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Premier Dimanche du Carême (A)
5 mars 2017
Un temps de décision
Hubert Doucet
La tranche de vie d’Ève et Adam que nous raconte la première lecture, entendue en début de célébration, date du 10e ou du 9e siècle avant Jésus-Christ. Malgré cette date très ancienne, l’événement me paraît contemporain, témoignant ainsi d’une facette caractéristique de la condition humaine. Cette histoire pourrait même servir de base à un bon scénario d’une attrayante publicité. Le publicitaire fait miroiter à Ève et Adam que le petit fruit qu’à peu près rien ne distingue des autres contient une vertu particulière qui va les combler de bonheur : « Vous deviendrez beaux comme des dieux », si vous me permettez de moderniser un peu le texte du récit. Grâce au message du publicitaire, le petit fruit s’est transformé en porte-bonheur pour Ève et Adam.
Malheureusement, le message n’était pas à la hauteur du désir qu’il avait sollicité. Le bonheur n’est pas venu, Ève et Adam découvrant alors leur vulnérabilité : ils étaient nus, sans défense.
Ce qui me semble intéressant dans la mise en comparaison de cette première histoire avec l’aventure de Jésus au désert, ce n’est pas que l’un succombe et que l’autre résiste, que l’un devienne pécheur et l’autre un saint, mais c’est plutôt l’exigence que pose une vie réussie. Dans les deux histoires, les acteurs veulent réussir leur vie, ils aspirent à la plénitude. Dans le premier récit, les personnages ne sont-ils pas en quête d’intelligence? Dans le second, le personnage Jésus ne cherche-t-il pas à discerner ce qu’implique la mission qui se dessine pour lui?
Ce qui me paraît distinguer les héros de ces récits, ce n’est pas leur désir de vie. Sur ce point, leur communauté est plus forte que ce que l’on veut parfois nous le faire croire. La différence porte sur l’exigence que pose la réussite de sa vie. Dans le premier cas, Ève et Adam sont tellement emballés par la promesse qui leur est adressée qu’ils ne prennent pas le temps de discerner les diverses facettes de l’offre proposée. Dans le second cas, Jésus répond à l’offre qui lui est faite, suite à un séjour de quarante jours au désert où il a cherché à discerner les implications de la mission qu’il s’est vu convier à son baptême. C’est ainsi qu’il peut répondre de la manière qui sera la sienne.
Dans cette perspective, les deux lectures que nous avons entendues se rejoignent par la question posée : comment réussir l’idéal de vie qui habite toute personne, quelle qu’elle soit? Le Carême dans lequel nous entrons nous propose d’aller dans le sens de Jésus : entrer au désert pour approfondir les exigences que requiert une vie en quête de plénitude, i.e. ouverte sur les multiples dimensions d’une vie humaine, et non seulement centrée sur l’immédiateté du soi.
L’immédiat prend une place centrale dans notre manière contemporaine de penser et de vivre : il est même notre idéal de vie. Entrer en carême, c’est, me semble-t-il, prendre une autre voie et aller au désert avec Jésus, pour vivre un temps de liberté par rapport à l’immédiateté qui enferme. C’est peut-être cela, le temps de décision que nous avions retenu pour guider la célébration de ce midi.