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2e Dimanche de Pâques (B)

8 avril 2018

Du doute à la paix

Actes 4, 32-35

Jean 20, 19-31

Bruno Demers

« Si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, non, je ne croirai pas! »
Cette phrase est bien connue. On s’en rappelle facilement, parce que Thomas, on se reconnaît en lui. Il formule quelque chose de tellement juste qu’il nous est spontanément sympathique. En effet, il n’est pas facile de croire. Il y a tellement d’événements, de situations de souffrances, d’expériences de mal qu’on doute souvent de la force de l’Évangile, de la bonté de Dieu et même parfois de son existence. Il y a là quelque chose de normal. Devant le mystère, on ne peut que se poser des questions. Notre quête de compréhension est constamment relancée.      

Bruno Demers
Ce qui instille le doute en nos esprits, c’est au premier chef la grande place occupée par la science et la technique dans la mentalité d’aujourd’hui. Spontanément, on oppose le croire au savoir. Il y aurait d’un côté, les connaissances sûres et certaines qu’on obtient par l’expérimentation et la vérification scientifiques. Ce qui nous permet de prévoir les phénomènes avec exactitude. De l’autre côté, il y aurait l’objet de la croyance qui, lui, apparaît moins sûr parce qu’il relève des convictions intimes. Ce qui fait en sorte que le croire est jugé inférieur au savoir!            

 Or, comme de plus en plus de scientifiques le reconnaissent eux-mêmes, c’est une vue bien superficielle des choses. Le fait de croire est quotidien dans nos vies et nous ne pouvons pas nous en passer. Tout le monde vit selon la croyance plusieurs fois par jour. Quand on monte dans un autobus, par exemple, on ne vérifie pas si le chauffeur a bien son permis. On lui fait confiance! Quand on lit un article d’un journal sérieux, on ne prend pas le temps de tout vérifier. On s’en remet à la compétence du journaliste que nous connaissons depuis longtemps. Quand on achète du pain dans une boulangerie, on ne va pas inspecter les fourneaux. On connaît ce commerce et lui fait confiance.      

On le voit bien. On ne peut pas vivre en société sans faire confiance; sans un minimum de foi en les autres. Il n’y a pas le savoir d’un côté et la croyance de l’autre. Nous vivons tout le temps et de la croyance et du savoir. Dans le domaine des relations humaines, le croire s’impose à nous. Le oui conjugal que se disent deux fiancés est le résultat de leur amour. Et cet amour repose sur une foi mutuelle, une foi qui fait crédit à l’autre et compte sur sa fidélité. Cette confiance de base vaut pour tous nos engagements. Je ne peux rien entreprendre d’important sur l’avenir sans faire confiance à des gens. J’essaie moi-même d’être digne de confiance! Toute personne est obligée de faire confiance, d’exercer la croyance pour vivre en société. Plusieurs penseurs vont même plus loin et disent la même chose pour la spiritualité. Quelqu’un, par exemple, comme le philosophe français André Comte-Sponville parle désormais d’une spiritualité sans Dieu, d’une spiritualité athée. Même si ça surprend au début, il y a là quelque chose d’intéressant : la reconnaissance que l’être humain n’est pas qu’un corps déterminé par des lois physiques. Il a aussi une vie intérieure, une spiritualité. D’autant plus que cette spiritualité sans Dieu ne cherche pas à faire disparaître les religions. 

Il n’y a pas que les adeptes des religions qui ont une vie spirituelle. Tout le monde vit de la croyance. C’est très bien! On ne peut que s’en réjouir! Mais alors, qu’est-ce que la foi en Jésus Christ apporte de plus par rapport à une spiritualité sans Dieu? C’est un beau défi qui nous est lancé à nous, les croyants au Dieu de Jésus Christ. L’évangile d’aujourd’hui propose une piste de réponse. Notre sympathique Thomas attire notre attention sur quelque chose de particulier. Avez-vous remarqué ce qu’il veut toucher de Jésus? Il ne demande pas à toucher ses épaules ou sa tête. Il veut toucher la marque des clous, ses plaies, ses blessures! Étrange façon d’accueillir quelqu’un qu’on n’a pas vu depuis un certain temps!  

Pourquoi Thomas réagit-il ainsi? Parce qu’à l’époque, un messie ne pouvait pas connaître de souffrances, ne pouvait pas porter de marques de blessures, surtout pas des plaies d’un crucifié! C’est sans doute cela l’objet du doute de Thomas : Que Dieu puisse ressusciter un envoyé qui a accepté de vivre en humain jusqu’à être affecté par des souffrances et la mort. Que Dieu se soit incarné jusque-là pour exprimer sa solidarité avec les humains. C’est de ça dont doutait l’apôtre Thomas! Comme nous, aujourd’hui, qui avons de la difficulté à croire que Dieu puisse nous apporter un soutien jusque dans les souffrances, le non-sens par excellence!      

Oui, croire en Jésus Christ apporte des éléments nouveaux à une spiritualité sans Dieu : la révélation d’un Dieu personnel, respectueux et solidaire des humains jusqu’à assumer les souffrances et la mort. Désormais l’humanité n’est plus laissée à elle-même. Une intention bienveillante lui propose de faire advenir, avec elle, le Royaume de justice et de paix auquel nous aspirons tous. Cette foi à laquelle Dieu nous convie aujourd’hui prend aussi la forme de la paix. À trois reprises, dans l’Évangile de ce jour, Jésus offre sa paix aux disciples. Comme pour Thomas, il nous invite à passer du doute à la paix.            

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal