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Dimanche après la Pentecôte (A)
11 juin 2017
Luc Chartrand
Un Dieu qui marche avec nous
Ce matin, l’évangéliste Jean change de registre. Nous sommes loin des mises en garde, qui jalonnent son œuvre et qui ont l’art de nous hérisser! Celle du style « Courage! J’ai vaincu le monde. » (Jn 16,33) Aujourd’hui, il est d’abord question d’amour : « Dieu a tant aimé le monde ». Notre monde est donc inconditionnellement aimé de Dieu, il est source d’un attachement particulier. Ici, aucune raison n’est évoquée. Il s’agit d’un fait « brutal », semblable à l’amour des parents envers leurs enfants. L’univers entier est aimé de Dieu. Il s’agit d’une invitation à être attentif à la beauté et à la sagesse qui prennent place à l’intérieur de la création. Le cosmos peut être source de la révélation de Dieu pour celle et celui qui savent regarder et tendre l’oreille. Cela transparaît quand des parents nous partagent les motivations qui les invitent à demander le baptême pour un enfant.
C’est dans ce contexte du monde aimé par Dieu, que le Fils s’inscrit. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » Deux conséquences découlent de ces deux faits. D'une part, nous pouvons être touchés et être transformés par l’amour de Dieu pour l’univers. D'autre part, parmi l’humanité, l’un de nous était différent, dont le statut est unique. Jean le définit comme « Fils unique ». Jésus de Nazareth vient troubler l’ordre établi. L’humanité n’est plus un TOUT homogène, bien qu'elle porte les marques du Créateur. L’autre qui est semblable à moi est confronté maintenant au « Tout Autre ». Il est celui qui vient mettre un terme à nos échecs de solutions devant l’énigme de la mort et du mal.
Le présupposé favorable de Dieu pour le monde est confirmé. Le « dire » de Jésus est du côté de la vie, non pas de celui d’un jugement de condamnation. Un jugement impliquerait une position impartiale, or Jésus est favorable au monde. Avant tout, Dieu aime le monde et Jésus apparaît ainsi comme la conséquence de cet amour. Jésus libère le monde de quelque chose, à savoir un manque qui fait partie de son existence. À une humanité enfermée sous le régime de loi, Dieu dépêche son Fils. Il vient assumer notre impossibilité de nous en affranchir. À nous, dont le cœur souhaite aimer sans condition et avec dépassement sans limites de soi-même, Dieu introduit le « Tout Autre » pour échapper à la loi. « Celui qui croit en lui échappe au Jugement; celui qui ne croit pas est déjà jugé… » En présence du Fils, le jugement ne fait pas partie du projet de Dieu. Au lendemain de l’Ascension, il ne reste que l’homme et Dieu. Deux univers séparés par une frontière, en apparence infranchissable, qui nous laisse éprouver, à certains jours, une solitude angoissante. Pourtant, nous continuons de « croire », tant bien que mal. La création nous y invite, à certains moments, comme un livre qui nous parle de Dieu. De plus, la venue du Seigneur Jésus en notre monde, malgré le temps qui nous en sépare, laisse dans les générations de témoins, qui ne cessent d’en reparler, un avant-goût de ce que signifie: « mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »
Dans cet acte de « croire », nous dépassons nos raisonnements bien articulés pour être, à notre façon et de manières ingénieuses, les « créateurs » d’un monde meilleur. La question du « croire » est celle qui traverse le temps. Cet apport capital est celui dans lequel, et par lequel, vient se greffer Celui que nous n’arrivons pas à cerner, qui est là sans que nous l’ayons invoqué, mais qui nous permet de continuer nos routes respectives en sachant que nous sommes des femmes et des hommes accompagnés par Dieu… « S’il est vrai, mon Seigneur, que j’ai trouvé grâce à tes yeux, daigne marcher au milieu de nous. »