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7e Dimanche du Temps Ordinaire (A)

19 février 2017

Corinthiens 3, 16-23

Matthieu 5, 38-48

Aimer, aimer toujours…

Guy Lapointe

C’est tout un retournement de vie qui nous est proposé. Les passages de Paul et de Matthieu que nous venons d’entendre, ont une résonnance particulière en ces temps « étranges », difficiles, que nous traversons. On peut dire que la violence déchire le monde. Dans notre vocabulaire quotidien, le mot « terrorisme » a pris une importance indéniable. Que de massacres! Que de personnes assassinées, ici et ailleurs! On a souvent l’impression que le monde bafouille. Devant cette situation, comment accueillir les paroles de Jésus rapportées par Paul et par l’évangéliste Matthieu?

Guy LapointePaul et Mattieu nous parlent d’amour, de sagesse et de perfection. Il m’est revenu en mémoire cette réflexion de Thérèse de Lisieux : « J’ai tant donné, légèrement je cours! Je n’ai plus rien que ma seule richesse : aimer toujours. »          

Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, dent pour dent. Eh bien moi je vous dis de ne pas riposter au méchant… ». « Soyez parfaits, comme votre Père est parfait », demande Jésus à ses disciples. Avouez que c’est un profond renversement proposé dans cet Évangile et Jésus place la barre haute! On n’est pas parfait, on n’est pas sage, on essaie de l’être à la suite de Jésus, comme Dieu l’est. Et pourtant, n’a-t-on pas souvent l’impression que la sagesse du monde est folie?         

L’évangile d’aujourd’hui nous redit encore : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » Quel retournement dans la façon de manifester notre solidarité à l’égard des personnes et des lieux éprouvés! Mais qui est mon ennemi? Quand on regarde notre vie, avons-nous de véritables ennemis? Il y a des attitudes, des comportements, des jugements qui nous blessent et nous en avons nous-même qui blessent les autres. Mais quel sens donner à la parole de Jésus : « Aimez vos ennemis » ? Justement Jésus ne nous dit pas que nous avons des ennemis, mais qu’il nous arrive de vivre en ennemi. Il nous invite à nous questionner sur cette propension que nous avons à considérer l’autre comme ennemi. Il ne faut surtout pas oublier que Dieu – celui des chrétiens – est Amour. Il n’est même que cela. Tout ce qui est contraire à l’amour est l’ennemi de Dieu. Quand Jésus commande à ses amis d’aimer leur ennemi, il les invite à ouvrir les yeux d’abord sur eux-mêmes pour mieux rejoindre l’autre. Benoît Lacroix a cette réflexion superbe : « Le vrai amour humain a du divin en lui. »    

Trois attitudes qu’il importe d’éviter. D’abord, il ne faut pas classer l’humanité en deux catégories : les justes et les coupables. Être solidaire de l’humanité, c’est reconnaître que nous sommes tout à la fois pécheurs et saints; nul d’entre nous n’osera affirmer qu’il n’est pas du côté du pécheur. Sur l’un comme sur l’autre brille le même soleil et tombe la même pluie qui fécondent la vie, comme le redit l’Évangile.      

Le deuxième point tient dans le fait que chacune et chacun de nous est pris dans un réseau d’appels et de demandes. Vivre en société consiste à être sans cesse sollicité : « Donne à celui qui te demande; ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter », venons-nous d’entendre dans l’Évangile. Qu’est-ce que vivre en société? Qu’est-ce que vivre humainement? N’est-ce pas sans cesse recevoir le jour qui vient, l’air que l’on respire, l’eau qui désaltère et le pain qui nourrit. Si le monde entier, si chacune et chacun de nous entraient dans cette cohérence, si les ressources des pays pauvres n’étaient pas la proie des pays riches, mais l’occasion de se tourner les uns vers les autres. Si les différentes religions étaient ouvertes les unes aux autres, ouvertes aux grands enjeux de la vie, la face du monde en serait changée. Une graine serait semée qui risquerait de produire du fruit.       

Dernier point: nous pouvons, sans quitter notre humanité, pénétrer dans la mouvance de celui que Jésus appelle « Père ». Si de l’ennemi qui nous persécute nous faisons un frère, si nous cessons de nous demander dans quelle mesure autrui a droit à notre considération, nous entrons alors dans la perspective de Dieu. « Si vous ne saluez que vos amis, que faites-vous d’extraordinaire? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant? Vous donc, « soyez parfaits comme votre père céleste est parfait ». Rappelons-nous, comme le dit s. Paul, que nous sommes « un sanctuaire de Dieu et que son esprit habite en nous ».       

Je termine en reprenant cette réflexion de Thérèse de Lisieux à la fin de sa vie, et qui résume bien ce que j’essaie de vous dire : « J’ai tant donné, légèrement je cours! Je n’ai plus rien que ma seule richesse: aimer toujours ».          

 

 

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal