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Action de grâce (B)
7 octobre 2018
La vie en abondance
Yvon D. Gélinas
Les pâturages du désert ont reverdi, les arbres ont produit leurs fruits… les averses, celles de l’automne et celles du printemps sont tombées dès qu’il le fallait.
Il ne manque pas d’enthousiasme, le prophète Joël, au spectacle de la nature.
Regardez les oiseaux du ciel… Observez les lis des champs, nous dit l’évangile de Matthieu, comme pour attirer notre attention et notre regard sur ce que nous risquons d’oublier, de prendre pour acquis parce que c’est si familier.
Et tout de suite, Joël comme Matthieu font référence au Créateur. Le Seigneur a répandu ses largesses — Votre Père céleste sait ce dont vous avez besoin.
C’est bien là l’occasion de cette action de grâce, que nous célébrons ce matin. C’est l’abondance de la nature, des récoltes. Nous pouvons même en être les témoins quand on visite nos marchés : l’abondance de fruits et légumes étalée sous nos yeux alors qu’un été trop chaud nous faisait craindre de maigres récoltes.
Tout cela se résume en quelques mots : nous rendons grâce, nous remercions le créateur pour la beauté du monde. Et puis on peut encore ajouter ce que suggère le psaume que nous chantions il y a un instant : la table familiale où se rassemblent les générations est aussi lieu pour l’action de grâce.
C’est la beauté du monde et l’abondance de la vie. Une vie devant nous, devant nos yeux, une vie qui perce même à travers toutes les difficultés et les peines : le courage et la détermination de poursuivre toujours le dur métier de vivre.
En se référant au Créateur, les textes bibliques nous font aussi connaître notre lien avec Celui qui donne la vie, toutes les formes de vie. C’est pourquoi, c’est lui que nous remercions aujourd’hui en particulier comme on le fait en chaque célébration dominicale ou comme on devrait le faire à chaque jour de nos vies. Rendre grâce et remercier Dieu pour qui il est.
Cependant deux inquiétudes se font jour en cette action de grâce. Quand Matthieu nous parle des oiseaux du ciel et des lis des champs — tout d’ailleurs comme Joël qui s’émerveille en sa terre où coulent le lait et le miel — on fait appel aux largesses du Créateur qui donne en son temps ce qui nous fait vivre. Les oiseaux du ciel ne sèment ni ne moissonnent, ils n’engrangent rien, et les lis des champs ne filent pas. Tout leur est donné. Sont-ils des exemples à imiter? Serait-ce une invitation à la passivité, à être des têtes heureuses qui se laissent vivre au hasard des événements et des saisons? Il ne faut pas isoler un passage d’Évangile de l’ensemble du message. Tout nous est donné, mais il nous appartient d’apprendre à en tirer profit. Il faut le travail de nos mains pour que rien ne se perdre et surtout pour que soit continué et achevé ce que Dieu a commencé pour nous. Le Christ Jésus nous a appris que nous ne sommes pas des marionnettes manipulées par un Dieu indifférent à notre liberté et consentement.
La deuxième difficulté suscitée par cette fête de joie est plus troublante peut être. Combien d’êtres humains ne se sentent pas en mesure de rendre grâce? Il y a les peines les deuils, les soucis de toute espèce ; il y a des terres dévastées par les guerres, des famines causées par la violence et l’insouciance des hommes, comme il y a l’avenir problématique de notre planète par négligence de l’environnement.
La réponse — difficile — à cette question est largement entre nos mains. Il y a l’appel à la compassion et à l’entraide entre sœurs et frères humains : la main tendue qui ne guérit pas tout mais donne courage et fait encore désirer la vie. Il y a, à plus large dimension, le souci de la justice et du partage entre tous comme l’accueil offert à ceux et celles qui se voient dans l’obligation de quitter une terre devenue inhospitalière.
Mais ne soyons pas trop des esprits chagrins en ce jour de réjouissance. Nous rendons grâce parce que toujours la vie se présente abondante et belle, œuvre d’un Dieu créateur qui aime sa création et veut son bonheur et donne à ses enfants le soin et le souci de la parfaire cette création, cette beauté du monde. Et il y a celui qui est venu partager nos peines et nos souffrances et qui toujours marche à nos côtés pour nous soutenir, nous donner courage, nous rappeler le bonheur de vivre : le Christ Jésus.