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32e Dimanche du Temps Ordinaire (A)
12 novembre 2017
Un cri dans la nuit
On entend encore une fois cette parabole bien connue des dix jeunes filles qui s’en vont dans la nuit à la rencontre de l’époux qui les a invitées à sa noce, et le risque est grand d’un certain malaise, d’une certaine gêne. N’y a-t-il pas là comme un éloge d’un certain égoïsme, d’un refus de partage ? Et puis cette cassante réponse à un appel : Je ne vous connais pas. Cela nous semble tellement contraire à l’ensemble du message évangélique qui parle de fraternité, de communion, de miséricorde. C’est sans doute parce que nous faisons spontanément le rapprochement entre l’invitation de Jésus à venir partager en communauté et communion la joie de son royaume. Nous oublions de voir en ce récit une parabole qui veut attirer notre attention sur un point précis et qui pour ce faire propose un contraste très net entre deux attitudes. Essayons de voir de plus près.
Cinq des jeunes filles étaient prévoyantes, nous dit-on, et les cinq autres insouciantes. Prévoyantes ou insouciantes en quoi ? En la réponse qu’elles entendent donner à une invitation. L’invitation à entrer dans la joie de l’Évangile et la promesse d’un Royaume proposé sous l’image d’une joyeuse noce. L’invitation à adapter nos attitudes de manière à être prêt et digne pour entrer dans cette noce.
Cette adaptation n’est pas que le fait d’un code moral de conduite. Il est question de lampe à garder allumée, de provision d’huile, tout ce qui veut dire : accepter d’être soucieux de marcher en pleine lumière, même dans la pénombre des jours et des nuits. Le rapprochement que fait aujourd’hui la liturgie entre cette parabole et l’éloge de la sagesse prononcé dans la première lecture entendue précédemment nous suggère une piste de réflexion sur l’attitude du croyant et de la croyante qui veut avancer en sa vie selon l’Évangile.
La sagesse, nous dit-on, cette sagesse qui est Dieu lui-même, nous est donnée, elle nous recherche, elle vient à notre rencontre. Elle est discernement, elle délivre du souci, elle présente un visage souriant. Nous sommes bien loin de la proposition d’une austère conception de la vie, d’une rigoureuse morale, d’un jugement sans appel. Cependant, il ne suffit pas de se réjouir sans plus d’une semblable proposition, de se livrer sans plus à l’enthousiasme d’un moment. Il faut accueillir cette sagesse avec les moyens qui son nôtres : le discernement de ce qui est bon et juste, le sens de notre responsabilité face à la réponse à donner à une heureuse invitation. Il faut durer dans l’accueil et la réponse. C’est là qu’est notre désir. C’est là qu’est notre profonde dignité de créature de Dieu.
Il me semble bien important de porter avant tout notre regard et nos réflexions du côté des filles prévoyantes plutôt que de trop s’inquiéter de tomber dans les travers des insouciantes. Remarquons bien cependant que ces insouciantes voulaient, elles aussi, répondre à l’invitation à la noce, entrer dans la salle du festin. Elles font preuve d’insouciance, de légèreté plutôt que de malice. Elles s’en remettent entièrement à la bienveillance des autres, oubliant que la vie en fraternité et communion est partage et pas seulement action de recevoir. Elles oublient justement dans un certain enthousiasme et une certaine légèreté qu’il faut savoir être et durer dans la marche de la vie.
Terminons notre réflexion sur un point évocateur de la parabole : le cri dans la nuit : Voici l’époux, sortez à sa rencontre. Il y a là encore la double mention de la venue de l’époux et de la démarche personnelle d’aller à la rencontre. Le donné et l’accueilli. Un cri dans la nuit de nos désirs et de nos attentes. Un cri qui ouvre au bonheur. Un cri dont on connaît peu ou pas du tout le jour et l’heure. Un cri qui se fait toujours entendre, mais qui suppose le discernement pour l’écouter et y répondre. Un cri qui n’est pas une menace ou un signal de détresse, mais un appel à la fête.