois mal ou peu éclairés, qu’on risquerait de priver de leurs repères, plus gravement, de leur espérance, par des propos trop audacieux, trop désinvoltes aussi ? Oui, en partie. Mais aussi ceux qui s’embrouillent dans des situations morales difficiles, des questionnements religieux sans réponses apparentes, dans des attentes qui savent mal s’exprimer. Le scandale, l’occasion de faire chuter ne seraient pas prévenus par des paroles accommodantes, à la limites méprisantes, qui nous feraient taire nos propres convictions. Ce qui est l’attitude juste à leur égard, comme à l’égard de tous, c’est de retrouver le tact, la bonté et la vérité que Jésus a toujours manifesté pour les petits. Comme lui trouver le mot qu’il faut, sans taire la vérité, et puis, le silence qui guérit. Trouver la parole qui ne domine pas, ne condamne pas, mais respecte le mystère de Dieu et de chaque être humain. Un silence qui est compassion, partage de difficultés devant les manifestations étonnantes de la liberté de Dieu.

Et puis voici enfin ces paroles étranges sur la main, l’œil, le pied qu’il faudrait arracher s’ils conduisent au scandale de soi, et des autres. Dans la symbolique biblique la main est signe du partage, l’œil de la sagesse, le pied de l’agir, de l’action. Quel est alors le scandale possible ? Garder la main fermée sur ses biens, ses dons, le partage de son temps. Utiliser sa sagesse, son intelligence pour éblouir et pas pour éclairer, pour impressionner et pas pour chercher avec d’autres. Agir pour montrer sa force, son énergie, pour dominer, à la limite écraser, et pas pour aider, soutenir, prendre part aux peines et aux joies de l’autre.         

Oui le scandale est possible alors à l’égard de qui partage ou rencontre notre vie. Il est possible aussi pour soi-même. Le scandale qui apparait à la conscience qui voit que malgré son affirmation de vivre selon l’Évangile, de prendre la route à la suite du Christ, d’être en communion avec les autres, la conscience qu’alors on est au service de soi seul, d’un accomplissement de soi égoïste.     
 
Nous avons entendu dans le texte évangélique de ce matin un enseignement, des consignes qui laissent une impression de décousu, et même de recousu comme en un patchwork. Comme si l’évangéliste Marc avait rassemblé à la suite des paroles prononcées en diverses circonstances et occasions. Et c’est très probablement ce qui a été fait. Peu surprenant alors que notre réflexion puisse aussi sembler aussi s’égarer en des voies diverses. Mais à regarder de plus près, comment ne pas constater que la lecture des paroles de Jésus présentées ainsi dans la lecture liturgique attirent l’attention sur un certain radicalisme évangélique. Un radicalisme qui n’est pas lourd ou uniquement sévérité quand il est entendu et écouté et vécu justement et vraiment dans une marche selon l’Évangile à la suite du Christ. Vécu en recherche de cohérence et dans une communion avec le Christ qui est lumière pour nous et révélation de notre liberté.

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal